Question de Mme DOINEAU Élisabeth (Mayenne - UC) publiée le 18/10/2017

Question posée en séance publique le 17/10/2017

Mme Élisabeth Doineau. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, mais elle pourrait s'adresser aussi au Premier ministre, au ministre de l'intérieur, au ministre des affaires étrangères ou encore au ministre des affaires sociales, car elle est très large.

Le 5 septembre dernier, le Président de la République a demandé au Gouvernement des propositions pour revoir l'accueil et l'accompagnement des mineurs non accompagnés. Il précisait que la réponse actuelle n'était pas satisfaisante et qu'elle représentait une charge croissante pour les départements.

Le rapport d'information que j'ai présenté dernièrement avec mon ancien collègue Jean-Pierre Godefroy annonçait une explosion du nombre des prises en charge. Il passera de 13 000 à la fin du mois de décembre 2016 à 25 000 à la fin de cette année ! Tous les départements sont touchés, avec des records jamais atteints. Les agents des départements sont dépassés, voire en burn-out professionnel, parce que nous ne sommes plus dans le champ de nos compétences. Cela va jusqu'à mettre en danger notre mission historique de protection de l'enfance…

Premier problème, l'hébergement. Nous observons une embolie de toutes nos structures d'accueil, malgré leur diversité et leur nombre.

Deuxième problème, l'évaluation de la minorité. Nos services sont totalement accaparés et découragés : difficulté d'authentifier les documents administratifs quand il y en a, avec des appréciations variables selon les préfectures ; difficulté de bénéficier des services des interprètes, car ils sont trop rares ; difficulté d'analyser les parcours migratoires chaotiques de ces jeunes qui mériteraient l'appréciation des services de la police aux frontières.

Troisième problème, l'accompagnement. Que leur proposer comme formation sinon l'apprentissage ? Mais là encore, c'est de nouveau le parcours du combattant !

Je pourrais continuer ainsi longtemps, parce qu'il faudrait aussi parler des multitraumatismes ressentis par ces jeunes. Il faudrait évoquer les liens avec les parquets et les cours de justice, qui sont également dépassés par le nombre, ou encore des recours portés par les avocats ou par associations.


M. le président. Veuillez poser votre question !


Mme Élisabeth Doineau. C'est une question qui relève des flux migratoires, et c'est à l'État de prendre ses responsabilités dans ce domaine. Les conseils départementaux sont dans l'attente de mesures concrètes. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 18/10/2017

Réponse apportée en séance publique le 17/10/2017

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, vous avez raison de souligner l'importance et l'urgence de ce problème.

Vous avez cité des chiffres qui témoignent de l'urgence de la situation, dont nous sommes pleinement conscients. Avec ma collègue Agnès Buzyn, nous avons tenu le 15 septembre dernier un comité de pilotage sur la question des mineurs non accompagnés.

Nous y avons, d'une part, réaffirmé les engagements financiers de l'État avec l'abondement à hauteur de 6,5 millions d'euros du Fonds national de financement de la protection de l'enfance, destiné à prendre en charge l'évaluation et à compenser la mise à l'abri assumée par les départements.

M. Alain Fouché. Ce sont les départements qui paient !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Nous y avons, d'autre part, également réaffirmé que l'État tiendrait ses engagements en remboursant aux départements 30 % du coût correspondant à la prise en charge par l'aide sociale à l'enfance des mineurs non accompagnés supplémentaires pour l'année passée.

Vous l'avez rappelé à juste titre, il y a de grandes difficultés, notamment concernant la phase d'évaluation et de mise à l'abri. Nous savons pertinemment que des jeunes déclarés majeurs dans un département se représentent dans d'autres pour tenter de faire connaître leur minorité. Il importe de mettre en place des outils pour éviter un tel phénomène. Nous devons harmoniser les procédures d'évaluation pour qu'il n'y ait pas de difficulté avec les parquets. Ensuite, bien entendu, nous prendrons en charge ces jeunes, lorsque leur minorité aura été reconnue.

M. le Premier ministre, qui se rendra vendredi à l'Assemblée des départements de France, aura l'occasion de vous y annoncer un plan d'action très concret. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

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