Question de Mme ASSASSI Éliane (Seine-Saint-Denis - CRC) publiée le 05/06/2014

Mme Éliane Assassi interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le fait que, consulté dans le cadre de la carte scolaire 2014, M. le maire de Cahors, dans le département du Lot a proposé, sans concertation avec les parents, la suppression d'un poste d'enseignant à l'école maternelle « Henri Thamier », dans le quartier populaire de Sainte-Valérie, conduisant à la fermeture de cette école. Or, les parents d'élèves n'ont eu de cesse de s'élever contre cette décision.

La loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, que le groupe communiste républicain et citoyen (CRC) a adoptée, comporte de nombreuses dispositions qui plaident en faveur du maintien de cette école maternelle, située dans un quartier défavorisé.

Un rapport (n° 767), publié le 28 février 2013 par l'Assemblée nationale lors de l'examen de cette loi, précise que la scolarisation précoce contribue fortement à l'amélioration des trajectoires des élèves des milieux défavorisés et il y est proposé de la développer, en priorité, dans les écoles situées dans un environnement social difficile. Ce rapport a conduit à la modification de l'article L. 113-1 du code de l'éducation qui précise que tout enfant doit pouvoir être accueilli, à l'âge de trois ans, dans une école maternelle au plus proche de son domicile « en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé ».

C'est précisément la situation du quartier où se trouve l'école maternelle « Henri Thamier » qui justifie son classement en contrat urbain de cohésion sociale axé autour de trois objectifs dont la réussite scolaire.
En supprimant un service public, on met aussi en cause la mixité sociale et culturelle existante (75 % des familles sont issues des habitations à loyer modéré (HLM) et 25 % sont issues des zones pavillonnaires), au risque de faire de Sainte-Valérie un quartier de relégation. Elle rappelle que plus de 50 % des habitants du quartier n'ont pas de moyens de locomotion et qu'il leur sera beaucoup plus difficile de se déplacer vers une école située à plus d'un kilomètre. Cet obstacle constitue un premier pas vers la fracture sociale et la déscolarisation.

Aussi lui demande-t-elle ce qu'il compte entreprendre afin que la loi du 8 juillet 2013 soit appliquée avec une attention particulière en ce qui concerne la scolarisation précoce dans le quartier de Sainte-Valérie à Cahors.

- page 1285


Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 09/07/2014

Réponse apportée en séance publique le 08/07/2014

M. Éric Bocquet. Mme Assassi, retenue, m'a demandé de la suppléer et vous prie de l'excuser, madame la ministre.

Consulté dans le cadre de l'élaboration de la carte scolaire pour 2014, M. le maire de Cahors, dans le Lot, a proposé, sans concertation avec les parents, la suppression d'un poste d'enseignant à l'école maternelle Henri-Thamier, dans le quartier populaire de Sainte-Valérie, conduisant à la fermeture de cette école. Les parents d'élèves, mobilisés, n'ont eu de cesse de s'élever contre cette décision.

La loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, que le groupe CRC a votée, comporte de nombreuses dispositions qui plaident en faveur du maintien de cette école maternelle située dans un quartier défavorisé.

Le rapport de l'Assemblée nationale publié le 28 février 2013 à l'occasion de l'examen de ce texte indique que la scolarisation précoce contribue fortement à l'amélioration des trajectoires des élèves issus des milieux défavorisés et préconise de la développer en priorité dans les écoles dont l'environnement social est difficile. Ce rapport a conduit à la modification de l'article L. 113-1 du code de l'éducation, qui précise désormais que « tout enfant doit pouvoir être accueilli, à l'âge de trois ans, dans une école maternelle ou une classe enfantine le plus près possible de son domicile. [...] L'accueil des enfants de deux ans est étendu en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé. »

Le quartier où est implantée l'école maternelle Henri-Thamier se trouve précisément dans cette situation. Cela justifie que celle-ci relève d'un contrat urbain de cohésion sociale articulé selon trois objectifs, dont la réussite scolaire.

En supprimant un service public, on met aussi en cause la mixité sociale et culturelle existante - 75 % des familles occupent un logement locatif HLM et 25 % vivent dans des zones pavillonnaires -, au risque de faire de Sainte-Valérie un quartier de relégation.

Rappelons que plus de 50 % des habitants du quartier n'ont pas de moyen de locomotion et qu'il leur sera difficile de rejoindre une école située à plus d'un kilomètre. Cet obstacle constitue un premier pas vers une forme de fracture sociale et, dans certains cas, la déscolarisation.

