Question de Mme VULLIEN Michèle (Rhône - UC-A) publiée le 02/02/2018

Question posée en séance publique le 01/02/2018

Mme Michèle Vullien. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le Gouvernement a annoncé, le 9 janvier dernier, la mise en place d'une limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure sur le réseau secondaire à compter du 1er juillet prochain.

Comme vous le savez, le Sénat a constitué un groupe de travail sur le sujet, groupe auquel j'aurai plaisir à participer. J'ai d'ailleurs un a priori plutôt favorable sur cette mesure.

Si l'objectif de diminuer le nombre de morts sur ces portions de routes accidentogènes est louable, il apparaît toutefois que la démarche du Gouvernement a été quelque peu hâtive et dénuée de concertation préalable. En outre, elle a fait abstraction des conclusions rendues dans le cadre des Assises de la mobilité. Par ailleurs, il semblerait que la direction de la sécurité routière n'ait pas souhaité participer aux travaux des assises, alors qu'elle y a été conviée par le groupe d'experts. On ne peut que s'en étonner et le regretter !

Ma demande est donc double.

Tout d'abord, pourquoi la sécurité routière n'a-t-elle pas participé aux Assises de la Mobilité ?

Ensuite, et surtout, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous attendre les conclusions du groupe de travail sénatorial avant de confirmer votre décision de modifier la réglementation ?

Permettez-moi enfin un petit clin d'œil. Dans son discours de vœux de ce mardi, le Président de la République a longuement insisté sur l'importance des évaluations ex ante dans le cadre de l'action publique. Il serait tout de même paradoxal que son gouvernement ne respecte pas cette ligne de conduite !

Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, et vous propose de prendre rapidement date pour que nous venions vous exposer les conclusions de nos travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 02/02/2018

Réponse apportée en séance publique le 01/02/2018

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, vous m'interrogez sur la décision que j'ai annoncée de faire passer la limitation de vitesse sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central de 90 kilomètres par heure à 80 kilomètres par heure.

Dès que j'ai évoqué cette mesure et quand je l'ai rendue publique, j'avais parfaitement conscience qu'elle aurait pour conséquence une impopularité notoire pour celui qui en était à l'origine, et, plus encore – car, au fond, ce n'est pas l'essentiel –, susciterait du scepticisme, peut-être de l'incompréhension et une forme d'agacement, voire, parfois, même si ce n'était pas le ton de votre question, de la colère.

Le sujet est suffisamment complexe et sérieux pour que je vous communique les chiffres définitifs pour l'année 2017, qui viennent d'être publiés. Au cours de l'année 2017, ce sont très exactement 3 693 personnes qui ont trouvé la mort sur les routes françaises. Cela concerne la métropole et l'outre-mer.

En effet – vous le savez sans doute si ce sujet vous intéresse –, pendant très longtemps, il a été décidé, pour des raisons que j'ignore, de ne diffuser que les chiffres concernant la France métropolitaine en omettant les tués sur la route en outre-mer. À ces 3 693 morts, il faut ajouter 77 476 blessés, dont plus de 25 000 blessés graves, ceux que l'on appelle parfois les blessés à vie.

Dans le Rhône, votre département, madame la sénatrice, au cours de l'année 2017, quelque 58 personnes ont trouvé la mort et 2 735 ont été blessées. C'est un peu moins de morts que pour l'année 2016 – trois ! –, mais cela représente 10 % de blessés en plus.

Le coût humain est considérable, tout comme l'est le coût individuel familial. Il en est de même du coût collectif. Pardon d'évoquer ces données de nature budgétaire – c'est peu de chose par rapport au reste –, mais il faut tout de même le faire : on estime entre 32 et 40 milliards d'euros – cela dépend du mode de calcul – le préjudice annuel lié à la surmortalité sur les routes. C'est énorme. Ce n'est pas le motif de la limitation, mais il faut le prendre en compte.

M. Simon Sutour. Ah !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ces chiffres sont trop importants, et je ne veux pas que l'on s'y habitue. Ce n'est jamais le cas, bien sûr, mais lorsque ces mauvais chiffres se répètent, année après année, certains finissent par se dire que c'est la fatalité.

Or je ne crois pas à la fatalité. Je pense que nous pouvons réduire le nombre de morts et de blessés sur les routes en France. C'est l'objectif !

M. Simon Sutour. Il faut mettre de l'argent sur les routes !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous avez raison, monsieur le sénateur. Reste que 92 % des accidents de la route ne sont pas liés à l'état des routes, mais sont dus au comportement humain et à la vitesse. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. Ils sont dus à l'excès de vitesse !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Les chiffres sont là, ils en attestent. La vitesse est systématiquement un facteur aggravant, madame la sénatrice, même si ce n'est pas le seul. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Gérard Cornu. L'excès de vitesse !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je le répète : 3 693 morts !

Madame la sénatrice, avant d'occuper cette fonction, vous avez été maire d'une commune de 8 800 habitants. Nous voulons avancer et faire en sorte qu'il y ait moins de morts et moins de blessés. (Nous aussi ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Certes, on peut se focaliser sur cette mesure, mais elle s'inscrit dans le cadre d'un plan, grâce auquel seront sanctionnées beaucoup plus lourdement la conduite en état d'ivresse, l'utilisation du téléphone portable en conduisant, la conduite sans permis de conduire, la conduite sous l'emprise de produits stupéfiants. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. C'est cela, la vraie cause !

M. Jackie Pierre. Faites déjà respecter les 90 kilomètres par heure !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Tous ces éléments sont prévus, et ce plan produira des effets.

Bien évidemment, nous avons interrogé tous les spécialistes en la matière. Vous imaginez bien, madame la sénatrice, qu'avant de prendre une décision dont je sais qu'elle est impopulaire, ne recherchant pas spécifiquement et spontanément l'impopularité, je me suis demandé si elle pouvait avoir un effet et j'ai interrogé les sachants, les médecins, les spécialistes : tous ont indiqué que la vitesse était systématiquement un facteur aggravant sur ces routes qui représentent plus de 55 % des accidents en France. Nous les avons écoutés et pris en compte leur avis.

Je sais que le Sénat s'interroge sur ce sujet et a créé un groupe de travail. Je suis enchanté qu'il le fasse et la porte de Matignon, qui est évidemment toujours ouverte à tous les sénateurs, l'est plus encore à ceux qui voudraient discuter de cette mesure.

En la matière, madame la sénatrice, je me fixe non une obligation de moyens, mais une obligation de résultat : nous allons faire mieux. Nous allons réduire le nombre de morts et de blessés sur la route.

Je me souviens de la réaction qu'avait suscitée, au début des années 2000, la décision du président Chirac de s'engager résolument en la matière : l'impopularité du Gouvernement. Quelques années plus tard, tout le monde a reconnu que ces mesures étaient justes et avaient produit leur effet. C'est sur cette ligne que je m'inscris. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. François Patriat. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Michèle Vullien, pour la réplique.

Mme Michèle Vullien. Monsieur le Premier ministre, je vous remercie de votre réponse. Je suis plutôt favorable à cette mesure, qui appelle toute mon attention.

En revanche, je déplore la méthode. C'est seulement hier soir que nous avons reçu les études du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, le CEREMA. Nous aurions souhaité avoir plus de temps pour les étudier.

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