Question de M. WATRIN Dominique (Pas-de-Calais - CRC) publiée le 27/11/2014

M. Dominique Watrin attire l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la nouvelle carte de l'éducation prioritaire.

Malgré une augmentation sensible des réseaux d'éducation prioritaire (REP) dans le Nord-Pas-de-Calais, onze collèges seraient néanmoins susceptibles de sortir du dispositif dont ils bénéficiaient jusque-là. Les conditions économiques et sociales des communes du réseau ne se sont pourtant pas améliorées, à l'instar, par exemple, du collège « Paul-Langevin » de Rouvroy.

Selon les chiffres de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), le revenu moyen des personnes non imposables du canton ou de la ville ouvrière de Rouvroy est de 9 308 euros, soit inférieur d'environ 2 000 euros au seuil de pauvreté. Cette commune affiche 50 % de demandeurs d'emploi en plus depuis 2007 et le nombre de boursiers y est de 51,61 %, soit plus d'un élève sur deux. Les critères de l'indice social retenus pour déterminer les établissements éligibles au dispositif sont pourtant censés refléter ces paramètres.

Il lui demande, en conséquence, quelles actions il compte mettre en œuvre pour que les rectorats n'écartent pas injustement certains établissements du dispositif et pour que la réalisation de son objectif - louable - de réussite de tous les élèves permette à tous les établissements dont les besoins sont avérés d'intégrer les REP.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification publiée le 21/01/2015

Réponse apportée en séance publique le 20/01/2015

M. Dominique Watrin. Monsieur le secrétaire d'État, tout d'abord, je tiens à souligner que la réforme des réseaux d'éducation prioritaire n'a bénéficié d'aucune concertation, malgré la promesse faite aux parlementaires et aux élus de réaliser une étude « au plus près des réalités du terrain » avant toute décision définitive.

J'ajoute que ma demande de rendez-vous avec M. le recteur de l'académie de Lille n'a jamais obtenu de réponse, malgré mes relances.

Je n'ignore pas les difficultés de gestion que soulève une telle réforme. Je relève simplement que cette absence de dialogue et de concertation a déjà entraîné des conséquences dommageables.

Ainsi a-t-il fallu une quinzaine de jours de mobilisation active des parents d'élèves et des enseignants du REP de Rouvroy, comptant plusieurs jours de grève de la part des professeurs et plusieurs jours de blocage des portes des établissements par les parents d'élèves, avant que les acteurs éducatifs concernés ne soient enfin reçus par les autorités et que le collège concerné, comme celui de Calonne-Ricouart, soit enfin rétabli dans la liste des réseaux d'éducation prioritaire.

À l'heure où je vous parle, neuf réseaux du Nord-Pas-de-Calais sont censés sortir de l'éducation prioritaire. Ce simple constat interpelle quand on connaît la situation socioéconomique de cette région, laquelle, selon une étude universitaire, est de loin celle où le décrochage scolaire excède le plus la moyenne nationale.

Dans le domaine éducatif, cette situation se traduit par une moindre orientation des élèves vers des études longues, en raison des résultats scolaires, mais aussi, pour les élèves, d'un manque de confiance et, pour les parents, de difficultés à se projeter dans l'avenir. Or les moyens supplémentaires des REP, couplés à l'engagement remarquable de collectivités locales du Nord-Pas-de-Calais dans la mise enœuvre de programmes de réussite éducative souvent exemplaires, ont permis de mobiliser des énergies considérables pour la réussite scolaire et éducative.

Cela étant, les premiers résultats obtenus sont encore très fragiles, et cet élan serait brisé dans les neuf réseaux que le Gouvernement entend supprimer.

Voilà pourquoi, eu égard à la situation sociale, économique et culturelle du Nord-Pas-de-Calais, qui accuse un retard de 4,5 points quant à la part des diplômés parmi les 25-29 ans - il s'agit de la tranche d'âge pour laquelle le taux de décrochage est le plus élevé -, je n'entrerai pas, pour ma part, dans une logique de mise en concurrence des établissements de la région. Gardons à l'esprit que certains d'entre eux cumulent des difficultés très nombreuses et très diverses.

Pour être clair, je ne vous demande pas un« marchandage », d'éventuelles et hypothétiques compensations qui, quoi qu'il en soit, seraient limitées dans le temps et soumises aux aléas budgétaires. Je vous demande d'engager enfin une véritable concertation, qui, au demeurant, a été promise à l'origine, pour réétudier la situation de ces neuf réseaux.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon,secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Monsieur le sénateur, vous le savez, - votre question l'atteste -l'inégalité face à l'éducation est forte, elle s'est accrue au cours des dix dernières années et nécessite des moyens complémentaires là où la situation rend essentielle l'intervention de l'État.

Or le système actuel de répartition des moyens produit un important effet de seuil. Les écoles et établissements ordinaires reçoivent un nombre de postes d'enseignants en fonction de leur nombre d'élèves et de leur nombre de classes. Seuls les écoles et les collèges relevant de l'éducation prioritaire recevaient jusqu'à présent des moyens supplémentaires.

