Question de M. PRIOU Christophe (Loire-Atlantique - Les Républicains) publiée le 01/02/2018

M. Christophe Priou attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation du tribunal de Saint-Nazaire en Loire-Atlantique. En effet, suite au lancement, le 6 octobre 2017, des Chantiers de la justice, en amont du projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, il apparaît urgent de signaler le rôle important du tribunal de Saint-Nazaire étant donné la démographie de son ressort. Si le principe de création d'un tribunal de première instance par département était retenu, il lui faudrait l'alerter sur les conséquences importantes pour le ressort du tribunal mais aussi pour l'ensemble des justiciables de Loire-Atlantique. La croissance démographique du territoire et l'activité soutenue du tribunal de Saint-Nazaire comme celle du tribunal de Nantes, obligent à une prise en compte de cette réalité de terrain du département. La Loire-Atlantique est un des départements les plus dynamiques de France, gagnant 16 240 habitants par an entre 2009 et 2014, soit 81 000 habitants sur cinq ans. Sur la même période, Nantes Métropole a gagné 37 080 habitants et l'agglomération nazairienne 6 210 habitants. C'est pourquoi, compte tenu de ces éléments objectifs, l'activité du tribunal de Saint-Nazaire est particulièrement soutenue. Pour un ressort de 350 000 habitants, il aura rendu en 2016 un nombre élevé de décisions : 10 532 pour le tribunal de grande instance et 8 182 pour le tribunal d'instance. Cette situation s'explique par un apport élevé de population, jusqu'à près d'un million de personnes sur le littoral durant les congés et week-ends. Le tribunal de Nantes, déjà fortement sollicité, n'aura pas la capacité d'absorber une charge conséquente d'affaires. Il lui demande quelles mesures sont envisagées pour qu'une ville comme Saint-Nazaire conserve un accès direct à la justice, connaissant le fonctionnement efficace de son tribunal qui plaide au contraire pour un renforcement de ses moyens en accueillant de nouvelles chambres, notamment sur les questions maritimes.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 14/02/2018

Réponse apportée en séance publique le 13/02/2018

M. Christophe Priou. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice et concerne le tribunal de Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique.

En effet, à la suite du lancement, le 6 octobre 2017, des chantiers de la justice, en amont du projet de loi de programmation pour la justice 2018–2022, il apparaît urgent de signaler le rôle important du tribunal de Saint-Nazaire, étant donné la démographie de son ressort.

Si le principe de création d'un tribunal de première instance par département était retenu, il me faudrait vous alerter, madame la garde des sceaux, sur les conséquences importantes pour le ressort du tribunal, mais aussi pour l'ensemble des justiciables de Loire-Atlantique.

La croissance démographique du territoire et l'activité soutenue du tribunal de Saint-Nazaire comme celle du tribunal de Nantes obligent à une prise en compte de cette réalité du département. La Loire-Atlantique est l'un des départements les plus dynamiques de France, gagnant plus de 16 000 habitants par an, soit 81 000 habitants sur cinq ans.

C'est pourquoi, compte tenu de ces éléments objectifs, l'activité du tribunal de Saint-Nazaire est particulièrement soutenue. Pour un ressort de 350 000 habitants, il aura rendu en 2016 un nombre élevé de décisions : 10 532 pour le tribunal de grande instance et 8 182 pour le tribunal d'instance.

Cette situation s'explique par un apport élevé de population, jusqu'à près de 1 million de personnes sur le littoral durant la période estivale et les week-ends. Le tribunal de Nantes, déjà fortement sollicité, n'aura pas la capacité d'absorber une charge importante d'affaires.

Aussi, quelles mesures sont envisagées pour qu'une ville comme Saint-Nazaire conserve un accès direct à la justice, connaissant le fonctionnement efficace de son tribunal, qui plaide au contraire pour un renforcement de ses moyens en accueillant de nouvelles chambres, notamment sur les questions maritimes, dans une région qui a eu à traiter la catastrophe de l'Erika ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Christophe Priou, comme vous le savez, le Gouvernement a lancé une très large réflexion sur cinq grands chantiers thématiques concernant le fonctionnement et l'organisation de la justice, dont l'un est relatif à l'adaptation de l'organisation territoriale des tribunaux.

