Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - UMP) publiée le 10/07/2014

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la pénurie récurrente de médicaments constatée par les pharmaciens et les patients. Ainsi, il apparaît que les ruptures peuvent durer jusqu'à treize mois et que la moyenne soit de 94 jours. Ce sont 344 ruptures de stock de médicaments qui ont été répertoriées de septembre 2012 à octobre 2013. Cette situation, qui perdure, inquiète légitimement de nombreux malades qui utilisent au quotidien ces médicaments. Si celle-ci venait à se perpétuer, elle risque de leur causer de graves préjudices en matière de santé. En effet, certaines de ces molécules sont irremplaçables et sans générique possible, pour la plupart. Il semblerait que les laboratoires pharmaceutiques soient soumis à des quotas de fabrication de médicaments et préfèrent, par souci de rentabilité financière (le marché français étant un des moins chers au monde), les vendre à l'étranger, dans des pays où les prix ne sont pas plafonnés. Ces quotas sont donc atteints au détriment des malades français qui se retrouvent en peine de se soigner. Le décret n° 2012-1096 du 28 septembre 2012 relatif à l'approvisionnement en médicaments à usage humain, qui devait aider à un bon approvisionnement en médicaments à usage humain, semble de peu d'effet : par exemple et tout récemment, le stock de l'antibiotique « Pyostacine », qui a peu d'équivalent, était de 40 boîtes chez les grossistes pour tout le territoire français… Toujours en 2012 et concernant les matières premières pharmaceutiques, l'Académie nationale de pharmacie préconisait d'en prévenir les risques de pénurie par une forte incitation des décideurs publics et privés à relocaliser, au niveau national et européen, leur production et mettre en place une politique d'incitation industrielle (réglementaire, financière et fiscale). Il apparaît urgent de remédier à cette situation récurrente dont les répercussions, tant sur le coût de la santé que sur la qualité de la prise en charge, sont loin d'être négligeables. Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer les mesures susceptibles d'être prises afin que l'approvisionnement en médicaments fonctionne sans interruption dans les officines et que les patients soient durablement protégés de ces pénuries.

- page 1652

Transmise au Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargé des droits des femmes publiée le 05/11/2014

Réponse apportée en séance publique le 04/11/2014

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, en remplacement de M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 837, adressée à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, je pose cette question à la place de mon collègue Antoine Lefèvre, qui, assistant ce matin à des obsèques, ne peut participer à la séance. Elle concerne la pénurie récurrente de médicaments, constatée par les pharmaciens et les patients.

L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l'ANSM, a dénombré, entre septembre 2012 et octobre 2013, près de 324 ruptures de médicaments et 103 risques de rupture, un chiffre en hausse régulière depuis 2008. Ces ruptures peuvent durer jusqu'à treize mois, avec une moyenne de 94 jours.

Si cette situation venait à perdurer, quels graves préjudices seraient à craindre en matière de santé ? Certaines de ces molécules sont irremplaçables et sans générique possible pour beaucoup d'entre elles. Voilà qui inquiète légitimement de nombreux malades, mais aussi les officines.

Par souci de rentabilité financière, les laboratoires pharmaceutiques, soumis à des quotas de fabrication de médicaments, préféreraient la vente à l'étranger, dans des pays où les prix ne sont pas plafonnés alors que le marché français est l'un des moins chers au monde. Ces quotas seraient donc atteints au détriment des malades français, qui auraient alors des difficultés à se soigner.

Mais la pénurie a également pour origine des normes environnementales beaucoup plus contraignantes et la fabrication dans des pays tiers de la grande majorité des matières actives à usage pharmaceutique avec, en corollaire, la perte du savoir-faire industriel correspondant.

Le décret pris le 30 septembre 2012, qui devait aider à un bon approvisionnement en médicaments à usage humain, semble de peu d'effet.

Je citerai l'exemple tout récent de l'antibiotique Pyostacine, qui a peu d'équivalents et dont le stock se limitait à quarante boîtes chez les grossistes pour tout le territoire français. De même, l'Esidrex, médicament de référence dans l'hypertension artérielle, a manqué durant plusieurs semaines au cours de l'été 2013. Enfin, le Lévothyrox, médicament hormonal essentiel prescrit aux personnes souffrant d'hypothyroïdie, s'est trouvé en rupture de stock, ce dont prescripteurs et pharmaciens furent informés par voie de presse !

