Question de Mme ESCOFFIER Anne-Marie (Aveyron - RDSE) publiée le 04/07/2014

Question posée en séance publique le 03/07/2014

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le Premier ministre, au moment où s'ouvre au Sénat un débat qui préoccupe au plus haut point les élus locaux – je veux bien sûr parler du débat relatif à la réforme territoriale –, nous sommes tous en droit de nous interroger sur les objectifs visés.

M. Roger Karoutchi. C'est vrai !

Mme Anne-Marie Escoffier. Je ne crois pas me tromper en rappelant que le Président de la République avait présenté cette réforme comme relevant de la nécessité absolue d'aller vers une clarification des compétences entre État et collectivités locales, et entre collectivités locales, vers une simplification, pour plus d'efficacité en matière de service rendu à nos concitoyens.

Nous voici au pied du mur, dans un contexte économique et social imposant que tous nos efforts tendent à une réduction de nos dépenses pour atteindre des objectifs dont le bien-fondé est incontestable. Reste à trouver le chemin.

Nous avons tous lu dans la presse nationale et entendu de la bouche de différents ministres quel était le montant des économies à attendre de cette réforme territoriale : 25 milliards d'euros, puis 15 milliards, puis entre 12 et 25 milliards, enfin 10 milliards seulement, sur la base d'un effort global de réduction des dépenses des collectivités locales de 5 % à 10 %…

Mme Éliane Assassi. Il y en a qui parlent trop vite !

M. Alain Gournac. Zéro économie !

M. Roger Karoutchi. Cette réforme va coûter !

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le Premier ministre, ma question, d'ordre purement technique (Sourires.), s'inscrit directement dans la notion de pacte de confiance et de responsabilité.

Mme Isabelle Debré. Il n'a pas l'air d'accord !

Mme Anne-Marie Escoffier. Comment, sur quelles bases précises, selon quel calendrier ont été calculées ces économies qui affecteront lourdement les budgets de nos collectivités, lesquelles, par solidarité, veulent pouvoir continuer à soutenir l'économie par leurs investissements ?

Monsieur le Premier ministre, « là où il y a une volonté, il y a un chemin », pour reprendre une formule attribuée à Lao-Tseu, à Churchill ou à Jaurès. Il ne faudrait pas que le volontarisme se transforme en aventurisme ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

- page 5481


Réponse du Premier ministre publiée le 04/07/2014

Réponse apportée en séance publique le 03/07/2014

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la sénatrice, madame la ministre, allais-je dire... (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Éliane Assassi. Elle au moins, elle est courageuse !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Comme vous tous ici, je n'en doute pas.

J'ai bien compris l'aspect technique de votre question, madame Escoffier,...

Mme Isabelle Debré. Elle ne comporte pas qu'un aspect technique !

M. Manuel Valls, Premier ministre. ... mais, avec votre permission, je vais en élargir le champ.

Le Président de la République a souhaité une réforme ambitieuse portant sur les régions, assortie d'un redécoupage. Je suis convaincu qu'une majorité existe, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, pour approuver cette réforme de la carte des régions, rapidement eu égard aux échéances électorales : même si elles sont repoussées de quelques mois, élus, acteurs économiques et citoyens doivent évidemment pouvoir connaître en temps utile les contours de cette nouvelle carte régionale.

L'objectif est de nous doter de régions plus fortes, plus dynamiques. Vous savez ma détermination à faire aboutir cette réforme, dans le respect, bien sûr, du débat parlementaire. Je ne doute pas que la commission spéciale fera des propositions de très grande qualité, y compris pour modifier cette carte. Si elle pouvait même aller jusqu'à réduire encore le nombre des régions, cela irait dans le bon sens ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Je ne doute pas un seul instant de la sagesse de la Haute Assemblée.

En revanche, les procédures utilisées pour retarder le débat...

Mme Éliane Assassi. Elles ont un contenu !

M. Manuel Valls, Premier ministre. ... ne réussiront pas. On l'a vu avec la saisine du Conseil constitutionnel : ce dernier a jugé que l'étude d'impact était conforme à la loi fondamentale. (Murmures sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Pourtant, il n'y a rien dedans !

M. Manuel Valls, Premier ministre. De même, l'Assemblée nationale a rejeté de la manière la plus claire la motion référendaire qu'avait adoptée le Sénat. Le Gouvernement est déterminé à faire en sorte que le Sénat examine le projet de loi sur le fond, afin que l'Assemblée nationale puisse s'en saisir au cours de la présente session extraordinaire. Ne doutez pas de notre volonté sur ce point !

