Question de M. VAUGRENARD Yannick (Loire-Atlantique - SOC) publiée le 22/05/2014

M. Yannick Vaugrenard attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les associations d'aide aux victimes d'infractions et de médiation pénale. En effet, aujourd'hui, ces associations conventionnées par le ministère de la justice connaissent, pour la plupart, des situations financières qui mettent en péril leur activité d'intérêt général.
Le recul de leur niveau de subventionnement, conjugué à la baisse des demandes de « prestations » émanant des procureurs, privent ces associations des moyens nécessaires à l'accomplissement de leur mission d'aide, de médiation et d'administration ad hoc.
Compte tenu de la politique du Gouvernement qui place la justice au cœur de ses priorités, il lui demande quelles mesures peuvent être envisagées afin de permettre à ces associations de maintenir leurs activités et leurs emplois.
Par ailleurs, il lui demande quelle est sa position quant à l'instauration d'une amende additionnelle à l'amende pénale demandée aux auteurs d'infractions et dont le produit serait au bénéfice de ces associations. Cette solution, qui semble donner satisfaction, par exemple, au Québec, n'augmenterait pas le budget de l'État.

- page 1165


Réponse du Ministère de la justice publiée le 09/07/2014

Réponse apportée en séance publique le 08/07/2014

M. Yannick Vaugrenard. Avant toute chose, je tiens, madame la garde des sceaux, à vous exprimer mon soutien le plus vif face aux accusations proférées à votre encontre par l'ancien Président de la République, aujourd'hui mis en examen. Je suis convaincu que les propos tenus par l'ancien chef de l'État, remettant en cause, d'une certaine manière, l'indépendance de la justice, sont condamnés, toutes tendances politiques confondues, par la majorité des membres de la Haute Assemblée.

M. Éric Bocquet. Très bien !

M. Yannick Vaugrenard. Je souhaite vous interroger sur le financement des associations d'aide aux victimes.

Je tiens à revenir, d'abord, sur l'historique de cette question. En juillet 2012, je vous avais écrit, madame la garde des sceaux, afin de vous interroger sur la situation financière de ces associations et sur les aides consenties par le ministère de la justice. Au mois d'août de la même année, vous m'indiquiez avoir demandé à vos services de procéder à l'examen de ce dossier dans les meilleurs délais. N'ayant reçu aucune réponse depuis lors, je m'adresse directement à vous aujourd'hui.

Les associations d'aide aux victimes sont présentes sur tout le territoire et sont fédérées par l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation, l'INAVEM. Vous le savez, leurs actions sont fondamentales pour les victimes ; ces associations assurent une mission tout à fait complémentaire des missions de la police et de la justice. La plupart d'entre elles ont d'ailleurs une permanence dans les commissariats, afin d'apporter une aide psychologique aux victimes d'infractions.

Aujourd'hui, les baisses successives des subventions accordées mettent en péril leur avenir. C'est le cas, en particulier, pour l'association Prévenir et Réparer, compétente dans le ressort du tribunal de grande instance de Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique. Mais le problème, vous l'aurez compris, est global. Les missions d'aide, de médiation et d'administration de ces associations sont menacées par le manque de moyens.

Je sais que le Gouvernement a placé la justice au cœur de ses priorités, et je m'en félicite. Le financement des associations d'aide aux victimes en constitue, d'une certaine manière, le bras armé. C'est pourquoi je souhaite savoir, madame la garde des sceaux, quelles mesures vous envisagez de prendre pour leur permettre de continuer à exercer leurs missions d'intérêt général dans les meilleures conditions.

Par ailleurs, je souhaiterais connaître votre position sur la proposition, pour moi tout à fait pertinente, de l'INAVEM, relative à l'instauration d'une amende pénale infligée aux auteurs d'infractions, dont le produit serait affecté aux associations dont nous parlons. Cette disposition est actuellement en vigueur au Québec et semble y donner satisfaction, notamment parce qu'elle n'affecte pas le budget de l'État.

Si les amendes pénales étaient augmentées de 1,5 %, les auteurs d'infractions participeraient au financement des services d'information juridique et de soutien psycho-social, qui sont offerts gratuitement aux victimes. Je souhaiterais donc avoir votre point de vue sur cette proposition, madame la garde des sceaux, et vous remercie de l'attention que vous voudrez bien lui apporter.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je vous remercie pour vos mots de soutien extrêmement justes, auxquels, au-delà des rangs de la majorité, doivent normalement s'associer tous ceux qui sont soucieux du bon fonctionnement de l'institution judiciaire.