Le phénomène est également récurrent dans le monde hospitalier où les pharmaciens doivent régulièrement gérer des ruptures d'approvisionnement de plusieurs médicaments prescrits dans des pathologies lourdes, de nature cancéreuse en particulier.

En 2012, l'Académie nationale de pharmacie préconisait de prévenir les risques de pénurie concernant les matières premières pharmaceutiques par une forte incitation des décideurs publics et privés à relocaliser leur production aux niveaux national et européen et à mettre en place une politique d'incitation industrielle - réglementaire, financière et fiscale.

À peu de jours de la discussion au Sénat du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de bien vouloir nous informer de l'évolution de ce dossier tant peuvent être importantes ses répercussions sur le coût de la santé et sur la qualité de la prise en charge des patients.

Je rappelle en outre que les thérapeutiques jugées indispensables représentent 28 % des cas de pénurie.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Madame la sénatrice, la question des ruptures d'approvisionnement et des ruptures de stock est un problème de santé publique que la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Mme Marisol Touraine, a identifié dès son arrivée au Gouvernement.

En effet, comme vous le soulignez, le circuit de distribution des médicaments français est régulièrement touché par des dysfonctionnements qui entraînent des ruptures de stock ou des difficultés d'approvisionnement transitoires.

Ces difficultés, qui ont des causes multiples, peuvent relever de problèmes dans la fabrication des matières premières et des médicaments. Elles peuvent également résulter de décisions d'arrêts de commercialisation prises par les industriels.

Dès le mois de septembre 2012, Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a signé un décret renforçant les obligations pesant sur les différents acteurs de la chaîne pharmaceutique. Ce décret prévoit que les exploitants de spécialités pharmaceutiques doivent approvisionner tous les grossistes répartiteurs. Il instaure également un système de remontée d'informations sur les ruptures. L'exploitant qui anticipe une situation potentielle de rupture d'approvisionnement doit en informer l'ANSM en précisant les délais de survenue, les stocks disponibles, les modalités de disponibilité, les délais prévisionnels de remise à disposition du médicament et l'identification de spécialités pouvant, le cas échéant, constituer une alternative à la spécialité pharmaceutique en défaut.

Des centres d'appel d'urgence permanents ont été mis en place par les exploitants pour le signalement des ruptures par les pharmaciens officinaux et hospitaliers et par les grossistes répartiteurs.

Malgré ces mesures, le circuit pharmaceutique reste encore régulièrement touché par des situations de rupture. Il est donc nécessaire d'aller plus loin.

Le projet de loi relatif à la santé que la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Mme Marisol Touraine, a présenté le 15 octobre dernier, en conseil des ministres, permettra d'approfondir les moyens de lutte contre ces ruptures d'approvisionnement ou de stock.

Le projet de loi se focalise en priorité sur la question des « médicaments d'intérêt thérapeutique majeur » dont les ruptures présentent le plus de risques.

Pour ces médicaments, les entreprises pharmaceutiques devront mettre en œuvre des plans de gestion des pénuries : constitutions de stocks selon la part de marché, sites alternatifs de fabrication le cas échéant, identification de spécialités pouvant constituer une alternative à la spécialité pharmaceutique en défaut.

Mme la ministre propose également de rendre plus rapide la mise en place des contingentements de médicaments en pharmacie à usage intérieur lorsqu'il est nécessaire de prévenir une rupture en régulant les stocks de médicaments disponibles.

Enfin, le Gouvernement travaille sur la question de la relocalisation des industries pharmaceutiques en France dans le cadre des travaux du Conseil stratégique des industries de santé, le CSIS.

Toutefois, l'exemple qui figurait dans la question de M. Lefèvre, à savoir l'antibiotique Pyostacine®,montre que les ruptures d'approvisionnement peuvent survenir même pour des produits fabriqués en France. Il est donc pertinent d'aborder le sujet sous l'angle des obligations pesant sur le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché, l'AMM.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert.

Mme Corinne Imbert. En effet, les laboratoires se mettent en situation de rupture de stock de façon volontaire tout au long de l'année pour atteindre les objectifs qui leur sont parfois imposés. La question est bien là !

J'ajoute qu'un laboratoire peut faire jusqu'à deux fois et demie de marge supplémentaire s'il vend un médicament en Grande-Bretagne plutôt qu'en France. Dans ces conditions, notre pays étant, après le Portugal, celui où les médicaments sont les moins chers, on entretient le phénomène !

Cela étant dit, je remercie Mme la secrétaire d'État pour sa réponse, dont je prends acte.

- page 7645

Page mise à jour le