Question de M. BERTRAND Alain (Lozère - RDSE) publiée le 11/12/2014

M. Alain Bertrand interroge Mme la secrétaire d'État, auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique sur les coupures récurrentes de téléphonie fixe et de connexion Internet que subissent les territoires ruraux et sur les difficultés à faire respecter au délégataire les missions de service public qui lui ont été confiées. Un arrêté ministériel du 31 octobre 2013 a reconduit la société Orange comme opérateur chargé de fournir les prestations « raccordement » et « service téléphonique », qui sont des composantes du service universel des télécommunications défini à l'article 35-1 du code des postes et des communications électroniques. Cet article énonce que « le service universel des communications électroniques fournit à tous : un raccordement à un réseau fixe ouvert au public et un service téléphonique de qualité à un prix abordable. Ce raccordement au réseau permet l'acheminement des communications téléphoniques, des communications par télécopie et des communications de données à des débits suffisants pour permettre l'accès à Internet, en provenance ou à destination des points d'abonnement, ainsi que l'acheminement gratuit des appels d'urgence ». Or, force est de constater qu'aujourd'hui l'opérateur Orange ne remplit pas ces missions dans les territoires hyper-ruraux. En Lozère notamment, les maires, élus, parlementaires, chambres consulaires, reçoivent tous les jours des courriers de plaintes de particuliers et d'entreprises régulièrement privés de téléphonie fixe et de connexion Internet durant des intervalles de plusieurs jours voire plusieurs semaines, laissant sans aucun moyen de communication les personnes les plus fragiles. Il lui demande les moyens qu'elle compte mettre en œuvre pour obliger le délégataire à exercer la mission de service universel qui lui a été confiée dans les zones hyper-rurales et à s'engager à effectuer des investissements indispensables à la bonne réalisation de cette mission.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des finances et des comptes publics, chargé du budget publiée le 18/02/2015

Réponse apportée en séance publique le 17/02/2015

M. Alain Bertrand. Je dois dire, monsieur le secrétaire d'État, que M. Genest a raison : les ruraux et les hyper-ruraux se sentent incompris et abandonnés, ce qui se manifeste par des votes extrémistes dans nos territoires.

Ma question porte sur la téléphonie mobile, la téléphonie fixe et internet.

En 2013, le prédécesseur de Mme Lemaire a conclu un accord avec Orange pour mettre en œuvre l'article L. 35-1 du code des postes et des communications électroniques, aux termes duquel « le service universel des communications électroniques fournit à tous un raccordement à un réseau fixe ouvert au public et un service téléphonique de qualité à un prix abordable ». Or force est de constater que, aujourd'hui, ce principe n'est pas appliqué dans la ruralité et l'hyper-ruralité.

Les parlementaires interviennent régulièrement sur le sujet, et on leur répond tout aussi régulièrement, mais il ne se passe grand-chose sur le terrain. Pour vous persuader de la nécessité d'agir, monsieur le secrétaire d'État, j'évoquerai certains faits récents.

Le 1er août 2014, les habitants du village du Pompidou, en Lozère, ont protesté contre une panne générale qui durait depuis quinze jours : le réseau n'était plus alimenté, internet ne fonctionnait plus, les portables pas davantage et le téléphone seulement par intermittence. Monsieur le secrétaire d'État, je vois que vous avez un téléphone portable : imaginez-vous sans réseau pendant quinze jours, avec un téléphone fixe et une ligne internet qui ne fonctionnent pas !

À la même époque, à Cassagnas, commune estimable, le téléphone est resté coupé pendant trois semaines, alors que le portable ne passe pas !

Le 20 octobre dernier, à Hures-la-Parade, les habitants ont demandé que les services de l'opérateur se mobilisent pour prendre en compte les demandes des zones rurales, parce que rien ne passe dans le village.

Au même moment, les gérants d'une entreprise de Saint-Germain-de-Calberte sont restés un mois sans téléphone après un orage, sans parler d'internet qui ne fonctionne pas. Comment ne pas comprendre leur exaspération ?

Monsieur le secrétaire d'État, que compte faire le Gouvernement ? De fait, ce problème n'est pas seulement celui de l'opérateur privé ; Orange essaie d'apporter des solutions, mais a besoin d'être soutenue par l'État.

La République repose sur le principe d'égalité : elle ne connaît ni sous-territoires ni sous-citoyens ! La TVA sur le café et le Ricard au comptoir du bistrot est la même en Lozère que partout ailleurs(Sourires.), et il en va de même de l'impôt sur les sociétés.

Monsieur le secrétaire d'État, vous qui êtes un homme de finances, vous pourrez peut-être m'expliquer comment l'État entend soutenir l'opérateur pour offrir à nos concitoyens les véritables solutions qui leur sont dues, au nom de l'égalité, de l'équité et des autres valeurs républicaines, auxquelles je vous sais attaché.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert,secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur Bertrand, je vous remercie de votre question et je vous prie de bien vouloir excuser l'absence d'Axelle Lemaire, qui m'a chargé de vous transmettre sa réponse.

