Question de M. GUERRIAU Joël (Loire-Atlantique - UDI-UC) publiée le 24/10/2014

Question posée en séance publique le 23/10/2014

Concerne le thème : Les accords de libre-échange

M. Joël Guerriau. Au mois de décembre dernier, le Gouvernement s'est réjoui d'avoir signé l'accord avec les États membres de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, lors de sa neuvième conférence ministérielle.

Cet accord allège les procédures de passage des frontières des marchandises dans l'objectif de réduire sensiblement le coût d'une opération de commerce international. Selon le Gouvernement, il devait bénéficier en premier lieu aux petites et moyennes entreprises.

En France, un millier de PME seulement réalisent à elles seules 70 % des exportations. Elles sont respectivement deux fois et trois fois moins nombreuses qu'en Italie et qu'en Allemagne.

Les PME françaises ont sans nul doute un potentiel important de croissance à l'export. Toutefois, la mondialisation des échanges n'a de sens que si elle s'accompagne d'un cadre juridique précis, faute de quoi nous offrons une position avantageuse aux entreprises de pays qui ne s'imposent ni contrainte fiscale, ni règles de protection sociale, ni ambition environnementale.

Le libre-échange a fait de la Chine l'atelier du monde à moindre coût. Il a favorisé la libre circulation des capitaux pour échapper à l'impôt. Au sein de l'Europe, les flux de main-d'œuvre Est-Ouest ont contribué à créer des distorsions de compétitivité entre États membres dont nous constatons parfois les conséquences dans nos propres régions.

C'est un fait, le libre-échange inquiète nos citoyens.

Échanger avec des pays qui ne respectent pas les mêmes normes sociales revient à commercer sur le dos de la pauvreté. Un libre-échange dépourvu de fondement humaniste encourage l'exploitation de l'homme par l'homme.

Monsieur le secrétaire d'État, je continue de croire que l'on ne prospère véritablement que lorsque l'on tire l'humain vers le haut. À cette fin, tout doit être mis en œuvre pour lutter contre la concurrence déloyale dont font preuve les pays qui entretiennent volontairement de bas niveaux de salaires et de protection sociale au seul profit de bénéfices immédiats.

Quel est l'intérêt d'importer aujourd'hui ce que nous produisions hier à meilleure qualité ? Les nouvelles puissances commerciales assument-elles véritablement leurs responsabilités pour, par exemple, lutter contre le réchauffement climatique, contribuer au progrès social ou agir en faveur de la sécurité alimentaire ? Dans le cadre de la négociation des accords transatlantiques et des travaux de l'OMC, quelles mesures le Gouvernement prend-il afin de défendre nos exigences sociales et environnementales ?

Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d'État, quels bénéfices réels la France a obtenu depuis l'accord de 2013 au sein de l'OMC ? Quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour encourager et accompagner nos PME à l'exportation ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement publiée le 24/10/2014

Réponse apportée en séance publique le 23/10/2014

M. Jean-Marie Le Guen,secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, votre question est double : d'une part, l'OMC et, d'autre part, les problèmes liés à ce que l'on appelle le « dumpingsocial ».

Vous le savez, le Conseil général de l'OMC, qui s'est réuni le 21 octobre à Genève, n'a pu que constater le blocage de l'Inde, empêchant la mise en œuvre des différentes décisions prises lors de la conférence ministérielle de l'Organisation à Bali à la fin de l'année dernière, en particulier la finalisation de l'accord sur la facilitation des échanges.

S'ouvre ainsi au sein de l'Organisation mondiale du commerce une période de réflexion. C'est un euphémisme, car nous considérons que la situation est grave pour l'OMC et pour le multilatéralisme commercial, lequel répond à notre vision de l'organisation et de la régulation du monde et reste une priorité nationale et européenne. Le G20 des chefs d'État de Brisbane sera sollicité sur ce sujet, afin de tenter de trouver une solution. Une certaine inquiétude se fait jour, car la succession de traités bilatéraux ou transcontinentaux n'est pas l'objet premier de la politique diplomatique et commerciale que nous voulons mettre en œuvre au plan international.

Quant à la question du dumping social, les accords de libre-échange incluent, vous le savez également, monsieur le sénateur, un chapitre sur le développement durable qui reconnaît les principes généraux issus des conventions internationales- conventions de Rio, de l'Organisation internationale du travail et autres. Les parties s'engagent à développer leurs relations commerciales dans le respect tant des normes sociales et environnementales que des accords internationaux dans ce domaine.

De façon générale, la France et l'Europe portent des exigences environnementales et sociales fortes en matière de politique commerciale. En témoigne, par exemple, le schéma de préférences généralisées de l'Union européenne. Ce dernier récompense par des baisses de droits de douane les pays en développement ayant ratifié les principales conventions internationales relatives aux sujets précités, mais nul ne doute qu'il y a matière à réaliser bien des progrès dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.

M. Joël Guerriau. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre réponse, qui montre que nous tentons de résister aux débordements qui se produisent au titre du libre-échange.

Lors de l'élaboration de l'accord sur la facilitation des échanges, la Chambre de commerce internationale avait affirmé que, de ce fait, le commerce mondial allait être stimulé de l'ordre de 1 000 milliards de dollars et que 21 millions d'emplois seraient créés. Nous restons dubitatifs.

Je ne voudrais pas que, derrière ce leurre, le libre-échange devienne le cheval de Troie visant à démanteler nos ambitions sociétales, en particulier en matière environnementale et sociale. Nous avons une coresponsabilité en la matière. Nous devons faire en sorte que les droits humains demeurent un élément indiscutable et non négociable des accords, afin que nos échanges s'effectuent dans le respect de l'humanité.

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