Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 06/11/2014

Sa question écrite n° 02012 du 20 septembre 2012 n'ayant pas obtenu de réponse et étant de ce fait devenue caduque, M. Jean Louis Masson attire à nouveau l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'exercice du droit des conseillers municipaux n'appartenant pas à la majorité de s'exprimer dans le bulletin municipal. Jusqu'à présent, les réponses ministérielles et la jurisprudence administrative étaient extrêmement restrictives et reconnaissaient au maire le droit de censurer au coup par coup les articles proposés par son opposition. Quatre types de prétextes pouvaient être évoqués : premièrement, le caractère présumé diffamatoire ou injurieux des articles ; deuxièmement, le fait que l'article évoque des sujets extérieurs à la commune ; troisièmement, un éventuel risque de trouble à l'ordre public ; quatrièmement, le fait que l'article pourrait servir de propagande électorale à un candidat. Certains maires ont usé et abusé de cette jurisprudence en s'arrogeant un droit quasi arbitraire de censure sur les articles proposés par leur opposition. L'utilisation très extensive de ces quatre prétextes leur permettait de réduire à néant le droit d'expression des élus municipaux, lesquels avaient ensuite pour seule possibilité de saisir le tribunal administratif. Or celui-ci met souvent plus de deux ans pour statuer avec en plus, des frais d'avocat importants. Cela vidait le droit d'expression de sa portée et à juste titre, le Conseil d'État a apporté un correctif dans un arrêt du 7 mai 2012 (n° 353536, élection cantonale de Saint-Cloud). Il lui demande les conséquences qu'il tire de cette nouvelle jurisprudence.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 12/03/2015

L'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales impose de réserver, dans les bulletins d'information générale diffusés par les communes de plus de 3 500 habitants, un espace d'expression aux conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale. Ce droit d'expression sur les affaires communales doit être exercé par leurs titulaires dans le respect des règles fixées par le code électoral et par la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. L'article 42 de la loi précitée définit le directeur de publication comme auteur principal des crimes et délits commis par voie de presse. La responsabilité du maire, en tant que directeur de la publication, doit être appréciée à l'aune de la jurisprudence administrative, mais également de la jurisprudence judiciaire. Le juge judiciaire attribue au directeur de publication, dans le cadre de ses fonctions, un devoir de vérification et de surveillance des propos insérés ou diffusés dans un média (Cass. Crim. , 22 octobre 2002, n° 01-86908 ; Cass. Crim. , 27 novembre 2001, n° 01-81390 ; Cass. Crim. , 8 juillet 1986, n° 85-94458). Du point de vue judiciaire, tout en restant soumise au contrôle du juge, une action préventive du maire, directeur de la publication, par une demande de modification des propos litigieux ou un refus de les publier, peut toujours être envisagée s'il estime que ces propos sont de nature à constituer, notamment, une provocation aux crimes et délits, un délit contre la chose publique ou des personnes tels que punis par les dispositions du chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881. Le juge administratif rappelle ainsi dans une décision récente (CAA Nancy, 15 mars 2012, n° 11NC01004) : « le maire d'une commune, dès lors qu'il assure les fonctions de directeur de la publication du bulletin d'information municipal, est susceptible de voir sa responsabilité pénale engagée à raison des textes publiés par les conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale ; qu'à ce titre il doit être en mesure, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de s'opposer à la publication d'un texte qui serait de nature à engager sa responsabilité ; que le maire d'une commune diffusant un bulletin municipal est ainsi en droit de refuser de publier un écrit qu'il estime, sous le contrôle du juge, diffamatoire, injurieux ou discriminatoire ou portant atteinte à l'ordre public et aux bonnes mœurs ». Dans la décision du 7 mai 2012, n° 35353, le Conseil d'État juge qu'une tribune publiée par une élue d'opposition, si elle peut constituer un élément de propagande électorale, ne saurait être considérée comme un don de la commune au sens de l'article L. 52-8 du code électoral. Il estime en effet que : « la commune ne saurait contrôler le contenu des articles publiés dans ce cadre [le bulletin d'information municipale], qui n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs. » La commune ne peut donc avoir effectué un don au profit de la campagne électorale d'un élu d'opposition. Cette décision de la haute juridiction administrative, rendue dans le cadre d'un contentieux électoral, ne peut être interprétée comme remettant en cause la possibilité pour le maire, en sa qualité de directeur de publication au sens de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, de s'opposer à la parution de propos susceptibles d'engager sa responsabilité pénale.

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