Question de M. DANTEC Ronan (Loire-Atlantique - ECOLO) publiée le 31/10/2014

Question posée en séance publique le 30/10/2014

M. Ronan Dantec. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Madame la ministre, dimanche dernier, dans la nuit, un jeune homme est mort à l'aube de sa vie. Il est mort pour s'être dressé contre un projet qu'il jugeait injuste, un barrage destructeur de zones humides où 8 millions d'euros d'argent public vont être engloutis au bénéfice de quelques dizaines d'exploitations agricoles. Mes premières pensées vont à la mémoire de ce jeune homme et à sa famille.

Ce drame, madame la ministre, nous interpelle tous. La responsabilité collective du Gouvernement et de la représentation nationale est aujourd'hui de répondre sur le fond, pour éviter que la reproduction des mêmes causes ne conduise demain à d'autres drames humains.

Rodomontades ou propos incendiaires ne sont pas des réponses à la hauteur de la gravité du moment.


M. Jean-Vincent Placé. Très bien !


M. Ronan Dantec. Je crois profondément, madame la ministre, à un État de droit dont l'exemplarité est notre socle démocratique, et cela vaut aussi pour l'action des collectivités territoriales.

Sur ce dossier du barrage du Testet comme sur d'autres projets, la prise de décision publique n'a pas respecté nos règles collectives. Comme l'a souligné le rapport de l'expertise que vous avez diligentée, la conduite de ce projet est entachée de fautes lourdes, comme le conflit d'intérêt entre l'expertise et la conduite des travaux ou la sous-évaluation des enjeux environnementaux, ce qui est malheureusement une tradition française.

Madame la ministre, il nous faut tous réagir pour sortir de la spirale tragique de la montée des affrontements dans la société française, qui ne se régleront pas en déployant de bataillons de gardes mobiles.

L'État doit aujourd'hui reconnaître que, sur un certain nombre de dossiers, il est passé en force, ou que, pour le moins, il n'a pas assez cherché à faire respecter par les porteurs de projets les réglementations, notamment environnementales. La remise à plat d'un certain nombre de projets d'aménagement, contestés précisément pour la manière dont ils ont été élaborés, serait une vraie réponse politique d'apaisement, après ce drame national.

Madame la ministre, êtes-vous prête aujourd'hui à vous mobiliser pour un État exemplaire, et de ce fait capable de mener ses projets à terme, car leur raison d'être aura été discutée en toute rigueur et exemplarité ? Si tel est le cas, nous vous demandons de traduire rapidement cette volonté en actes concrets, qui ne se réduisent pas à la seule question du barrage du Testet.

Ma question se veut donc précise : êtes-vous d'accord pour répondre favorablement aux propositions de l'ACNUSA, l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, qui demande une nouvelle étude indépendante sur le plan d'exposition au bruit de l'aéroport actuel de Nantes-Atlantique ainsi que sur le projet de Notre-Dame-des-Landes, l'ACNUSA pointant les grandes faiblesses des hypothèses présentées par la Direction générale de l'aviation civile, c'est-à-dire par l'État lui-même ? (Exclamations sur certaines travées de l'UMP.)

Répondre favorablement à cette demande émanant d'une autorité indépendante et nullement contestée peut conduire à l'apaisement. France Nature Environnement, qui a perdu un de ses militants, écrit aujourd'hui avec grande dignité que la démocratie et le dialogue restent les meilleures réponses face à la violence. Madame la ministre, vos propres réponses sont ici attendues, elles ne doivent pas souffrir d'ambiguïté. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

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Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie publiée le 31/10/2014

Réponse apportée en séance publique le 30/10/2014

Mme Ségolène Royal,ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.Monsieur le sénateur, je voudrais tout d'abord m'associer à la profonde tristesse des parents et des amis de Rémi Fraisse, ainsi qu'à celle de l'association France Nature Environnement, dont il était membre.

Je voudrais aussi, au côté de M. le ministre de l'intérieur, exprimer toute ma solidarité aux forces de gendarmerie qui ont été blessées dans l'exercice de leurs difficiles fonctions.

M. Gérard Longuet. Tout à fait !

M. Éric Doligé. Bravo !

Mme Ségolène Royal,ministre.Mesdames, messieurs les sénateurs, la violence n'a pas sa place dans la République quand il s'agit de remettre en cause les grandes infrastructures de notre pays, et je sais que vous partagez ce point de vue.

Ce cas montre, avec d'autres, que les procédures sont beaucoup trop longues. Concernant le respect de la réglementation, je voudrais vous rassurer, monsieur le sénateur, les procédures qui ont été suivies sont parfaitement légales et toutes les autorisations ont été données, contrairement à ce que vous avez dit.

Le problème tient au fait que certains recours ne sont pas suspensifs, ce qui crée ensuite des tensions, des tensions démocratiques, puisque les gens ne comprennent pas pourquoi, alors que des recours ont été déposés, les travaux commencent. Cette situation est parfaitement légale, puisque, encore une fois, un certain nombre de recours ne sont pas suspensifs.

Un problème important se pose donc, qui est celui de la durée : des ouvrages conçus parfois dix ans ou quinze ans auparavant, qui ont déjà fait l'objet de premières procédures et de recours suspensifs et qui ont donc été retardés de ce fait, subissent une deuxième vague de recours, eux, non suspensifs, alors que les travaux ont commencé.

Je veux mettre fin à cette situation(Marques d'approbation sur certaines travées de l'UMP.), car c'est un problème à la fois pour le développement économique et pour la croissance, mais aussi un problème pour la protection de l'environnement, car il vaut mieux arrêter tout de suite un projet qui ne tient pas la route par rapport au code de l'environnement, plutôt que d'empêcher, par l'accumulation de recours, des projets d'infrastructures dont le pays a besoin.

C'est pourquoi, dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, je pose le principe de l'autorisation unique, qui permettra de réduire les délais, notamment les délais de recours.

Je souhaite vraiment que le Sénat s'empare le plus rapidement possible de ce projet de loi, afin que nous puissions mettre au clair les droits et les devoirs de chacun, ceux des maîtres d'ouvrage, qui doivent ou ne doivent pas décider de la suspension des travaux en fonction des recours déposés, mais qui doivent aussi avoir la stabilité juridique pour les entreprises afin que les grands équipements se construisent.(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)

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