Question de M. ABATE Patrick (Moselle - Communiste républicain et citoyen) publiée le 26/01/2017

M. Patrick Abate attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les critères permettant la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour les dommages causés par les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols.

Ce phénomène est causé d'une part, par des conditions météorologiques entraînant une sécheresse du sol et, d'autre part, par la nature argileuse du sol, le rendant sensible aux phénomènes de retrait et/ou de gonflement en phase de réhydratation, engendrant une fragilisation des assises du bâti et des fissures dans les murs, allant parfois jusqu'à le rendre inhabitable ou provoquer des effondrements.

La sécheresse de 2015 n'a pas été sans conséquence sur le bâti du département de la Moselle puisque l'arrêté du 16 septembre 2016 portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle mentionne cent quatre communes du département ayant effectué une demande. Cependant ce même arrêté reconnaît l'état de catastrophe naturelle pour seulement quatre d'entre elles.

À l'incompréhension suscitée auprès des maires et des familles durement frappées, s'ajoutent les difficultés financières induites par la situation et l'ampleur des dégâts occasionnés.
Pour obtenir la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sur leurs territoires, les communes doivent remplir des critères d'éligibilité correspondant à des données précises et techniques fournies par Météo France, pour ce qui est des données météorologiques, et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) pour les données géologiques, données sur lesquelles s'appuie la commission en charge de l'examen des demandes.

Cependant, le rejet d'une grande majorité d'entre elles pose la question de l'efficacité et de la pertinence des critères retenus, d'autant que de façon difficilement compréhensible, un grand nombre des cent communes non retenues ont fait état de plusieurs dizaines de cas alors même que parmi les quatre communes, certes légitimement retenues, certaines font état de très peu, voire d'une seule difficulté rencontrée.

Par ailleurs, les maires confrontés à cette situation sur les territoires de leurs communes, doivent se référer à une fiche d'information fournie par la préfecture, pour le moins difficilement décryptable par les néophytes.

Ces problèmes avaient déjà été relevés par le rapport d'information n°39 du Sénat (2009-2010) sur la situation des sinistrés de la sécheresse de 2003.

Force est de constater que malgré les efforts qui ont été menés depuis, tant sur la précision des données géotechniques et météorologiques que sur le plan de l'information aux collectivités, ceux-ci restent insuffisants au regard de l'ampleur du phénomène survenu en 2015 et du nombre très réduit de communes reconnues en état de catastrophe naturelle.

En outre, l'examen des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle repose essentiellement sur la comparaison entre les données susnommées et les critères et non pas sur des observations et études in situ. Pourtant, l'ampleur des dégâts est souvent très variable d'une rue à l'autre, voire d'une habitation à l'autre.

Aujourd'hui des familles pour lesquelles le domicile est souvent le fruit d'une vie de travail, dont certaines sont désormais en grande difficulté, demeurent dans l'attente d'une reconnaissance officielle qui permettrait d'entrevoir une issue à l'impasse dans laquelle elles se trouvent.
Pour y parvenir, en Moselle, plus d'une quarantaine de communes ont formé un collectif afin de demander un recours gracieux, demande qui a d'ores et déjà été déposée.

Compte tenu de ces éléments, il lui demande quelles mesures entend prendre le Gouvernement afin de permettre aux victimes de trouver enfin une issue à cette situation.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 20/04/2017

 

L'application des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour les phénomènes de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, également qualifiés de subsidence, suscite des interrogations. Tel a été le cas lors de la sécheresse qui a touché la Moselle en 2015.
En application de la loi du 13 juillet 1982 modifiée qui instaure le régime des catastrophes naturelles, les ministres sont tenus de se prononcer sur l'intensité anormale de l'agent naturel et non sur l'importance des dégâts pour qualifier un phénomène de catastrophe naturelle. L'arrêté interministériel a pour seul objet de reconnaître comme catastrophe naturelle l'évènement en question lorsque celui-ci revêt un caractère exceptionnel tout en précisant sa période de survenance.
Néanmoins, la prise en considération de la survenance, à grande échelle, de dégâts d'ampleur concentrés dans une zone qui a été touchée par un phénomène de sécheresse suscite à juste titre des interrogations.
Il a été scientifiquement établi que les phénomènes de subsidence liés à la sécheresse du sol et les dégâts qu'ils peuvent entraîner pour les bâtiments ne peuvent se produire que si deux conditions se trouvent conjointement remplies : d'une part une condition géotechnique (un sol d'assise des constructions constitué d'argile sensible aux phénomènes de retrait et/ou de gonflement) ; d'autre part une condition de nature météorologique (une sécheresse du sol d'intensité anormale). Les progrès accomplis quant à la connaissance du phénomène ont conduit à l'introduction de critères météorologiques de plus en plus précis, associant les paramètres du climat, les échanges en eau entre l'atmosphère et le sol, les mouvements de l'eau. La précision de ces critères est aussi le reflet de la complexité du phénomène dont ils contribuent à évaluer l'intensité.

Au-delà du cas particulier de l'année 2015, l'étude détaillée des récentes périodes de sécheresse et l'évolution des demandes, en hausse significative, font apparaître un besoin de clarification des critères applicables. L'administration et les organismes en charge des expertises ont été saisis de cette question, qui est un véritable enjeu pour la crédibilité et la pérennité d'un dispositif fondé, en France, sur la solidarité nationale et, à ce titre, garant de l'indemnisation des plus modestes. Les travaux en cours devraient aboutir courant 2017 et permettre d'optimiser le traitement des demandes en cours ou à venir en intégrant l'ensemble des connaissances actuellement disponibles sur ce sujet.
En ce qui concerne l'année 2015, les services en charge du traitement des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ont lancé des investigations afin de préciser, à l'aide de l'ensemble des données disponibles incluant celles qui ont été recueillies depuis la fin de l'année 2015 jusqu'à ce jour, les caractéristiques de la sécheresse qui a particulièrement affecté certains territoires en 2015. Sans présumer du résultat de ces travaux, ils aboutiront, le cas échéant, à mener l'administration à reconsidérer dans un sens plus favorable d'éventuels refus de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Par ailleurs, il apparaît dans un certain nombre de cas que des dégâts attribués à la subsidence relèvent en fait de techniques de construction insuffisamment adaptées voire non respectueuses des normes en vigueur en matière de prévention. Cet aspect de la question doit être intégré dans une réflexion d'ensemble visant à améliorer le régime des catastrophes naturelles. Un groupe de travail interministériel associant la caisse centrale de réassurance a relancé mi-2016 les travaux destinés à faire aboutir cette démarche, qui va dans le sens d'une meilleure prévention des dégâts.
L'objectif n'est pas de priver d'indemnisation des sinistrés mais de les informer avec clarté et efficacité de leurs responsabilités et de leurs droits afin de leur permettre, lorsqu'un risque se réalise mais aussi dans une optique de prévention, de s'orienter sans délais vers les interlocuteurs les mieux à même de les accompagner dans leurs démarches et de leur permettre de mobiliser l'ensemble des aides qui leur sont ouvertes.

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Erratum : JO du 11/05/2017 p.1876

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