Question de M. CHASSEING Daniel (Corrèze - Les Républicains-R) publiée le 10/08/2017

M. Daniel Chasseing attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le problème posé par le nombre accru de couples, comme de femmes célibataires, se rendant dans certains pays européens pour y procéder à une procréation médicalement assistée qui leur est beaucoup plus difficile dans l'Hexagone, en raison d'une réglementation très ou trop restrictive concernant en particulier le don d'ovocytes, le diagnostic génétique sur l'embryon et la préservation de la fertilité. Ces délais d'attente trop longs conduisent donc la caisse primaire d'assurance maladie - sous certaines conditions et après demande d'entente préalable de soins à l'étranger - à participer au financement de ces tentatives à l'étranger. Face à ce constat, il lui apparaît donc logique et nécessaire de donner les possibilités légales aux centres spécialisés sur le territoire national, de faire face à cette demande et faire ainsi cesser cette véritable « hypocrisie » européenne. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui faire savoir la position du Gouvernement sur cette suggestion.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées publiée le 25/10/2017

Réponse apportée en séance publique le 24/10/2017

M. Daniel Chasseing. Ma question porte sur l'amélioration de la procréation médicalement assistée, la PMA.

Pour toutes sortes de raisons sociologiques, un nombre croissant de femmes, aujourd'hui, retardent l'âge de la maternité. Or, après 35 ans, il est scientifiquement démontré que la fertilité baisse. Le nombre d'ovocytes que peut produire une femme diminue progressivement, ce qui réduit ses chances lors de démarches de PMA, singulièrement pour ce qui concerne la congélation d'ovocytes.

En France, celle-ci ne peut se faire qu'à trois conditions : en cas de traitement médical – notamment une chimiothérapie – ; en cas de don d'ovocytes ; en cas de traitement de fécondation in vitro. Elle n'est pas autorisée dans le cadre d'une démarche d'autoconservation.

En 2016, face à l'intransigeance de la législation française sur la PMA, des praticiens ont pris position publiquement. Le professeur René Frydman, notamment, a cosigné un manifeste avec plus de 130 de ses confrères. Ils y affirment avoir aidé et accompagné des couples et des femmes célibataires dans leur projet d'enfant, dont la réalisation n'était pas possible en France. Ces mêmes professionnels se sont récemment émus de l'absence de positionnement favorable à l'autoconservation ovocytaire.

Ainsi, de nombreuses Françaises vont bénéficier d'un diagnostic génétique embryonnaire ou d'une autoconservation ovocytaire à l'étranger, notamment en Espagne : en 2016, plus de 200 Françaises ont consulté dans une clinique de Barcelone. Mais elles se rendent aussi en Belgique, en Italie, en République tchèque, au Danemark ou en Grèce, voire aux États-Unis ou au Canada – 6 000 d'entre elles, semble-t-il.

Certaines techniques de PMA sont effectivement autorisées dans plusieurs pays, et non en France. De ce fait, elles ne sont pas accessibles aux patientes les moins fortunées, même si la caisse primaire d'assurance maladie, la CPAM, participe au financement à l'étranger.

En conséquence, il paraîtrait logique de permettre à toutes les femmes d'accéder aux évolutions de la PMA, en particulier pour la conservation de leurs ovocytes, ainsi que pour les diagnostics génétiques embryonnaires.

Parallèlement, il faudrait prévoir un encadrement du dispositif et en confier la gestion, sous certaines conditions à déterminer par les organismes représentatifs, à des établissements de santé privés ou publics, contrôlés par les pouvoirs publics.

Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de bien vouloir me donner votre avis, et par là même celui du Gouvernement, sur cette suggestion.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. L'extension de l'assistance médicale à la procréation aux femmes seules et aux couples de femmes relève de la loi. Elle mérite un débat apaisé.

À l'heure actuelle, la PMA répond aux problèmes d'infertilité des couples hétérosexuels. Or les demandes d'accès à la PMA ont désormais vocation à répondre à d'autres problèmes.

L'homoparentalité et la monoparentalité issues de cette technique sont, dans notre pays, une réalité. Chaque année – des chiffres ont déjà été cités –, 2 000 à 3 000 femmes ont légalement recours à la PMA dans des pays limitrophes.

L'opinion publique évolue, puisque 61 % des Français sont favorables au recours à cette technique par les couples de femmes, alors qu'ils n'étaient que 55 % en 2014.

Le Comité consultatif national d'éthique, le CCNE, a rendu un avis favorable à cette extension, le 15 juin dernier, en demandant de définir des « conditions d'accès et de faisabilité ». Il s'agissait précisément de l'accès à l'insémination artificielle avec donneur aux femmes seules et aux couples de femmes.

L'avis va vers plus d'autonomie pour les femmes, conforté par l'absence de violence engendrée par cette technique et par la relation à l'enfant, satisfaisante, dans ces nouvelles structures familiales.

Le CCNE s'inquiète d'un maintien du statu quo, qui stigmatiserait ces formes familiales.

Cependant, il recommande des conditions d'accès et de faisabilité pour les femmes seules, plus vulnérables, ainsi qu'une gratuité garantie du don de gamètes.

Vous le savez, l'actuelle loi de bioéthique du 7 juillet 2011 sera révisée l'an prochain. Conformément aux dispositions prévues, cette révision sera précédée de la tenue d'états généraux, sur l'initiative du CCNE.

Le sujet de l'extension de la PMA pourra être débattu, au premier semestre 2018, lors de ces états généraux. Ce n'est qu'ensuite que sera élaboré le projet de loi de bioéthique. Il est donc trop tôt pour connaître les dispositions qui seront contenues dans ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État. Tout cela doit être scrupuleusement encadré, mais l'autoconservation des ovules et le diagnostic embryonnaire – les deux points que j'ai soulevés dans ma question – nous paraissent une bonne pratique médicale. En effet, dans le cas du diagnostic embryonnaire préimplantatoire, une analyse chromosomique est autorisée en France pour les femmes enceintes qui le souhaitent, pour un dépistage anténatal, mais cela reste interdit pour le prélèvement d'une cellule sur l'embryon, avant le transfert in utero, ce qui nous paraît incohérent.

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