Les propositions concernant ces chantiers m'ayant été rendues, je suis actuellement dans une phase de concertation avec l'ensemble des métiers du droit et, bien entendu, des organisations syndicales représentant les personnels de justice qui durera jusqu'au début du mois de mars. J'aurai également l'occasion de rencontrer les parlementaires sur l'ensemble de ces sujets.

La réforme de l'organisation territoriale telle que nous l'avons conçue vise à satisfaire les intérêts essentiels du justiciable, c'est-à-dire à garantir un accès simple, lisible, rapide et direct à la justice. Sur la base de ces principes, des évolutions concrètes et opérationnelles seront envisagées. Ces évolutions trouveront leurs premières traductions dans la loi de programmation pour la justice 2018–2022. Elles concilieront l'exigence de proximité, la spécialisation et l'efficience des juridictions.

S'agissant de Saint-Nazaire, je réaffirme ce que j'ai déjà eu l'occasion de dire à plusieurs reprises : aucun site juridictionnel ne sera fermé. La réforme envisagée du réseau judiciaire sera au contraire pensée comme une opportunité de moderniser l'action de l'institution judiciaire dans l'intérêt de nos concitoyens et non pour réaliser des économies.

Les propositions formulées dans le cadre du chantier sur l'adaptation territoriale mené par Dominique Raimbourg et Philippe Houillon visent effectivement à la mise en place d'un tribunal judiciaire en principe au niveau départemental. Il est cependant clairement indiqué que les départements pour lesquels la situation démographique ou économique le justifierait pourraient comporter plusieurs tribunaux judiciaires.

Cette réforme, je puis vous l'assurer, ne se fera ni au détriment du service rendu au justiciable ni au détriment de la proximité que nous devons assurer. Il me semble plus encore que le succès de cette réforme sera conditionné à un ancrage dans la réalité de nos territoires. C'est le sens des chantiers et c'est aussi celui de mon action.

M. le président. La parole est à M. Christophe Priou.

M. Christophe Priou. Madame la garde des sceaux, j'entends bien vos arguments. Vous aviez annoncé que la réforme de la carte judiciaire était à l'ordre du jour pour l'adapter à une nouvelle organisation, que vous évoquée. Nous entrerons néanmoins dans des considérations géographiques.

Malgré vos propos rassurants, de nombreuses professions juridiques me font part de leur inquiétude sur la redéfinition des ressorts des cours d'appel en vue de les mettre en cohérence avec les nouvelles grandes régions. Nous aimerions connaître avec plus de précisions géographiques ce projet, dans lequel, nous dit-on, la cour d'appel de Rennes deviendrait celle du Grand-Ouest et les tribunaux de Loire-Atlantique passeraient sous la juridiction de la cour d'appel d'Angers. À Rennes, du fait du rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, on craint la partition judiciaire liée à ce nouveau découpage.

Il est utile de rappeler que les Bretons se sont fortement opposés en 2007 à la partition judiciaire de leur territoire. À l'époque, le Gouvernement avait finalement conscience de cette réalité et avait dû renoncer à transférer les juridictions de Loire-Atlantique sous la juridiction de la cour d'appel d'Angers.

De plus, il est largement admis que la cour d'appel de Rennes fonctionne bien, à la grande satisfaction des autorités, des magistrats, des greffiers et des fonctionnaires, ainsi que de l'ensemble des auxiliaires de justice. Nous attendons que la raison l'emporte, avec nos anciens collègues Dominique Raimbourg et Philippe Houillon.

Je terminerai en rappelant, madame la garde des sceaux, puisque vous êtes membre du Gouvernement, que la région Pays-de-la-Loire, qui touche le Grand-Ouest avec la Bretagne, a été fortement pénalisée, traumatisée par l'abandon du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Nous espérons que notre voix sera entendue s'agissant de ce que l'on appelle déjà les « compensations », notamment dans le domaine de la justice

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