Quelles actions le Gouvernement compte-t-il engager afin que la loi du 8 juillet 2013 soit appliquée en portant une attention particulière à la scolarisation précoce des enfants dans le quartier de Sainte-Valérie à Cahors ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. le ministre de l'éducation nationale, retenu par la grande conférence sociale.

Je vous remercie de souligner les efforts déployés par le Gouvernement pour rétablir l'égalité des chances à l'école et lutter contre l'échec scolaire.

À cet égard, la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République accorde la priorité au premier degré, car la réussite des élèves passe par la maîtrise des premiers apprentissages, notamment celui de la langue.

C'est pourquoi, comme vous le soulignez très justement, il est aujourd'hui primordial de revaloriser le rôle de l'école maternelle et de favoriser la réussite des plus jeunes, notamment dans les secteurs les plus fragiles socialement et économiquement.

C'est tout le sens de la réforme de l'éducation prioritaire que mène Benoît Hamon, avec Najat Vallaud-Belkacem, dans le cadre de la réforme de la politique de la ville. L'objectif est de concentrer les moyens sur les quartiers prioritaires et d'optimiser l'emploi des outils de l'action publique pour restaurer l'égalité républicaine entre les territoires.

Dans ce cadre, la scolarisation des enfants de moins de 3 ans est une priorité que nous nous sommes fixée. Il s'agit de lutter contre les discriminations sociales, culturelles et linguistiques, en faisant de l'école un lieu d'accompagnement de tous les élèves, et d'abord de ceux qui sont le plus en difficulté, vers la réussite.

Cet effort est déjà bien engagé dans le département du Lot, où le taux de scolarisation des enfants de moins de 3 ans est nettement supérieur à la moyenne nationale.

En ce qui concerne le cas précis de la fermeture de l'école maternelle Henri-Thamier, qui fait l'objet de votre question, M. le ministre de l'éducation nationale peut vous apporter les précisions suivantes.

Pour l'année scolaire 2014-2015, la baisse des effectifs prévue dans le département du Lot a conduit à la suppression de quatre postes, dont un dans la ville de Cahors. Dans le souci d'optimiser le redéploiement du réseau scolaire, l'équipe municipale a décidé de procéder à la fermeture de l'école maternelle à classe unique Henri-Thamier.

Cette décision a été le fruit d'une longue concertation, à laquelle la communauté éducative et les parents d'élèves ont été pleinement associés. Les services académiques ont pris les mesures nécessaires pour garantir la continuité des apprentissages. En effet, les vingt-six élèves concernés par cette fermeture de classe seront accueillis au sein de l'école maternelle Jean-Calvet ou de l'école Bellevue, établissements qui se situent tous deux à moins de 750 mètres de l'école Henri-Thamier. Un service de transport scolaire par navettes municipales sera mis en place à la rentrée 2014 pour faciliter les déplacements des plus petits.

Cette décision présente l'avantage d'assurer l'accueil des élèves de moins de 3 ans dans une structure de plus grande importance, où ils seront en contact avec d'autres enfants, tout en prenant en compte la spécificité de leurs besoins, conformément aux recommandations de la circulaire du 18 décembre 2012.

Ainsi, les conditions d'apprentissage des élèves de l'école Henri-Thamier sont préservées, ainsi que l'accueil des enfants de moins de 3 ans. Les enfants du quartier Sainte-Valérie pourront bénéficier de meilleures chances de réussite.

L'objectif qui anime l'action du ministre de l'éducation nationale est de guider l'ensemble de la communauté éducative pour combattre dès le plus jeune âge les inégalités sociales et territoriales, afin de favoriser la réussite de chaque jeune. Ensemble, nous devons faire évoluer l'école vers la réussite de tous. Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour défendre cette priorité essentielle de la République.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Je vous remercie, madame la ministre, de m'avoir apporté ces éléments de réponse.

Cette question offre l'occasion de remettre au cœur de notre réflexion l'importance particulière de l'école maternelle. L'acquisition de la maîtrise du langage est une condition déterminante de la réussite future de l'enfant. En effet, selon que le bagage de celui-ci est de 500 mots ou de 2 000 mots à son arrivée à l'école, ses chances en matière d'apprentissage de la lecture et de l'écriture ne sont pas les mêmes ! Il est donc essentiel de maintenir la priorité accordée à la scolarisation précoce.

Notre école maternelle est reconnue en Europe pour son efficacité en matière non seulement de socialisation et de préscolarisation, mais aussi d'acquisition langagière. Pour l'heure, l'école n'est toujours pas parvenue à résorber l'ensemble des inégalités, qui ont même tendance à s'aggraver dans la période difficile que nous traversons. La priorité absolue doit être donnée à l'école maternelle dans la durée.

- page 5776

Page mise à jour le