Avec le plan « France Très Haut Débit », nous avons souhaité engager le plus rapidement possible le chantier structurant de la mise en place des infrastructures numériques de demain. Toutefois, il nous faut aussi répondre aux besoins immédiats en veillant à étendre l'accès au réseau existant et à en assurer la fiabilité.

Monsieur le sénateur, je vous répondrai d'abord au sujet de la qualité de service du réseau téléphonique. Les coupures que vous avez signalées ne sont pas acceptables. Orange, en tant que prestataire du service universel, doit respecter un cahier des charges comportant des exigences précises en matière de qualité du service fixe, s'agissant notamment du temps de réparation d'une défaillance téléphonique.

Devant cette dégradation de la qualité de service, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'ARCEP, chargée de contrôler le respect des engagements de qualité de service, a fait usage de ses pouvoirs en ouvrant, le 27 mai 2014, deux enquêtes administratives. Après que le résultat en a été rendu public, le 28 novembre dernier, l'opérateur Orange s'est engagé à respecter un plan d'amélioration de la qualité des services offerts sur ses réseaux fixes.

Ce plan prévoit notamment l'obligation pour Orange d'accorder des moyens supplémentaires à ses unités d'intervention. Il prévoit par ailleurs qu'Orange devra anticiper les dégradations futures de la qualité de service. Enfin, il dispose que l'opérateur s'engage à renforcer l'information des collectivités territoriales et à intensifier la collaboration avec celles-ci sur les détections et le traitement des dysfonctionnements, particulièrement en cas de crise. Nos équipes ont particulièrement insisté auprès d'Orange sur ce dernier point.

Ce plan doit désormais être en œuvre. Mme Lemaire s'engage à y être particulièrement attentive, s'agissant d'un service essentiel pour tous nos concitoyens, comme vous l'avez dit.

En cas de manquement, l'ARCEP, pourra mettre Orange en demeure de se conformer à ses obligations de service universel et, éventuellement, prononcer des sanctions pécuniaires à son encontre.

S'agissant des réseaux mobiles, comme je l'ai indiqué, des travaux sont en cours pour définir un nouveau programme de couverture, avec trois objectifs.

Premièrement, il s'agit d'achever les précédents programmes « zones blanches » et, au-delà de ces programmes, de couvrir les 170 communes identifiées comme ne disposant d'aucune couverture mobile ; pour le département de la Lozère, une commune est concernée au titre du programme « zones blanches »- soixante-neuf sur soixante-dix ayant déjà été couvertes -, ainsi qu'une commune supplémentaire, qui aurait été identifiée lors du comité interministériel à l'aménagement du territoire de 2010.

Deuxièmement, il s'agit de répondre à une lacune évidente des programmes précédents, qui ne visaient que les centres-bourgs. (M. Alain Bertrand acquiesce.) Il faut en effet pouvoir répondre aux besoins des communes les plus mal couvertes.

Troisièmement, il faut s'assurer que les territoires ruraux disposent de l'accès à l'internet mobile en 3G.

Le programme que Mme Lemaire entend proposer à brève échéance permettra de répondre aux difficultés que vous décrivez. Par ailleurs, il pourra nécessiter d'étendre par la loi les obligations existantes des opérateurs mobiles.

M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand.

M. Alain Bertrand. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse, mais je crains qu'il ne subsiste une incompréhension entre le Gouvernement et les gens qui, comme moi, défendent la ruralité et l'hyper ruralité.

Pourtant, Manuel Valls a annoncé des mesures ; il a fait des efforts, de même que Mme Sylvia Pinel et d'autres membres du Gouvernement. Toutefois, quand on nous dit qu'il y a une seule commune de Lozère où la connexion internet mobile ne fonctionne pas, je réponds que, en réalité, c'est dans la moitié des communes que ça ne passe pas !

Or, quand la téléphonie mobile ou internet ne passe pas, les conséquences peuvent être dramatiques : si un bûcheron se coupe une jambe, les secours ne peuvent pas être prévenus, et le bûcheron risque de mourir ou de rester gravement handicapé. Mais cela veut dire aussi, pour l'infirmière, pour l'artisan, pour le commerçant ou pour l'entreprise, des surcoûts, des retards sur les chantiers, des clients perdus, du manque à gagner, et donc moins d'emplois !

On ne prend pas la mesure de la gravité de la situation. Monsieur Eckert, vous qui êtes proche de M. Macron, de M. Valls et de M. Hollande - cela m'arrive aussi, d'ailleurs(Sourires.) -, vous devriez leur dire que, si ces sujets ne peuvent être traités par les différents ministères existants, il est urgent de créer un ministre chargé de la ruralité et de l'hyper-ruralité, afin que ces affaires soient suivies sérieusement.

Répondre à la demande des citoyens concernés est une absolue nécessité, car il n'y a pas de sous-citoyens ni de sous-territoires !

Je vous remercie de votre bonne volonté, mais, encore une fois, tâchez d'appuyer cette démarche ! Nous faisons partie intégrante de la France, de la République, et nous avons des droits. Faites-les respecter ! Pour le reste, je ne pense pas que des incantations auprès de l'opérateur soient suffisantes. Je crois plutôt que le partenariat entre l'État et l'opérateur doit être complètement repensé.

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