Question de M. KANNER Patrick (Nord - SOCR) publiée le 24/01/2018

Question posée en séance publique le 23/01/2018

M. Patrick Kanner. Permettez-moi tout d'abord, monsieur le président, de vous remercier des félicitations que vous m'avez adressées.

Monsieur le Premier ministre, depuis samedi dernier, plusieurs villes de la région d'Afrin, au nord de la Syrie, sont pilonnées par les forces armées turques. Ciblant des sites militaires de l'YPG, acronyme désignant les unités de protection du peuple, organisation faisant partie des forces démocratiques syriennes, ces bombardements ont fait de nombreuses victimes civiles, dont des enfants.

Cette situation est aussi dramatique qu'inquiétante, et ce à plus d'un titre.

Elle est dramatique, parce que cette zone gérée par les Kurdes était l'une des rares parties du pays à avoir été épargnée jusqu'alors par les combats.

Elle l'est également parce que ce conflit, complexe du fait du nombre et de l'opacité des acteurs en présence, charrie depuis ses origines les germes d'un embrasement régional. En intervenant, troupes au sol à l'appui, Ankara prolonge le conflit et bouscule le rapport de force au sein des forces libres syriennes, éloignant un peu plus les perspectives de paix. Le président Erdogan, reçu par l'Élysée en début d'année, a d'ailleurs déclaré qu'« il n'y aura pas de retour en arrière ».

Pourtant, mes chers collègues, l'YPG est connue pour ses faits d'armes contre l'État islamique et a contribué largement à la défaite de ce dernier sur le terrain. C'est donc une composante essentielle du front commun contre le terrorisme qui est aujourd'hui attaquée.

La situation est inquiétante, enfin, parce qu'il s'agit d'une intervention militaire d'un État membre de l'Alliance atlantique menée en violation des règles les plus élémentaires du droit international. La France a été à l'initiative de la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations unies sur le sujet. Pouvez-vous nous informer de l'issue de cette réunion, monsieur le Premier ministre ?

Nous souhaitons également savoir quelles mesures la France envisage de prendre pour que cette opération, baptisée de manière provocante « Rameau d'olivier », soit stoppée et qu'un cessez-le-feu intervienne dans les plus brefs délais, alors que les États-Unis semblent se désengager totalement de cette région. Il y a urgence, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

- page 145


Réponse du Premier ministre publiée le 24/01/2018

Réponse apportée en séance publique le 23/01/2018

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, je voudrais tout d'abord saluer votre prédécesseur, Didier Guillaume, qui a choisi de tourner la page politique, et vous adresser toutes mes félicitations. La confiance que vous ont manifestée les sénateurs du groupe socialiste et républicain en vous élisant à leur tête vous honore.

Si nous n'ouvrons pas de perspective politique crédible en Syrie, la défaite attendue de Daech risque de se traduire par une mutation des conflits : Turcs contre Kurdes, Kurdes contre Arabes, Israël contre Hezbollah, etc. La France a eu plusieurs fois l'occasion de rappeler cette réalité dans les médias, dans les instances internationales ou au Parlement.

Aujourd'hui, nous y sommes : c'est bien ce qui est en train de se produire. La Turquie a engagé voilà quatre jours dans la région d'Afrin, au nord de la Syrie, une opération militaire, motivée par des inquiétudes sur sa propre sécurité. Nous pouvons entendre ces inquiétudes, mais la priorité doit rester le combat contre Daech, qui n'est pas terminé.

L'opération turque intervient à un moment où la situation humanitaire dans la région, du fait de la guerre terrible qui s'y déroule depuis maintenant de longues années, est incroyablement fragile.

Le régime et ses alliés conduisent des bombardements indiscriminés contre les populations à Idlib, 400 000 civils sont assiégés dans l'enclave de la Ghouta, près de Damas. À notre demande, le Conseil de sécurité s'est saisi hier de cette situation. Nous avons appelé la Turquie à la retenue.

Toutefois, la seule voie, difficile, que nous devons suivre, c'est celle de la recherche d'une solution politique durable qui garantisse le retour, le plus rapidement possible, à une forme de stabilité en Syrie, pour les populations de ce pays et pour ses voisins. Ce ne sera pas facile. La diplomatie française prendra toute sa part à cette recherche, en exposant systématiquement et clairement aux parties prenantes et à nos partenaires la position de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

- page 145

Page mise à jour le