Question de Mme GONTHIER-MAURIN Brigitte (Hauts-de-Seine - CRC) publiée le 27/11/2014

Mme Brigitte Gonthier-Maurin appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les difficultés d'application de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) pour les victimes de traite, au regard de la situation des employés du 57 boulevard de Strasbourg dans le 10e arrondissement de Paris pour laquelle elle a déjà saisi le Gouvernement.
Elle rappelle que les personnels de ce salon de coiffure mènent depuis juin 2014 une lutte exemplaire et difficile contre leur employeur. Ces dix-huit salariés, majoritairement des femmes sans-papiers, se trouvent être victimes d'un système mafieux d'exploitation. Après avoir obtenu gain de cause pour le paiement de leurs salaires et pour l'obtention de leurs contrats de travail après quinze jours de grève, ces employés ont déposé plainte le 6 août 2014 pour des faits de travail dissimulé et de traite des êtres humains.
Conformément aux engagements pris par la France, qui a ratifié la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, entrée en vigueur le 1er février 2008, et, le 4 juillet 2014, la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, dite convention d'Istanbul, notre pays se doit de porter assistance à ces femmes et ces hommes.
L'article L. 316-1 du CESEDA précise que « sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » peut être délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions ». L'article 225-4-1 renvoie au délit de traite des êtres humains, dont il est ici question.
De plus, dans le cadre des contrôles diligentés par l'inspection du travail et dont les conclusions ont été transmises au parquet de Paris, l'inspection a indiqué que « les éléments de constats relevés dans le procès-verbal pourraient permettre de caractériser le délit de traite des êtres humains ».
Or, la réponse qui est aujourd'hui avancée par la préfecture de police de Paris est un examen au cas par cas de leur demande de régularisation au titre de la seule circulaire du 28 novembre 2012 et non au motif de l'article L. 316-1. La préfecture lie la mise en œuvre de cet article à l'engagement de poursuites sur ce fondement par le procureur de la République.
Cette lecture lui semble tout à fait contraire au CESEDA. C'est d'ailleurs l'interprétation qui ressort de la jurisprudence, notamment d'une décision de la cour administrative d'appel de Bordeaux du mardi 22 mars 2011 et d'une décision de la cour administrative d'appel de Paris du 11 octobre 2011.
De plus, cette lecture vient en contradiction avec l'intention du législateur qui, conscient des difficultés d'application de l'article L. 316-1, a proposé de le compléter lors de l'examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel (Sénat, n° 207, 2013-2014), texte soutenu par le Gouvernement lors de son vote en première lecture à l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale a étendu la durée de l'autorisation de séjour prévue à l'article L. 316-1. De son côté, la commission spéciale du Sénat, saisie de cette même proposition de loi, a adopté un texte (Sénat, n° 698, 2013-2014) qui prévoit, à l'article 6, de modifier l'article L. 316-1 afin de faciliter l'obtention d'un titre de séjour pour les victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme.
Ainsi, au regard de tous ces éléments, elle lui demande que les dispositions prévues à l'article L. 316-1 du CESEDA puissent être pleinement appliquées pour ces victimes de traite.

- page 2628

Transmise au Ministère de l'intérieur


La question est caduque

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