Question de M. BOTREL Yannick (Côtes-d'Armor - SOC) publiée le 05/06/2014

M. Yannick Botrel attire l'attention de Mme la ministre du logement et de l'égalité des territoires sur le fait que la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové vient remettre en cause les dispositions en vigueur, issues de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement s'agissant de la détermination des secteurs de taille et de capacité d'accueil limité (STECAL). En rendant « exceptionnel » le recours à cette possibilité, la loi du 24 mars 2014 met en difficulté les communes d'habitat historiquement dispersé, comme c'est le cas en Bretagne, dans lesquelles la grande majorité des habitations en zone agricole et en zone naturelle est désormais habitée par des tiers au regard de l'activité agricole. La loi du 24 mars 2014 aura pour conséquence de rendre impossible toute modification et extension de l'habitat existant. Par ailleurs, des communes sont aujourd'hui très avancées dans l'élaboration de leur futur document d'urbanisme (PLU) et voient remis en question le travail qu'elles ont effectué à ce sujet, parfois entamé depuis plusieurs années.
Il lui demande donc quelles mesures elle envisage afin de revenir aux dispositions précédemment introduites par la loi du 12 juillet 2010.

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Réponse du Ministère du logement et de l'égalité des territoires publiée le 09/07/2014

Réponse apportée en séance publique le 08/07/2014

M. Yannick Botrel. Madame la ministre, je veux avant toute chose vous dire l'incompréhension des élus des communes rurales face aux nouvelles dispositions en matière d'urbanisme concernant les hameaux et l'habitat dispersé. Je vous rappelle la situation créée par l'annulation du PLU de Châteauneuf-du-Rhône, qui a eu pour effet de rendre attaquables les plans locaux d'urbanisme au prétexte que les micro-zones ou pastillages des PLU n'avaient pas de fondement réglementaire, bien qu'ils aient été institués jusqu'à cette époque sur la recommandation des services de l'État.

Afin de répondre à l'insécurité juridique dans laquelle se sont alors trouvé plongées un certain nombre de communes, la loi portant engagement national pour l'environnement, dite loi ENE, en matière de droit du sol, a ouvert la possibilité de créer en 2010 ces micro-zones sous la dénomination de « secteurs de taille et de capacité d'accueil limité », ou STECAL.

Le problème paraissait réglé à la satisfaction générale, jusqu'à l'adoption récente de la loi ALUR, qui a remis en cause ce qui avait été décidé seulement quatre ans plus tôt. Désormais, dans les zones naturelles ou agricoles, ce n'est qu'à titre exceptionnel - et j'insiste sur ce dernier terme - que le règlement du PLU peut délimiter des STECAL. Dans le contexte spécifique de la Bretagne, qui se caractérise par une dispersion de l'habitat, cette nouvelle législation soulève la question du devenir de la plupart des hameaux et des constructions isolées.

Or, cette dispersion de l'habitat est un fait ancien. Ainsi, dans les Côtes-d'Armor, une commune de 7 000 hectares compte 150 écarts - au sens que l'INSEE donne à ce terme - qui, sans aucune exception, figuraient tous sur le cadastre napoléonien de 1840. La situation actuelle est donc issue d'une organisation historique de l'espace, avec des constructions dispersées qui furent à l'origine des fermes, et qui ne le sont plus.

Désormais, en zones agricole ou naturelle, la loi prévoit donc seulement la possibilité d'effectuer un changement de destination ou une extension limitée à des bâtiments d'intérêt architectural ou patrimonial qui devront être désignés dans le règlement du PLU. Le dispositif ne peut être utilisé que de manière exceptionnelle et, par conséquent, se pose la question du devenir des autres constructions que celles qui viennent d'être décrites, et qui sont d'ailleurs les plus nombreuses. Ces dernières ne pourront plus faire l'objet que d'adaptations mineures, sans extension possible, même limitée.

Dans ces conditions, l'application de la loi ALUR peut conduire à s'interroger sur le devenir de l'habitat des communes concernées, telles que celles que l'on rencontre en centre Bretagne, dont le maintien de la population passe justement par la valorisation de tout cet habitat.

Enfin, des communes aujourd'hui très avancées dans l'élaboration de leurs futurs documents d'urbanisme - le PLU - voient remis en question le travail, parfois entamé depuis plusieurs années, qu'elles ont effectué à ce sujet.

Cette réflexion a occasionné des dépenses d'argent public et tout autant d'investissement des élus locaux, auxquels on vient aujourd'hui expliquer que le travail qu'ils ont fourni n'a servi à rien et qu'il est à refaire...

Je souhaite donc connaître votre analyse de cette question, madame la ministre, et savoir si vous envisagez des mesures afin de revenir aux dispositions précédemment introduites par la loi ENE.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires. Monsieur le sénateur Yannick Botrel, vous avez appelé mon attention sur les récents changements concernant les possibilités offertes pour la construction en zone naturelle et agricole, notamment en ce qui concerne la nouvelle écriture de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme.

Comme vous le savez, le code de l'urbanisme porte depuis toujours des objectifs de densification, de lutte contre l'étalement urbain et de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Les zones naturelles et agricoles sont en principe inconstructibles, ce qui est cohérent avec les ambitions portées par ce code.

Il existe cependant des mécanismes d'exception qui permettent la construction dans ces zones de façon encadrée. Ainsi, la création de secteurs constructibles en zone agricole, naturelle ou forestière est possible, mais elle doit être envisagée de manière exceptionnelle afin d'éviter le mitage des espaces que l'on cherche à protéger de l'urbanisation.

Par ailleurs, l'avis de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles, ou CDCEA, doit à présent être sollicité quant à la création de tels secteurs lors de l'élaboration des PLU.

Néanmoins, le bâti remarquable - du fait de son architecture ou du patrimoine culturel qu'il représente - peut faire l'objet de changement de destination et même d'extension lorsqu'on se trouve en zone A. Quant au reste des bâtiments à usage d'habitation déjà implantés dans les zones naturelles et agricoles, ils peuvent faire l'objet de réfections et d'adaptations. Mais l'extension et le changement de destination ne sont pas possibles pour ces bâtiments.

Je suis toutefois sensible à vos préoccupations, monsieur le sénateur, et je note les difficultés potentielles que cette impossibilité soulève, difficultés que vous avez largement évoquées dans votre question.

Une réflexion est actuellement menée, conjointement avec le ministère de l'agriculture, dans le cadre de la loi d'avenir pour l'agriculture, afin d'étendre les possibilités offertes aux bâtiments remarquables à l'ensemble des bâtiments existants en zone agricole et naturelle. Ces réflexions permettront d'améliorer la situation que vous avez évoquée dans votre question.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse ; elle avait plutôt mal commencé, de mon point de vue, mais elle se conclut de façon plus favorable... (Sourires.)

En effet, la question n'est pas de consommer des terres agricoles pour le plaisir - d'ailleurs, tout le monde s'accorde pour dire qu'il ne faut pas s'orienter dans cette direction.

Mais, dès lors que, dans un village, des habitations existent et que l'on parle d'extension limitée, de quarante mètres carrés - surface que les PLU prévoyaient généralement-, on ne peut véritablement parler de consommation de terres agricoles.

Quant au mitage, je l'ai expliqué, c'est un fait que je n'accepte pas pour la Bretagne ; nous sommes parvenus à un degré de dispersion de l'habitat historique, et il ne faudrait pas l'accroître.

Mais j'en reviens à votre conclusion, dont je pense qu'elle ouvre des possibilités si, du moins, elle est suivie d'effets.

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