Question de M. PLACÉ Jean-Vincent (Essonne - ECOLO) publiée le 11/12/2014

M. Jean-Vincent Placé attire l'attention de Mme la ministre des outre-mer sur la situation des cotes réunionnaises et du « risque requin ».
Depuis 2011, le « risque requin » est réapparu avec force, plongeant ainsi l'île de la Réunion dans une crise sociale et environnementale majeure.
L'État a mis en place le comité opérationnel de réduction du risque requin à La Réunion (CO4R) qui est chargé de prendre des mesures contre les attaques de squale. Il a notamment été décidé, en juillet 2014, de mettre en œuvre le programme Valorequin qui « vise à examiner l'ensemble des débouchés en terme de valorisation des captures de poisson ». En d'autres termes, il est question de réutiliser la chair de requin prélevé pour la transformer en nourriture animale.
Cette mesure est très contestée par les associations locales, car les études existantes n'ont jamais démontré que les requins se trouvaient en situation de surpopulation. L'étude « Connaissance de l'écologie et de l'habitat de deux espèces de requins côtiers sur la côte ouest de la Réunion » (CHARC) a seulement estimé que les populations de squales circulaient « de manière particulière ».
En outre, la chair de requin est impropre la consommation, car hautement chargée en toxines et autres métaux lourds. Elle cause de nombreuses intoxications dans la zone ouest de l'océan Indien notamment à Madagascar.
C'est pourquoi, il lui demande de reconsidérer cette mesure qui porte atteinte à la vie animale, à la santé des Réunionnais et Réunionnaises et à l'image de cette magnifique île. Il tient à rappeler que d'autres études démontrent que ce sont l'urbanisation, la surpêche ou encore la pollution qui favorisent l'apparition des squales près des côtes et qu'il conviendrait de prendre des mesures plus adéquates.

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Réponse du Ministère des outre-mer publiée le 05/02/2015

La concentration des attaques de requins sur le littoral Ouest de l'île de La Réunion est exceptionnelle depuis 2011. Les 18 attaques recensées ces trois dernières années (dont 5 mortelles), ont concerné plusieurs catégories d'usagers de la mer : si les pratiquants des « sports de glisse » sont les plus touchés, le risque requin concerne potentiellement l'ensemble des personnes fréquentant le milieu marin. Connu depuis plusieurs décennies, le risque d'attaque de requins s'est donc incontestablement accru dans la période récente, pour des raisons qui restent à déterminer. Ce changement a conduit à la mise en œuvre progressive d'une politique publique nouvelle face à ce risque émergent. Cette démarche associe l'État et les collectivités locales dans le cadre de leurs responsabilités respectives. Elle est élaborée en concertation étroite avec l'ensemble des acteurs locaux confrontés aux conséquences humaines, sociales et économiques d'un phénomène qui affecte directement et durablement la notoriété de La Réunion. Face à cette situation sans précédent, et à la suite de l'attaque mortelle ayant frappé une jeune baigneuse de 15 ans, le Gouvernement a décidé le 19 juillet 2013 de la mise en œuvre d'un plan gouvernemental ambitieux « Pour une politique active de prévention du risque requin ». Ce plan souligne en préambule les deux priorités qui doivent conduire l'action des pouvoirs publics dans la durée : - la sécurisation des sites d'activités nautiques ; - la valorisation du littoral de La Réunion dans ses multiples dimensions environnementale, sociale, économique et sportive. En complément des nombreuses actions engagées dès 2011 dans plusieurs domaines clés (amélioration de la connaissance scientifique, information des populations et prévention du risque, gestion opérationnelle de l'alerte, accompagnement des activités nautiques les plus exposées, gouvernance), ce plan prévoit 5 axes principaux, actuellement mis en œuvre sous la coordination de la préfecture de La Réunion. Ces orientations nouvelles visent à : - améliorer les outils de prévention opérationnelle, et établir un cadre réglementaire adapté au contexte local ; - évaluer scientifiquement l'expérimentation locale des vigies immergées et de professionnaliser cette initiative ; - améliorer et étendre le champ de la connaissance afin notamment de déterminer les facteurs favorisant la présence des squales aux abords des zones d'activités nautiques. Cette identification des facteurs constitue un enjeu majeur de l'étude sur la connaissance de l'écologie et de l'habitat des requins côtiers (CHARC) dont les conclusions seront présentées lors du comité réunionnais de réduction du risque requin (C4R) du 19 février 2015. Les impacts multifactoriels sur le milieu marin (urbanisation, pratiques agricoles...) seront déterminés avec précision dans le cadre de la démarche de gestion intégrée mer et littoral (GIML) engagée sur le bassin versant de la côte Ouest de La Réunion. Sur ce point, il est à noter que plusieurs collectivités sont engagées dans une démarche d'investissement en équipements lourds de traitement des rejets (stations d'épuration) ; - favoriser une gestion raisonnée de certains stocks de requins aux abords de La Réunion, la régulation des populations de requins tigres et bouledogues par des pêches ciblées pouvant constituer un des leviers d'action pour réduire l'exposition des usagers de la mer au risque requin. Il est rappelé, à ce titre, que la pêche de ces espèces non protégées ne fait l'objet d'aucune mesure générale d'interdiction, et s'exerce conformément à la réglementation en vigueur, notamment celle mise en place au titre de la réserve naturelle marine de La Réunion ; - promouvoir la mise en place d'un observatoire, outil structurant de la politique de gestion du risque requin. S'agissant du programme « Valorequins », il s'inscrit pleinement dans l'objectif de gestion raisonnée des stocks de requins susmentionné : il vise à examiner l'ensemble des débouchés en terme de valorisation des captures notamment dans l'objectif de développement d'une filière économique de pêche d'appoint pour la petite pêche réunionnaise concourant à l'objectif général de renforcement de la sécurité des usagers de la mer. Concernant plus particulièrement la commercialisation des requins tigres et bouledogues à des fins de consommation humaine, la ministre des outre-mer rappelle qu'elle fait l'objet d'une interdiction à La Réunion par arrêté préfectoral depuis 1999. Les recommandations formulées par l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) le 9 juillet 2014, relevant à la fois la possibilité d'une contamination par des ciguatoxines (ou des toxines similaires), et la concentration élevée de mercure dans les échantillons analysés, conduisent à écarter à court terme la levée de cette mesure d'interdiction. A la suite de ce rapport, le programme a donc été réorienté à la fois sur la valorisation scientifique des captures réalisées en tenant compte des besoins de recherche soutenus par l'ANSES (mise au point d'outils de diagnostic de la présence de ciguatoxines ou de toxines similaires dans les requins, identification des analogues de ciguatoxines ou de toxines similaires dans les requins de l'Océan Indien, toxicité de ces toxines). Cette réorientation porte également sur l'examen de nouvelles filières de valorisation situées en dehors du champ de l'avis rendu par l'ANSES (produits à haute valeur ajoutée, alimentation animale, maroquinerie...). Le plan gouvernemental du 19 juillet 2013 souligne le caractère prioritaire de la gestion du risque requin à La Réunion. Le dispositif global actuellement mis en œuvre recherche le meilleur équilibre possible entre l'exigence de renforcement de la sécurité des personnes et l'objectif de préservation de l'environnement marin.

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