Question de Mme BLONDIN Maryvonne (Finistère - SOCR) publiée le 18/01/2018

Mme Maryvonne Blondin attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les inquiétudes suscitées par les cinq chantiers de réforme annoncés par son ministère le 5 octobre 2017 et en particulier sur la potentielle mise en œuvre d'un seul tribunal de première instance par département.
Le 24 novembre 2017, lors de la conférence nationale des bâtonniers, cette réforme de la chancellerie a été au cœur des débats. Si les objectifs de simplification des procédures civiles et pénales, le sens de la peine, le développement du numérique et la restructuration du territoire ont été évoqués par le ministère, les professionnels de la justice ont marqué leur mécontentement face à l'opacité des informations transmises et aux délais trop courts pour établir une discussion constructive.
En particulier, deux aspects suscitent leur mobilisation : l'adaptation des cours d'appel à la carte des nouvelles régions qui créerait un déséquilibre dans le maillage territorial existant ; et la création d'un tribunal départemental de première instance qui remplacerait certains tribunaux de grande instance existants.
Le département du Finistère dispose actuellement de deux tribunaux de grande instance (TGI) à Brest et Quimper et a déjà été impacté, en 2010, par la fermeture du tribunal de grande instance de Morlaix et des tribunaux d'instance de Quimperlé et Châteaulin. Une telle disposition, qui consisterait à supprimer l'un des deux TGI, entraînerait de facto une véritable rupture dans l'accès à la justice des citoyens. Les tribunaux de Brest et Quimper, en tout point comparables, qu'il s'agisse des effectifs de magistrats, de greffiers ou du nombre d'affaires traitées chaque année, permettent de couvrir les besoins des justiciables sur l'ensemble du territoire. En effet, la géographie du Finistère, très étendue, et la répartition démographique entre nord et sud du département nécessitent le maintien de deux tribunaux afin de permettre un accès de toutes et tous à une justice de proximité.
Si des dérogations ont déjà été évoquées selon des critères géographiques ou démographiques, auxquels le Finistère répondrait d'ailleurs pleinement, les avocats et magistrats quimpérois demeurent toutefois très inquiets sur l'avenir de la carte judiciaire du département.
Le ministère a précisé son souhait d'établir davantage de clarté et de lisibilité dans l'organisation de la carte judiciaire tout en respectant les principes de proximité, de spécialité, de collégialité et en conservant le maillage actuel des juridictions. Il a ainsi annoncé qu'aucun lieu de justice ne serait fermé. Or un lieu de justice n'est pas nécessairement synonyme d'un tribunal et cette déclaration ne rassure pas pleinement les professionnels de justice. Enfin, l'alternative à cette suppression consistant en un transfert d'une partie du contentieux vers l'un ou l'autre de ces tribunaux apparaît, elle aussi, préjudiciable et inadaptée à l'activité judiciaire de ce territoire.
Au-delà, la création d'un tribunal de première instance complété par des chambres détachées n'apparaît pas non plus cohérente avec l'objectif de rationalisation budgétaire alors même que les nouveaux locaux du tribunal de grande instance de Quimper viennent d'être inaugurés.
Elle souhaite donc connaître sa position concernant la prochaine organisation territoriale de la justice et sa prise en compte des spécificités départementales en la matière.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 18/10/2018

Le projet de loi de programmation et de réforme de la justice a suscité beaucoup d'interrogations, s'agissant notamment du chantier relatif à l'adaptation du réseau des juridictions. Le rapport consacré à ce sujet, rendu à l'issue des « Chantiers de la Justice », préconisait un certain nombre de mesures. La Garde des Sceaux, ministre de la justice, a pris la décision de ne pas suivre un certain nombre d'entre elles. Ainsi, contrairement aux choix opérés par de précédents gouvernements, il a notamment été décidé de ne fermer aucune juridiction, de ne pas desserrer le maillage judiciaire existant et de n'affaiblir aucun site judiciaire. Le statu quo n'apparaissait pas acceptable pour autant. Il a donc été décidé de proposer au Parlement une évolution centrée non pas sur des directives venues de Paris mais fondée sur des propositions émanant du terrain. Cette évolution sera articulée autour de grands principes : rendre plus lisible l'organisation des juridictions en proposant une fusion administrative des tribunaux d'instance (TI) et de grande instance (TGI) ; rendre une justice plus efficace en offrant aux juridictions la possibilité de spécialiser des contentieux techniques et de faible volume ; rendre possible des évolutions pour les cours d'appel dans deux régions expérimentales. La fusion des TGI et TI répond à un souci de simplification des procédures. La répartition des contentieux entre le tribunal d'instance et le tribunal de grande instance est aujourd'hui complexe et peu lisible pour le justiciable. Ce dernier ne devrait pas avoir à se demander s'il doit saisir le TI ou le TGI suivant la nature de son litige. Cette interrogation aura d'autant moins de pertinence que le projet de loi prévoit que le justiciable saisira désormais le tribunal par un formulaire unique de requête introductive d'instance. Cette fusion simplifiera la gestion des contentieux pour le justiciable et aura des conséquences positives pour les chefs de juridiction qui disposeront de plus de souplesse pour gérer leurs ressources humaines. Cependant, aucun lieu de justice ne sera fermé. Ainsi, dans les villes où il existe actuellement un tribunal d'instance isolé, celui-ci sera maintenu et ses compétences actuelles seront préservées par décret. Organiquement rattaché à un tribunal de grande instance, il conservera sa dénomination et continuera à juger les contentieux du quotidien identiques à ceux d'aujourd'hui. Les magistrats et fonctionnaires continueront à y être précisément affectés. Il n'y aura donc aucun recul de la justice de proximité. L'article 53 du projet de loi prévoit même que les chefs de cour pourront attribuer au tribunal d'instance des compétences supplémentaires, après avis du président du tribunal de grande instance et du procureur de la République, si cela correspond à un réel besoin des justiciables. En ce sens le maillage juridictionnel national sera maintenu et les contentieux continueront à être jugés dans des conditions que nous rendrons encore plus favorables qu'actuellement. Les tribunaux de grande instance ne seront aucunement affectés, conservant leurs présidents et leurs procureurs de la République. Si des projets de spécialisation et de répartition des contentieux très techniques et de faible volume entre ces tribunaux nous sont proposés par les chefs de cours, nous les étudierons dans la perspective d'une meilleure efficacité de la justice. Le projet qui sera présenté au Parlement ne vise donc aucunement à mettre en cause la justice de proximité puisqu'aucun site juridictionnel ne sera affaibli. Bien au contraire, l'objectif visé est que, à partir des outils qui seront mis à leur disposition, les territoires puissent, s'ils l'estiment nécessaire, proposer une organisation plus efficace du traitement des contentieux.

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