Question de M. CAPO-CANELLAS Vincent (Seine-Saint-Denis - UC) publiée le 07/02/2018

Question posée en séance publique le 06/02/2018

M. Vincent Capo-Canellas. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame la garde des sceaux, lors de l'audience solennelle de rentrée du tribunal de Bobigny, la semaine dernière, la procureure de la République a lancé un appel au secours sur la capacité de la justice à répondre à la délinquance. L'émotion est telle que le journal Le Monde l'a repris en une.

Cet appel au secours exige des décisions fortes. Il interpelle au-delà de la Seine-Saint-Denis sur les difficultés rencontrées dans un certain nombre de juridictions. Il pose le problème de l'effectivité de la justice pénale et de l'égalité de tous devant la sanction.

Il y a des départements où, faute de moyens, le parquet n'a plus la capacité de poursuivre. Le problème n'est pas nouveau, mais il devient insupportable à tous, sauf aux délinquants…

« On fait des choix, on priorise », disait encore ce matin la procureure sur les ondes. Par exemple, les vols à l'étalage ou l'usage de stupéfiants ne sont pas poursuivis en dessous d'un certain seuil. Cette réalité est celle du deuxième parquet de France. Elle doit tous nous conduire à nous interroger.

La dégradation de la réponse pénale dans ce département où la délinquance atteint malheureusement des sommets est une réalité : « 418 dossiers d'instruction stagnent dans les rayons, sans réelle perspective ni à court terme ni à moyen terme », explique la procureure.

Faute de moyens encore, le parquet est contraint quotidiennement de dégrader sa réponse pénale ou de la différer : quand le taux national de réponse pénale est de 50 % des affaires poursuivables, il est de 31 % en Seine-Saint-Denis.

La procureure pose la question : est-ce mission impossible de prendre des mesures exceptionnelles pour un département exceptionnel ? Il semble qu'il n'y aura pas de création de postes au parquet de Bobigny en 2018.

Madame la garde des sceaux, comment comptez-vous répondre aux inquiétudes de la procureure de Bobigny et, plus largement, assurer l'effectivité des moyens des parquets ? D'autres juridictions sont-elles dans la même situation ? Comment pensez-vous rendre la justice égale pour tous dans notre République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 07/02/2018

Réponse apportée en séance publique le 06/02/2018

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Capo-Canellas, votre question est percutante. Il est exact que le discours de Mme la procureure de Bobigny a éveillé bien des inquiétudes.

Nous sommes extrêmement conscients de cette situation. J'ai moi-même été alertée sur la situation du parquet de Bobigny…

M. François Grosdidier. C'est pareil à Metz !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … et de certains autres parquets français par les procureurs de la République qui, dès ma prise de fonction, m'ont remis leur Livre noir.

Permettez-moi de rappeler que, dès 2018, le budget de la justice augmentera de 3,9 % et que nous avons créé 148 postes qui viendront renforcer l'effectif des magistrats et des équipes autour des magistrats.

Je rappelle également que le projet de loi quinquennale de programmation des moyens de la justice qui vous sera présenté prochainement permettra de renforcer ces effectifs dans la durée.

Concernant le parquet de Bobigny, sans doute avez-vous été mal informé, monsieur le sénateur, car nous allons renforcer les effectifs de magistrats du siège, qui passeront ainsi de 131 à 137. Nous allons également renforcer les effectifs du parquet, qui passeront de 53 à 57 et qui, si le président du tribunal en fait la proposition, permettront l'ouverture d'une deuxième chambre de comparution immédiate.

Les effectifs de fonctionnaires seront pérennisés, ce qui donnera réellement les moyens à cette deuxième chambre de comparution immédiate de fonctionner.

L'action publique sera ainsi réellement confortée et pourra apporter une réponse pénale tout à fait satisfaisante, dans le sens de ce qui est exigé.

Ces réponses seront fortifiées par deux autres éléments : d'une part, la révision constitutionnelle, qui viendra renforcer le statut du parquet et permettra aux magistrats du parquet de remplir la totalité de leur office – ce point est important ; d'autre part, les chantiers de la justice, qui devront trouver leur achèvement dans le projet de loi quinquennale de programmation des moyens de la justice et le projet de loi de simplification pénale. Ces deux textes permettront de doter les magistrats d'éléments puissants, en termes tant de procédures ou de simplification que de transformation numérique, afin qu'ils puissent aussi apporter une réponse publique satisfaisante.

M. le président. Veuillez conclure, madame la garde des sceaux !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Telle est l'ambition du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

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