Dans un souci de cohérence, la nouvelle carte de l'éducation prioritaire repose désormais sur la mise en réseau d'un collège et des écoles de son secteur, afin d'inscrire les élèves dans un parcours continu et cohérent.

Vous interrogez les critères retenus pour l'élaboration de cette nouvelle carte. L'indice social a été défini, en toute indépendance, par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère. Le but est de mieux prendre en compte les critères sociaux réels et notamment la situation des familles. Cet indice est donc calculé sur la base de quatre indicateurs qui influencent directement la réussite des élèves : le taux de professions et de catégories socioprofessionnelles défavorisées, le taux de boursiers, le taux d'élèves résidant en zone urbaine sensible, ou ZUS, et le taux d'élèves en retard à l'entrée en sixième.

Vous le constatez, le ministère de l'éducation nationale souhaite que l'allocation des moyens soit menée dans une double logique de justice sociale et de transparence. C'est ce principe qui deviendra le droit commun de la répartition des moyens.

Au sujet de la région Nord-Pas-de-Calais, je tiens à vous assurer que les difficultés scolaires et sociales des élèves ont été prises en compte et que nous avons mobilisé d'importants moyens pédagogiques.

Aussi, dès la rentrée scolaire de 2015, le département du Nord bénéficiera de quarante-deux réseaux d'éducation prioritaire dont dix REP+, soit six réseaux supplémentaires par rapport à la rentrée de 2014. Plus précisément, onze collèges de secteurs qui n'appartenaient pas à l'éducation prioritaire vont rejoindre les réseaux d'éducation prioritaire et cinq réseaux de réussite scolaire vont quitter les dispositifs d'éducation prioritaire, car le profil sociologique de la population scolaire accueillie s'est amélioré.

J'en viens, plus précisément, à la situation du collège Paul-Langevin de Rouvroy. Je vous confirme que ce collège et les écoles de son secteur constitueront, dès la rentrée prochaine, un réseau d'éducation prioritaire.

Quant aux écoles et établissements qui vont quitter l'éducation prioritaire, ils continueront à être accompagnés au mieux dans la réalisation de leurs missions.

Ainsi, concernant les réseaux du collège Léonard-de-Vinci à Carvin et du collège Paul-Duez à Leforest, tous les moyens seront mis en œuvre pour qu'ils continuent à bénéficier des moyens qui leur sont alloués au cours des trois prochaines années, dans le cadre d'une convention académique de priorité éducative. Il s'agit d'une mobilisation forte de l'éducation nationale contre les difficultés scolaires, particulièrement présentes dans le département du Pas-de-Calais, où, vous le soulignez avec raison, de grandes énergies se mobilisent pour la réussite des enfants.

Au-delà, cet engagement pour la refondation de la politique d'éducation prioritaire associe tous les ministères concernés et s'inscrit en cohérence avec la nouvelle politique de la ville.

Vous le voyez, aujourd'hui, sont donnés à la communauté éducative les justes moyens dont elle a besoin pour rétablir la promesse du pacte républicain : l'égalité des chances pour tous les élèves.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Monsieur le secrétaire d'État, mon intervention contenait plusieurs questions...

Tout d'abord, vous n'avez pas réellement répondu à ma demande d'une véritable concertation avec les élus concernés, la représentation nationale et les représentants des syndicats d'enseignants. Pour certains territoires, vous avez évoqué une amélioration de la situation sociale, ce que j'ai tout de même un peu de mal à entendre.

Ensuite, j'ai demandé au Gouvernement de prendre en compte la situation réelle du Nord-Pas-de-Calais dans son ensemble. Comment peut-il faire sortir de l'éducation prioritaire un REP comme celui de Noyelles-sous-Lens ? Les chiffres parlent d'eux-mêmes : dans ce territoire, le revenu annuel par habitant est, en moyenne, de 8 791 euros ! Le taux de chômage atteint 22 %. Ces données doivent être comparées aux moyennes nationales. Le taux de logements sociaux s'élève, lui, à 66 %, et le bâti concerné est pour partie en voie de paupérisation.

Quant au REP de Wallers, dans le Valenciennois, il cumule les indicateurs sanitaires et sociaux parmi les plus bas de France. Le territoire du REP de Leforest et d'Évin est, pour sa part, frappé par un taux de chômage de 18 %.

Certes, dans les établissements concernés, la proportion de boursiers est un peu moindre que dans d'autres secteurs, mais l'augmentation de la misère est avérée, et ce en données absolues. Ainsi, le nombre de boursiers de catégories 2 et 3 a littéralement explosé.

Faute de pilotage national, votre réforme pénalise de fait les REP du Nord - Pas-de-Calais, qui, avec de tels indicateurs, auraient certainement été maintenus dans l'éducation prioritaire si les villes concernées avaient appartenu à une autre région. C'est, là aussi, un point que je soumets au Gouvernement.

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