Un autre texte, portant sur les compétences des régions, en particulier sur le plan économique et de l'emploi, et sur celles des intercommunalités, appelées à évoluer, vous sera soumis après le renouvellement sénatorial. Là encore, le débat permettra sans doute d'apporter des modifications au projet et d'approfondir la réflexion. Madame Escoffier, vous m'avez interrogé sur les économies envisagées : le bloc communal et intercommunal en constitue, nous le savons tous, le gisement le plus important. Le texte à venir concernera aussi l'avenir des départements.

Hier après-midi, j'ai eu l'occasion de m'exprimer à Clermont-Ferrand devant l'assemblée des maires du département du Puy-de-Dôme et des parlementaires. Les problématiques de la proximité, des politiques de cohésion territoriale et sociale et de l'avenir des territoires ruraux sous-tendent le débat relatif à la nouvelle carte des régions, à l'avenir des départements et à la taille des intercommunalités. En effet, la constitution de grandes régions et, surtout, de grandes agglomérations, qui drainent les forces économiques et, souvent, les populations, soulève la question de l'abandon, de la désertification, de l'absence de protection que ressentent non seulement les élus, mais également nos concitoyens. Or cette question ne se pose pas seulement depuis que le présent projet de loi a été déposé ; elle est pendante depuis des années.

M. Jean-Louis Carrère. Bien sûr !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Les problématiques, tant budgétaires que de cohésion territoriale, auxquelles sont confrontés les départements, que chacun ici défend, existent depuis des années ; elles ne sont pas apparues avec le présent texte. Vous-même, madame Escoffier, le savez parfaitement, eu égard aux fonctions ministérielles qui ont été les vôtres pendant deux ans et à votre qualité d'élue de l'Aveyron.

Ces questions doivent donc être pleinement prises en compte par le Parlement. Pour ma part, je suis convaincu que le Sénat, quelle que soit d'ailleurs sa majorité à l'issue du renouvellement de septembre, y répondra et améliorera ce projet de loi, notamment en ce qui concerne l'avenir des conseils généraux.

Remarquez que je parle ici des conseils généraux, et non des départements : ceux-ci sont au cœur de la République ; du reste, la réforme de l'État territorial conduite par le ministre de l'intérieur, qui a présenté une communication sur ce sujet au conseil des ministres d'hier, est précisément inspirée par le souci de renforcer les politiques interministérielles de proximité autour du préfet de département. Nous mettrons bien entendu à profit la réforme des régions pour mener une importante réforme de l'État, car celui-ci doit donner l'exemple.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le débat sur l'avenir des territoires ruraux et de leurs conseils généraux, au sein des grandes régions et au côté des grandes agglomérations, sera central. Le Gouvernement sera extrêmement attentif et ouvert aux propositions du Parlement, dont je ne doute pas un seul instant de la capacité d'imagination ! J'ai déjà eu l'occasion de le dire, c'est pourquoi je m'étonne parfois de certaines réactions.

L'exemple du département du Rhône peut-il inspirer d'autres expérimentations, d'autres avancées ? Sans aucun doute. Faut-il conserver des départements ruraux tandis que l'on irait vers la disparition des conseils généraux dans les territoires plus urbanisés ? Ces questions sont ouvertes : on le voit bien dans les grandes métropoles, notamment à Paris. Le débat permettra de les aborder. Il faut inventer un chemin. Madame Escoffier, je ne reprendrai pas la formule que vous avez empruntée à différents auteurs - je m'étonne d'ailleurs que vous n'ayez pas cité François Mitterrand, qui l'avait choisie pour slogan de l'une de ses campagnes -, mais je suis convaincu qu'il va falloir faire preuve d'imagination.

Parce que le sujet est compliqué, parce qu'il faut du temps pour transférer des compétences et des agents,...

M. Gérard Larcher. Vous l'avez dit : il faut du temps !

M. Manuel Valls, Premier ministre. ... parce que, pour des raisons constitutionnelles, nous ne pouvons pas supprimer le conseil général, parce que, venant de toutes les travées du Sénat, des propositions différentes ont été formulées - certains préconisant un nouveau mode de scrutin, d'autres préférant conserver celui qui a été adopté il y a quelques mois, d'autres encore suggérant la création d'une assemblée des intercommunalités -, il est manifestement nécessaire d'inventer quelque chose.

Madame la sénatrice, je le répète, le Gouvernement sera très attentif aux propositions du Parlement, notamment pour ce qui est de l'avenir des territoires ruraux et des conseils généraux. Ils jouent un rôle important en matière de cohésion territoriale et sociale et doivent avoir confiance dans la volonté du Gouvernement de trouver la solution la plus précise et la plus efficace pour nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Alain Bertrand applaudit également.)

Mme Bariza Khiari. Bravo !

M. Didier Guillaume. Excellente réponse !

- page 5482

Page mise à jour le