Question de M. DESESSARD Jean (Paris - ECOLO) publiée le 17/10/2014

Question posée en séance publique le 16/10/2014

M. Jean Desessard. C'est l'histoire d'une taxe. (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Une taxe acceptée par tous, mais que personne n'a le courage d'appliquer. C'est l'histoire de la taxe « poids lourds ».

En août 2009, la majorité des groupes à l'Assemblée nationale ont voté pour le principe de la taxe. Vote des députés UMP : tous pour, moins une voix. Vote des députés PS et radicaux : tous pour, moins quatre voix. Vote des centristes : tous pour. Les écologistes et les communistes s'abstiennent, non sur le principe (MM. Didier Guillaume et Yannick Vaugrenard s'esclaffent.), mais sur les modalités de mise en application. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et de l'UMP.)


Mme Éliane Assassi. Je le confirme !


M. Jean Desessard. Mes chers collègues, nous pourrions en reparler, car il se pourrait que nous ayons eu raison !

S'il y a eu un tel consensus, c'est parce que cette taxe poids lourds est vertueuse. Elle applique le principe du pollueur-payeur. En effet, les camions ont un double impact sur l'environnement : ils usent les routes et polluent l'atmosphère davantage que les véhicules individuels. Il est donc normal qu'ils dédommagent la collectivité pour cet impact négatif, et ce en fonction de la distance parcourue.

Cette taxe a un aspect important : elle décourage les comportements les plus pollueurs et incite les entreprises à revoir leurs modes de production vers plus de proximité. Il est à noter qu'une disposition similaire est appliquée dans l'ensemble des pays européens, comme en Allemagne, sur les kilomètres parcourus, ou comme en Grande-Bretagne, sur la base d'une vignette.

Cette taxe devait rapporter en France 1,2 milliard d'euros par an : 700 à 760 millions d'euros pour l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, 230 millions d'euros pour Ecomouv' et les sociétés de télépéage, 160 millions d'euros pour les collectivités locales et 50 millions d'euros au titre de la TVA.

Il faut en finir avec cette idée de taxation punitive ! Si l'on considère que l'on punit lorsqu'on lève l'impôt, il faut se préparer à des lendemains difficiles… J'emploierais plus volontiers l'expression de « taxation réparatrice ». Je rappelle la position globale des écologistes : un transfert des charges basées sur le travail vers les taxes environnementales.

J'en viens à ma question. (Ah ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et de l'UMP.)

Nous avons un manque à gagner de 1,2 milliard d'euros par an, et nous avons un dédit vis-à-vis de la société Ecomouv' d'un montant de 1 milliard d'euros. Quelle taxation alternative permettra de récupérer ce manque à gagner ?


M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.


M. Jean Desessard. Si une nouvelle taxation est créée, respectera-t-elle les principes de l'utilisateur-payeur et de la redistribution aux collectivités ? Et quand sera-t-elle mise en œuvre ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et de l'UDI-UC.)


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche publiée le 17/10/2014

Réponse apportée en séance publique le 16/10/2014

M. Alain Vidalies,secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. C'est aussi l'histoire d'une taxe dont le recouvrement avait été confié, pour la première fois dans notre pays, à une entreprise privée.

C'est aussi l'histoire d'une taxe dont les frais de fonctionnement étaient évalués à 40 % de son rendement,...

M. Éric Doligé. Non !

M. Alain Vidalies,secrétaire d'État. ... tant et si bien qu'elle apparaissait, de ce point de vue, comme quelque peu irréaliste.

C'est aussi l'histoire d'une taxe qui reposait sur un bon principe, auquel nous souscrivions, celui du pollueur-payeur.

M. Simon Sutour. Très bien !

M. Alain Vidalies,secrétaire d'État. Mais on avait introduit dans le dispositif une bombe à retardement pour que le texte soit voté : on avait dit aux transporteurs, les pollueurs, qu'ils n'allaient finalement pas payer, car, par un mécanisme extrêmement compliqué fixé dans la loi, on allait en fait taxer les chargeurs. Lorsque les chargeurs et les payeurs se sont retrouvés face à face, ils se sont rendu compte que ceux qui allaient payer in fine n'étaient pas ceux qui polluaient. Ce fait explique que nous ayons assisté à un certain nombre de manifestations.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous en conviendrez, ce gouvernement n'est pas pour grand-chose dans la signature du contrat. Nous avons été confrontés à cette réalité, et nous avons essayé, de bonne foi,...

M. Gérard Longuet. Pas vraiment !

M. Alain Vidalies,secrétaire d'État. ... de mettre ce contrat en œuvre puisque la mise en place du dispositif avait été votée...

M. Éric Doligé. Par vous aussi !

M. Alain Vidalies,secrétaire d'État. ... et que tel était le droit républicain. Néanmoins, une opposition extrêmement forte s'est manifestée,...

M. Gérard Longuet. Comme pour le mariage !

M. Alain Vidalies,secrétaire d'État. ... et le Gouvernement a été à l'écoute.

Nous avons ainsi décidé de mettre en place un système de péage de transit de poids lourds, qui s'est aussi heurté à une très grande incompréhension. La semaine dernière, nous avons décidé de suspendre cette démarchesine die.

Le Gouvernement souhaite à la fois garantir les revenus de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France- c'est extrêmement important pour l'ensemble des investissements - et faire participer très clairement les transporteurs au financement des infrastructures.

Ce matin, j'ai réuni le premier groupe de travail prévu par l'accord. J'ai annoncé que le Gouvernement déposerait dans le projet de loi de finances deux amendements tendant à majorer de 4 centimes le coût payé par les transporteurs,...

M. Gérard Longuet. C'est injuste !

M. Alain Vidalies,secrétaire d'État. ... soit les 2 centimes financés par l'ensemble des Français et les 2 centimes liés à la remise en cause de la part contribution climat-énergie prévue dans le droit fiscal. Ainsi la participation des transporteurs s'élèvera à 320 millions d'euros, qui s'ajouteront aux 800 millions d'euros déjà prévus comme recette particulière pour l'AFITF.

Le principe est respecté. Nous avons pris une nouvelle disposition, et nous allons poursuivre nos discussions avec les transporteurs sur les questions de compétitivité et de dumping social. En respectant les principes qui étaient les nôtres, nous assurons la garantie des financements, tout en associant les transporteurs aux décisions. (Applaudissementssur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste.)

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