Question de Mme BENBASSA Esther (Val-de-Marne - ECOLO) publiée le 06/06/2014

Question posée en séance publique le 05/06/2014

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adressait à M. le ministre de l'intérieur.

Cela a été dit, l'antisémitisme en France est désormais sur une pente meurtrière. Les attentats de Toulouse, puis de Bruxelles l'ont démontré. Leurs protagonistes, l'un avéré, l'autre présumé, ont suivi des parcours similaires : sortie prématurée du milieu scolaire, petite délinquance, radicalisation islamique en prison, voyages d'initiation au djihad au Moyen-Orient. Ils symbolisent le lien coupé avec la société française.

Leur dérive nous interpelle sur l'école, sur les modalités d'encadrement de nos jeunes, sur ces mouvements de jeunesse qui ne remplissent plus leur rôle, qui sont inaptes à pallier la déstructuration du modèle familial patriarcal dont sont en principe issus ces futurs djihadistes, endoctrinés dans la haine du Juif et d'Israël au nom d'un islam extrémiste ingurgité sur internet, et gagnant bientôt l'Orient, où cet endoctrinement se double d'un apprentissage du terrorisme.

Si les mesures annoncées hier par le ministre de l'intérieur au conseil des ministres sont nécessaires, la question que soulèvent ces actes terroristes n'est pas seulement d'ordre sécuritaire.

Le djihadisme new age, en France, est d'abord un problème sociétal. La prison en est devenue le réservoir. L'abandon à soi-même, la promiscuité, la fréquentation de salafistes fraîchement convertis y préparent au pire, quand une peine de probation éviterait à certains le passage par la case « prison » pour de petits délits. La future réforme pénale aidera peut-être à résoudre au moins cet aspect des choses.

Le diagnostic sociologique étant posé, les regains actuels d'un antisémitisme polymorphe ne peuvent pourtant que raviver, chez les juifs et chez tous les démocrates, la mémoire du génocide qui a annihilé 6 millions d'entre eux en Europe, dont 73 000 en France. Intolérable, cet antisémitisme, comme l'islamophobie, la xénophobie et tous les racismes, doit être combattu par tous les moyens.

Ces actes antisémites ne peuvent être ramenés à une affaire entre juifs et musulmans. Les arabo-musulmans de France eux-mêmes pâtissent, par réaction, d'une aggravation du rejet indistinct et injuste dont ils sont déjà victimes. En fait, ce sont nos sociétés, démocratiques, libres, progressistes, que ces actes prennent pour cible et déstabilisent.

Les discours d'apaisement et les messages de sympathie ne suffisent plus. Que compte faire le Gouvernement pour changer la donne en profondeur et rétablir les conditions d'un vivre ensemble acceptable ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mmes Éliane Assassi, Nicole Bricq, Hélène Conway-Mouret et Muguette Dini applaudissent également.)

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement publiée le 06/06/2014

Réponse apportée en séance publique le 05/06/2014

M. Jean-Marie Le Guen,secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, lorsqu'un homme entre dans un musée et abat froidement quatre innocents avec pour seul mobile la haine du peuple juif, le Gouvernement et la représentation nationale sont soulevés, comme tous les citoyens français, par l'indignation. C'est le sens de votre intervention.

Je veux donc, à mon tour, adresser aujourd'hui aux communautés juives de Belgique et de France frappées par le deuil, et que ces individus odieux voudraient condamner à vivre dans la peur, un message de soutien fraternel, de solidarité et de compassion.

À l'heure où nous rendons hommage aux victimes, il nous faut aussi, vous avez raison, insister sur la dimension de violence extrême qui s'attache à ces actes et qui doit nous mobiliser tous, autour des valeurs de notre société.

Au nom du Gouvernement, je tiens à vous assurer d'abord de notre fermeté absolue dans le combat que nous livrerons contre ces menaces, en coopération avec nos partenaires européens, dans la lutte contre cette barbarie moderne. Les auteurs d'actes antisémites doivent savoir qu'ils seront inlassablement traqués, retrouvés et punis.

Vous l'avez rappelé, le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, a présenté en conseil des ministres le 23 avril dernier un arsenal de mesures destinées à éradiquer la menace terroriste en France. Mais, vous avez raison, l'affaire Nemmouche démontre le danger que recèlent les prisons : celles-ci peuvent devenir des lieux de radicalisation faisant des petits délinquants les pires terroristes. La prison est indéniablement, aujourd'hui, propice à la diffusion du message radical. La fragilité psychologique de certains détenus et la promiscuité favorisent les prosélytismes de toutes sortes.

C'est pourquoi le ministère de la justice et le ministère de l'intérieur préparent une série de mesures ambitieuses destinées à renforcer l'action des services de renseignement pénitentiaire, à améliorer le recrutement et la formation des aumôniers, notamment musulmans - les tentatives d'amalgame qui sont faites à propos de la religion musulmane sont inacceptables, car nous savons très bien que les terroristes travestissent la nature de cette religion -, pour que ces aumôniers soient des imams formés aux principes civiques et citoyens qui sont ceux de l'islam de France. Il s'agit enfin de prendre en charge les individus radicalisés au terme de leur détention.

Vous l'avez dit à juste titre, madame la sénatrice, au-delà de ces aspects de surveillance et de répression, il y a un combat permanent à mener dans la société tout entière. Les technologies modernes, notamment internet, soulèvent des questions. On assiste également à une résurgence de la propagande. Il y a quelques mois, l'affaire Dieudonné a démontré la résolution du Gouvernement à lutter contre ce phénomène.

Madame la sénatrice, au moment où la situation est grave, la volonté du Gouvernement s'exprime par un combat déterminé et global contre l'antisémitisme, la violence et le terrorisme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, du RDSE et de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées de l'UMP.)

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