Question de M. BOURQUIN Christian (Pyrénées-Orientales - RDSE) publiée le 15/05/2014

M. Christian Bourquin attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la situation préoccupante de l'apiculture en Languedoc-Roussillon.

Depuis plusieurs années, la mortalité des colonies d'abeilles, due notamment aux produits phytosanitaires et à l'invasion du frelon asiatique, entraîne une forte diminution de la production et remet en question le devenir des producteurs. Après une année 2013 très difficile, les 3 400 apiculteurs du Languedoc-Roussillon s'apprêtent à vive une année 2014 encore plus compliquée. L'enjeu est double. Rebaptisées, à juste titre, « sentinelles de l'environnement », les abeilles jouent un rôle capital dans la préservation de la biodiversité, notamment grâce à leur action de pollinisation des plantes.

D'un autre côté, sur le plan économique, le Languedoc-Roussillon est la deuxième région française en matière de production annuelle de miel, soit 1 500 tonnes et un chiffre d'affaires d'environ dix millions d'euros.

Au regard de ces données, il lui demande quelles mesures il compte mettre en œuvre pour soutenir la filière à court et moyen terme, afin de soutenir les producteurs de miel.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 18/06/2014

Réponse apportée en séance publique le 17/06/2014

M. Christian Bourquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur un fait a priori anodin : les abeilles et leur mortalité.

La mortalité des colonies d'abeilles est en hausse constante depuis de nombreuses années. La responsabilité en incombe, à coup sûr, aux produits phytosanitaires et, dans une moindre mesure, à l'invasion du frelon asiatique.

Ce taux de mortalité n'est pas insignifiant. Dans le département des Pyrénées-Orientales, département qui, riche de ses 226 communes et 400 000 habitants, m'a élu sénateur, 1 300 ruches environ ont disparu au cours de l'hiver dernier. Et ce n'est, mes chers collègues, qu'un cas parmi d'autres !

Cette situation est dramatique, et la question que je pose aujourd'hui doit être entendue comme un cri d'alarme.

Les abeilles, sentinelles de l'environnement, jouent, chacun le sait, un rôle capital dans la préservation de la biodiversité. Si les solutions à apporter sur le plan environnemental reposent essentiellement sur les épaules de la ministre de l'écologie - je l'invite d'ailleurs à accorder à ce problème majeur toute son attention -,c'est sur vous, monsieur le ministre de l'agriculture, que nous comptons pour traiter la dimension économique de ce fléau.

Ce fléau, en effet, entraîne une forte diminution de la production de miel et remet en question le devenir des producteurs. Après une année 2013 déjà très difficile, les 3 400 apiculteurs de ma région - telle qu'elle existe aujourd'hui et continuera très certainement d'exister demain (Sourires.) -s'apprêtent à vive une année 2014 encore plus compliquée.

Pourtant, il s'agit d'une filière d'une importance majeure pour le Languedoc-Roussillon, qui produit plus de 1 500 tonnes de miel chaque année, ce qui en fait la deuxième région française en la matière. Le chiffre d'affaires de la filière n'est pas anodin pour la région, puisqu'il représente une bonne dizaine de millions d'euros par an.

Bien entendu, monsieur le ministre, vous avez déjà entrepris certaines actions, à travers notamment le comité stratégique pour l'apiculture, qui devait investir environ 40 millions d'euros dans la filière.

Mais il y a un hic. J'ignore si ces fonds sont insuffisants ; je ne sais pas non plus s'ils ont été bien répartis ou non. Ce qui est certain, en revanche, c'est que ni les producteurs, ni les élus de ma région, ni moi-même n'avons constaté de changements de nature à nous rassurer sur ces investissements et sur la survie de la filière. Les apiculteurs sont plus que jamais inquiets pour leur avenir ; la fin des abeilles précipitera la chute des hommes.

Dès lors, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer ce que vous comptez faire pour traiter ce problème d'apparence anodine, mais en réalité très complexe ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll,ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur - et président de conseil régional -, nous faisons les mêmes constats sur le rôle majeur des abeilles pour les écosystèmes et la biodiversité.

Au mois de février 2013, j'ai engagé un plan doté de 40 millions d'euros pour le développement d'une apiculture durable. Il s'agit de structurer la filière, d'engager des recherches sur les variétés d'abeilles, de mesurer les risques sanitaires que connaissent aujourd'hui ces insectes, de lutter contre les effets néfastes pour la préservation des espèces, de déclarer le frelon asiatique nuisible - avant mon arrivée au ministère, on ne pouvait pas lutter contre ce fléau - et d'organiser la production de miel en France, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Notre pays, qui consomme environ 40 000 tonnes de miel, en produit moins de 17 000 tonnes, et sa production est en baisse, ce que nous ne pouvons pas accepter, d'autant plus que nos importations proviennent non seulement de pays européens, mais également, et pour une part importante, d'autres régions du monde.

Nous devons donc redévelopper et restructurer la production de miel en France.

Pour en venir plus spécifiquement aux taux de mortalité des abeilles extrêmement importants, notamment dans le Sud, j'ai demandé que les épandages de phytosanitaires s'effectuent plutôt le soir, et non plus le matin. Certes, cela peut poser des problèmes aux agriculteurs, mais, et un avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail nous l'a confirmé, les abeilles, qui se repèrent par rapport au soleil le matin, sont directement touchées par les résidus déposés sur les différentes plantes ayant fait l'objet de traitements. Faire procéder aux épandages le soir est donc une avancée importante.

Ce matin, je vais présenter un grand projet sur l'agroécologie, avec un objectif de diminution des indices de fréquence de traitement phytosanitaire. Il s'agit, là encore, d'aller dans le sens de la préservation de la biodiversité.

Des mesures spécifiques restent à prendre pour faire face aux taux de mortalité récemment constatés, en particulier dans le sud de la France, par exemple en Ariège ou dans votre région. Certaines sont en cours, mais nous nous heurtons à certains obstacles. Des aides directes peuvent être versées. Nous essayons d'offrir un soutien à tous les apiculteurs qui en font la demande et de les aider à reconstituer les essaims qui ont été perdus.

Tout comme vous, je pense que le sujet n'a rien d'anodin. Un grand pays agricole comme la France doit aussi être un grand pays apicole. Les abeilles ont un rôle dans la pollinisation des arbres fruitiers et pour nombre d'autres productions agricoles comme les colzas. Il est nécessaire de les préserver et d'améliorer l'organisation. C'est l'objectif du plan.

Comme les 40 millions d'euros dont j'ai parlé partent dans la recherche ou dans l'organisation de la production, on ne les voit pas forcément, mais ils existent ! Nous devons, et c'est plus un projet à moyen terme, redresser la production de miel. La France ne peut pas continuer à perdre en tonnage et à importer, alors qu'elle a tout pour être une grande nation de production apicole et mellifère !

M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin.

M. Christian Bourquin. Monsieur le ministre, j'approuve l'ensemble de vos propos et je partage les ambitions qui sont les vôtres.

Toutefois, en tant qu'élu d'un département frontalier de l'Espagne, j'aimerais, sans le moins du monde sembler accuser nos voisins ibériques ou vouloir provoquer un incident dans cet hémicycle - appeler à une certaine vigilance. Des produits interdits en France, que nous utilisions par exemple voilà une dizaine d'années pour l'élevage des vaches, sont toujours commercialisés en Espagne, et il n'y a parfois qu'un kilomètre à faire pour se les procurer et s'en servir, ce qui crée d'énormes dégâts !

Tout cela mis bout à bout, cela commence à faire beaucoup... Continuons donc à agir ensemble, monsieur le ministre !

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