Vous m'interrogez sur la politique du Gouvernement en matière d'aide aux victimes, entre autres actions précises. Tout d'abord, alors que, sous le précédent quinquennat, on a sans arrêt entendu parler des victimes, le budget consacré à ces dernières a baissé pendant quatre années consécutives.

J'ai donc pris la décision, dès notre première année de responsabilité budgétaire, c'est-à-dire pour 2013, d'augmenter de 25,8 % le budget de l'aide aux victimes. Cette année encore, en 2014, il a connu une hausse de 7 %. Ce budget est donc passé de 10 millions d'euros à notre arrivée au Gouvernement à 13,8 millions d'euros aujourd'hui.

Par ailleurs, monsieur le sénateur, j'ai eu le souci d'ouvrir des bureaux d'aide aux victimes dans tous les tribunaux de grande instance. Pour la seule année 2013, cent ont été ouverts ou consolidés, alors qu'il n'en existait que cinquante auparavant. À la fin du premier semestre 2014, notre objectif d'un bureau d'aide aux victimes dans chacun des tribunaux de grande instance sera atteint.

En outre, le Gouvernement s'est engagé sur le quatrième plan de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes. Dans ce cadre, nous avons dédié une enveloppe supplémentaire de 1,4 million d'euros au soutien aux associations locales intervenant dans l'aide aux victimes. Cette enveloppe a été transmise aux cours d'appel, les chefs de juridiction devant décider de l'attribution de cette dotation aux associations locales, pour subventionner leurs projets.

Ces interventions ne sont pas exclusives d'autres financements ou d'autres instruments de l'État. J'appelle ainsi votre attention sur le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD, dont 75 % du budget était consacré à la vidéosurveillance lors de notre arrivée aux responsabilités. Nous avons inversé le ratio, pour favoriser la présence et l'intervention humaines. En 2014, dans le cadre des trois programmes d'actions de la stratégie nationale de prévention de la délinquance, le FIPD contribuera donc essentiellement au financement des interventions humaines, dont pourront profiter les associations locales.

J'en viens aux charges qui résultent des missions judiciaires confiées à ces associations, comme l'aide aux victimes, la médiation pénale ou l'administration ad hoc. Ces charges relèvent de l'enveloppe dédiée aux frais de justice, dont les tarifs sont déterminés par le code de procédure pénale.

Néanmoins, portant une attention particulière aux victimes, j'ai demandé à l'administration d'être vigilante sur le règlement de ces frais par les régies de juridiction ou par les services administratifs régionaux des cours d'appel.

Par ailleurs, j'ai demandé à l'administration de mettre en œuvre un plan d'actions - il est en place depuis plus d'un an désormais -, afin de faciliter le règlement des frais par le regroupement des missions, la simplification du circuit de dépense et le raccourcissement des délais.

Pour répondre à votre dernière question, j'indique que le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines a institué une majoration de l'amende prononcée par des juridictions répressives.

Enfin, vous indiquez m'avoir écrit, monsieur le sénateur. Si les associations de votre département connaissent des problèmes particuliers, n'hésitez pas à alerter directement l'administration, qui assure une vigilance continue sur ces sujets. Vous pouvez, pour ce faire, passer par l'intermédiaire de mes deux conseillers parlementaires.

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Madame la garde des sceaux, je vous remercie de cette réponse très complète.

Vous l'avez souligné, le budget de l'aide aux victimes a augmenté de 25 % alors qu'il avait diminué au cours des années précédentes. Il était, me semble-t-il, utile de le rappeler.

Je salue également la hausse des dotations en faveur des bureaux d'aide aux victimes et la revalorisation, à hauteur de 1,4 million d'euros, des crédits aux associations.

J'avais eu connaissance d'un amendement déposé quant à un dispositif inspiré de la pratique en vigueur au Québec, qui a fait ses preuves.

Vous nous avez annoncé trois bonnes nouvelles. La première concerne les associations, qui effectuent un travail considérable et jouent un rôle essentiel pour le fonctionnement de notre justice et, plus généralement, de notre démocratie. La deuxième se rapporte à l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation, qui regroupe l'ensemble de ces associations ; c'est un encouragement à leur égard dont je vous remercie, d'autant qu'elles travaillent dans des conditions parfois difficiles. Et la troisième s'adresse directement aux victimes.

Je me permets en conséquence de vous adresser trois remerciements. (Mme la garde des sceaux sourit.)

- page 5774

Page mise à jour le