Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - UMP) publiée le 09/10/2014

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les témoins d'agression, préférant ne pas intervenir de peur d'encourir des poursuites judiciaires de la part de l'agresseur.
Lors de récents faits divers dramatiques, des victimes ont été agressées, voire violées ou tuées, sans que les personnes présentes sur les lieux n'interviennent en aucune façon, soit par indifférence mais souvent par peur : en effet, la législation en vigueur apportant peu de protection juridique aux personnes portant secours, la crainte est renforcée par les ennuis judiciaires possibles (garde à vue, mise en examen), si l'agresseur venait à porter plainte en cas de blessure. On assiste alors à une certaine déresponsabilisation collective, tant que subsiste ce manque de confiance des citoyens dans l'institution judiciaire. La présomption de légitime défense devrait pourtant renverser la charge de la preuve au profit de celui qui intervient pour porter secours à la victime d'une agression.
Aussi lui demande-t-il ce qu'elle entend faire pour conforter nos concitoyens dans la défense d'autrui, et quelle évolution des textes elle envisage pour le renforcement de la protection juridique des témoins.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 07/04/2016

La loi favorise et protège toute tentative d'un tiers de porter secours à une personne injustement agressée. L'incitation législative est illustrée par l'existence du délit de non-assistance à personne en danger ou omission de porter secours prévue par l'article 223-6 du code pénal qui punit d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 75 000 euros quiconque qui, sans risque pour lui ou pour les tiers, s'abstiendrait volontairement d'empêcher un délit contre l'intégrité corporelle d'une personne. La protection de tout individu qui, mu par le civisme, tenterait d'empêcher une agression dont il serait témoin, est en outre assurée par le régime de la légitime défense. Cette cause d'irresponsabilité pénale assure en effet l'impunité de celui qui, pour repousser une agression actuelle et injuste le menaçant ou menaçant autrui, est amené à commettre une infraction lésant l'auteur du péril. Comme pour toutes les causes d'irresponsabilité pénale, il incombe en principe à la personne poursuivie de démontrer qu'elle a agi en état de légitime défense. Le ministère public qui a pour tâche de démontrer, le cas échéant, l'existence des éléments matériels et intellectuels indispensables à la caractérisation de toute infraction devra, dans pareille hypothèse, répondre à l'argumentation de la défense qui arguerait de la légitime défense pour justifier le comportement poursuivi. Ainsi, un tel comportement pourra être justifié par la légitime défense lorsque plusieurs conditions liées à la nature de l'agression sont réunies. Outre la démonstration d'une riposte nécessaire et mesurée en réponse à une agression injuste, la preuve d'un danger réel et actuel réside notamment dans la menace d'un intérêt juridiquement protégé. Or, il est admis qu'une telle atteinte peut être portée envers soi-même ou envers autrui et il est indiscuté que la légitime défense s'applique à toutes les agressions contre les personnes, c'est-à-dire contre la vie ou l'intégrité corporelle. Ce n'est que de manière exceptionnelle et pour épouser des situations qui correspondent a priori à des atteintes injustifiées dont il est légitime de se défendre que le législateur a édicté une présomption de légitime défense à l'article 122-6 du code pénal. Ne cédant que face à la preuve contraire, celle-ci vise deux hypothèses spécifiques : pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité et pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. Cette présomption se justifie aisément par le fait que les circonstances mêmes des faits notamment le lieu où ils sont commis (domicile de la personne arguant de la légitime défense) sont de nature à limiter grandement toute contestation éventuelle sur la réalité de la légitime défense. Ce raisonnement ne saurait cependant prévaloir pour les autres types d'agressions lesquels demeurent soumis au régime général prévu à l'article 122-5 du code pénal. Cette distinction légalement définie fut le fruit de débats doctrinaux et d'une longue évolution jurisprudentielle finalement consacrée par le code pénal en 1994. Dans ces conditions, le ministre de la justice n'envisage pas de proposer une modification du droit existant.

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