Question de M. RETAILLEAU Bruno (Vendée - Les Républicains) publiée le 24/01/2018

Question posée en séance publique le 23/01/2018

M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, la réponse que vous avez faite à M. Requier ne nous a pas convaincus.

En réalité, à Notre-Dame-des-Landes, le chantage à la violence a payé, malgré 179 décisions de justice toutes favorables, malgré la légitimité du suffrage universel, malgré l'engagement solennel du Président de la République !

L'abandon du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, c'est le triomphe des ultras, des zadistes. Il suffisait d'ailleurs, pour s'en convaincre, de regarder la télévision ces derniers jours. Lorsque le ministre d'État Nicolas Hulot s'était rendu dans cette ZAD, il en était ressorti avec des épluchures sur la tête ! (Murmures sur diverses travées.)

Monsieur le Premier ministre, c'est un terrible message adressé à tous les élus de la République qui s'échinent au quotidien à prendre des décisions difficiles et qui savent désormais qu'une minorité agissante peut bloquer un projet d'intérêt général.

C'est un terrible message adressé à nos territoires de l'Ouest et des Pays de la Loire. Voilà quelques semaines, nous avons appris que notre grand port maritime n'était plus au niveau d'un port national. Mercredi dernier, vous nous avez appris que, désormais, pour prendre l'avion, il nous faudrait d'abord nous rendre en train à Paris. Toujours Paris ! Est-ce là, monsieur le Premier ministre, votre conception de l'aménagement du territoire ?

Vous avez pris une décision, il vous faut désormais prendre vos responsabilités : que ferez-vous pour accompagner le désenclavement de l'Ouest et des Pays de la Loire ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 24/01/2018

Réponse apportée en séance publique le 23/01/2018

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Retailleau, dans votre question, j'entends de la déception, de la colère et de l'inquiétude. Je ne suis pas sûr de pouvoir effacer votre déception – je suis même certain du contraire ! –, je ne suis pas sûr de pouvoir éteindre votre colère, j'espère au moins pouvoir apaiser quelque peu votre inquiétude.

Oui, mercredi dernier, j'ai pris une décision. Ce n'était pas facile. Elle s'est fondée sur l'ensemble des éléments en ma possession au moment où j'ai dû la prendre : les procédures, les décisions de justice, les consultations conduites depuis le début de ce projet, voilà bien longtemps, les échanges que j'ai eu le plaisir d'avoir avec les élus locaux et nationaux, mais aussi l'analyse d'une situation de division qui m'est apparue exceptionnelle et que notre pays, collectivement – si ces propos vous heurtent, monsieur Retailleau, je vous prie de m'en excuser –, a laissé se développer sur la zone de Notre-Dame-des-Landes. Disant cela, je ne pointe la responsabilité de personne, je formule un constat.

Les occupations illégales ont commencé il y a plus de huit ans, les tentatives d'évacuation de la zone effectuées dans le passé ont échoué. À la différence de ce que l'on observe pour beaucoup d'autres projets, où des oppositions locales existent, mais où un mouvement puissant en faveur de la réalisation de l'infrastructure se manifeste, chacun était retranché dans ses positions et nous allions vers un affrontement certain.

Au regard de tous ces éléments, j'ai considéré qu'il fallait à la fois prendre une décision pour sortir de cette situation –c'est la raison pour laquelle j'ai annoncé que ma décision était irrévocable – et rétablir dans la zone l'État de droit, qui n'était plus depuis trop longtemps qu'un mythe. Cela passe par le rétablissement de la circulation routière, qui était interrompue depuis bien longtemps, et par la cessation de l'occupation illégale des terres, dès la fin de la trêve hivernale.

Reste le problème de fond, difficile, des besoins de mobilité du Grand Ouest, de la Bretagne et des Pays de la Loire, de la mise en place d'une meilleure connexion aux grandes infrastructures aéroportuaires et aux flux de développement économique. La question est posée. J'ai indiqué que, pour y répondre, nous consulterions rapidement, une fois le temps de la déception et de la colère passé, l'ensemble des acteurs. Mme la ministre des transports se rendra vendredi et samedi à Rennes et à Nantes pour rencontrer les élus qui le voudront bien, afin d'étudier avec eux les actions envisageables à court, moyen et long terme.

J'ai indiqué un certain nombre de pistes pour le court terme, notamment le réaménagement, le plus vite possible, des infrastructures de l'aéroport Nantes-Atlantique. (M. Christophe Priou lève les bras au ciel.) On peut procéder en deux temps. Une première étape est la construction d'une nouvelle aérogare et l'aménagement de nouveaux taxiways. Ces travaux se dérouleront sur l'emprise de l'aéroport existant, sans gêner son exploitation : ils ne nécessiteront pas d'expropriation, juste l'obtention d'un permis de construire et une négociation avec l'opérateur. Ensuite se posera la question de l'allongement de la piste existante, qui présenterait l'avantage de réduire les nuisances sonores à Nantes, et l'inconvénient de les augmenter dans les communes situées en bout de piste, au sud, notamment à Saint-Aignan de Grand Lieu.

Il faudra voir dans quelle mesure les propriétaires des infrastructures existantes à Rennes, à Nantes, à Lorient et, de façon générale, dans le Grand Ouest pourront mettre en réseau leurs équipements et les développer.

Ces questions ont pu être déjà posées par le passé, monsieur Retailleau, mais elles ont toujours été étudiées avec l'idée que l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes se ferait.

Je pressens que la discussion que nous aurons avec les élus locaux et les opérateurs nous permettra de dessiner des solutions d'investissement pour améliorer la desserte aérienne.

S'agissant de la desserte ferroviaire, il faudra voir dans quelles conditions il est possible de rejoindre les grandes plateformes aéroportuaires. Je prends le monde tel qu'il est, monsieur Retailleau. Aujourd'hui, la France ne compte que deux grandes plateformes aéroportuaires susceptibles de développer des vols long-courriers internationaux : Paris et Nice. Cela ne condamne pas les autres, mais je constate que l'aéroport de Lyon, grande agglomération qui ne manque pas de dynamisme et se trouve à deux heures de Paris par le TGV, a une fonction nationale et européenne, mais n'est pas compétitif sur le plan international.

Il faudra donc répondre point par point à ces questions pour améliorer la mobilité dans le Grand Ouest. Nous sommes prêts à mener ce travail indispensable et difficile, car, je le dis très tranquillement, nous n'avons pas d'autre choix. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour la réplique.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, vous pouviez faire un autre choix que celui de la facilité : celui du courage ! L'abandon du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, c'est la victoire d'une violence physique, mais aussi d'une violence symbolique, faite au pacte civique qui lie les Français entre eux et qui repose sur le droit et sur le vote ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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