Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UDI-UC) publiée le 31/10/2014

Question posée en séance publique le 30/10/2014

Mme Nathalie Goulet. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Madame la secrétaire d'État, le Conseil d'État vient de vous infliger un revers légitime, mérité, attendu et espéré, en suspendant la suppression des bourses au mérite décidée au cœur de l'été.

Cette décision était d'autant plus inexplicable, indépendamment de son caractère rétroactif, qu'elle pénalisait des étudiants méritants qui avaient besoin de ces bourses.

À ce stade, je veux féliciter Thaïs Cesto et Julie-Anne Kervalla, deux jeunes filles de Flers, monsieur le président – ville qui nous est chère –, qui ont suscité une mobilisation citoyenne et recueilli plus de 11 000 signatures via l'association Touche pas à ma bourse, je la mérite. Elles ont ainsi obtenu, en déposant un recours, comme je le leur avais suggéré, la suspension de cette mesure.

Le principe de la récompense au mérite semble vous poser une difficulté, madame la secrétaire d'État, puisque vous avez décidé de supprimer les bourses au mérite, mais de répartir les fonds en en élargissant l'assiette des bénéficiaires. À telle enseigne qu'un hebdomadaire titrait cette semaine Cette gauche qui n'aime pas le mérite…

Madame la secrétaire d'État, comptez-vous supprimer cette bourse pour l'année 2015 et les années à venir ? Ne pensez-vous pas qu'en supprimant cette bourse, source de motivation pour les très bons élèves qui ont leur baccalauréat avec une mention « très bien » et qui obtiennent cette aide sous conditions de ressources, vous faites un très mauvais pari sur la jeunesse de ce pays ?

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 31/10/2014

Réponse apportée en séance publique le 30/10/2014

Mme Geneviève Fioraso,secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, le Conseil d'État a en effet, sur la forme, émis un avis défavorable concernant notre décision de supprimer progressivement les bourses au mérite.

En attendant la décision sur le fond, nous allons rétablir ces bourses, pour cette année et pour la première année - les autres étaient maintenues -, ce qui représente un effort de près de 15 millions d'euros pour cette année, l'effort global étant de 39 millions d'euros.

Notre décision sur les aides au mérite n'a pas été prise par idéologie. C'est un faux débat, et un faux procès. Nous sommes favorables au mérite, mais nous pensons également qu'il était nécessaire d'évaluer ce dispositif, douze ans après sa création par Claude Allègre. Nous avons donc revu l'ensemble des aides aux étudiants avec les organisations étudiantes.

Car le constat est implacable : le système d'éducation français est le plus injuste de tous ceux des pays de l'OCDE. On n'est plus dans la reproduction sociale, on est dans la dégradation sociale, avec un facteur de quatre à un. On compte ainsi un étudiant issu des classes les plus modestes pour quatre personnes actives venant de ces milieux.

Le problème est grave ; il engendre une désespérance sociale. En outre, il est très mauvais pour notre économie de ne pas réussir à qualifier des jeunes issus des milieux les plus modestes.

Ce déterminisme social - tous les pédagogues le savent, tous les rapports le disent -s'installe dès le plus jeune âge, au CP, au moment de l'acquisition des savoirs fondamentaux. C'est donc là qu'il fallait agir en priorité et c'est ce qui a été fait en ciblant les premières années d'apprentissage lors de l'attribution des 60 000 nouveaux postes et en rétablissant le volet professionnalisant de la formation des enseignants, supprimé au cours du précédent quinquennat.

Par ailleurs, les aides au mérite, justifiées lorsque Claude Allègre les a mises en place, à une période où le pourcentage de mentions « très bien » au baccalauréat était inférieur à 3 %, se justifient plus difficilement aujourd'hui alors que ce pourcentage est de 12 %, sans toutefois que la proportion de jeunes boursiers issus des milieux les plus modestes - ce sont eux qui bénéficient des aides au mérite -, ait augmenté. Avec aujourd'hui plus de dix ans de recul - on ne pouvait pas le voir avant -, on s'aperçoit que la mesure n'a pas eu d'impact.

Valérie Pécresse elle-même l'avait bien compris, puisqu'elle avait réduit de 20 % à 2 % le nombre d'étudiants en master bénéficiant de ces bourses. L'évaluation était tellement difficile qu'elle donnait lieu à des recours.

Pour notre part, nous avons préféré investir 458 millions d'euros dans une réforme des bourses sur critères sociaux. C'est une réforme historique, inédite. Elle vise à permettre la réussite de tous les étudiants, en particulier de ceux qui sont issus des milieux les plus modestes.(Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.- Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)

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