Question de M. WATRIN Dominique (Pas-de-Calais - CRC) publiée le 27/03/2014

M. Dominique Watrin attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'évolution inquiétante du numerus clausus et ses conséquences sur la désertification médicale. Lorsqu'il a été institué, en 1972, le nombre de nouveaux médecins avait été fixé à 8 558. Ces effectifs ont ensuite connu une chute vertigineuse, passant ainsi de 6 400 en 1980 à 3 583 en 1997. Depuis, le numérus augmente doucement, pour atteindre les 8 000 aujourd'hui, nous ramenant à peu près à la moyenne des années 1970. La France se classe donc parmi les derniers pays de l'Organisation de coopération et développement économiques (OCDE) avec six diplômés par tranche de 100 000 habitants lorsque la moyenne des pays de l'OCDE se situe à 9,6 %, soit 60 % de plus. La question des moyens humains se pose avec d'autant plus d'acuité en région Nord-Pas-de-Calais, qui connaît une situation sanitaire préoccupante. Alors que les habitants du Nord-Pas-de-Calais ont l'espérance de vie à la naissance la moins élevée des régions métropolitaines, la région pâtit également d'un sous-effectif très net des hospitalo-universitaires de la faculté de médecine de Lille par rapport à des facultés de taille équivalente (93,08 professeurs d'université-praticiens hospitaliers pour une moyenne nationale à 133,23). D'autant que la plupart des diplômés en médecine de cette faculté ne s'installent pas dans la région pour exercer. Par ailleurs, la vocation universitaire du futur pôle hospitalier de la Gohelle à Lens doit être affirmée avec force afin de créer des conditions nouvelles pour fixer des spécialistes sur ce territoire qui en manque cruellement. Il demande donc à la ministre quelles actions elle compte entreprendre pour rééquilibrer cette situation et conforter la vocation universitaire du futur pôle hospitalier de la Gohelle.

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Transmise au Ministère des affaires sociales et de la santé


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie publiée le 28/05/2014

Réponse apportée en séance publique le 27/05/2014

M. Dominique Watrin. Madame la secrétaire d'État, fixé à 8 500 à sa création, le numerus clausus des médecins a atteint son plancher en 1993, au niveau de 3 500, avant de remonter progressivement pour s'établir à 8 000 aujourd'hui.

Pourtant, le numerus clausus semble un outil de régulation peu pertinent puisqu'il est désormais contourné par le principe de libre circulation dans l'espace européen. En effet, 24 % des médecins inscrits au tableau de l'Ordre en 2013 ont un diplôme étranger.

Nous prenons acte des mesures adoptées dans le pacte territoire-santé. Ce dernier prévoit la signature de 1 500 contrats d'engagement de service public d'ici à 2017. Toutefois, l'amélioration qui en résultera ne représente que 0,7 % de l'effectif actuel des généralistes, quand, selon les prévisions, le nombre de ces médecins devrait décliner beaucoup plus fortement.

La question de la démographie médicale se pose avec plus d'acuité encore dans la région Nord-Pas-de-Calais, compte tenu de sa situation sanitaire préoccupante, avec 70 % de surmortalité évitable, mais aussi de fortes disparités infrarégionales : par exemple, la démographie médicale est supérieure de 27 % à la moyenne nationale sur la Métropole-Flandre-Lys, mais inférieure de 27 % sur l'Artois-Douaisis. Avec 90,9 médecins généralistes pour 100 000 habitants, le bassin minier est largement en dessous de la moyenne nationale, laquelle est de 112. Le déficit est encore plus accusé pour les médecins spécialistes. Ainsi, le nombre de cardiologues et d'ophtalmologistes est inférieur de 32 à 50 % à la moyenne nationale.

Le Nord-Pas-de-Calais pâtit aussi d'un sous-effectif très net des hospitalo-universitaires, avec 93 professeurs d'université-praticiens hospitaliers, pour une moyenne nationale qui s'élève à 133. En réalité, le Nord-Pas-de-Calais est victime des choix des gouvernements successifs. Cette région de 4,5 millions d'habitants ne compte qu'un seul CHU. Pis, il n'y en a aucun dans le Pas-de-Calais, malgré ses 1 450 000 habitants !

Dans ces conditions, la vocation universitaire du futur pôle hospitalier de la Gohelle à Lens devrait être affirmée avec force, afin de créer des conditions nouvelles pour fixer des spécialistes sur ce territoire et pour créer des liens attractifs avec les centres de santé du régime minier, lesquels, ouverts à toute la population, constituent un véritable atout en termes d'accès aux soins de premier recours.

Madame la secrétaire d'État, avez-vous la volonté politique de rééquilibrer la situation en matière de démographie médicale et de conforter la vocation universitaire du futur pôle hospitalier de la Gohelle ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir attiré l'attention de Mme Marisol Touraine sur le niveau dunumerus clausus et sur ses conséquences sur l'offre sanitaire en région Nord-Pas-de-Calais.

Le doublement du numerus clausus des étudiants en médecine de 1999 à 2014 a permis d'affecter des postes supplémentaires dans les régions où la densité médicale était inférieure à la moyenne nationale. Ainsi, dans le Nord-Pas-de-Calais, le numerus clausus a été doublé entre 1999 et 2010 et s'établit, en 2014, à 552 places.

Pour autant, compte tenu de la durée des études de médecine, comprise au minimum entre neuf et onze ans selon la spécialité choisie, les effets de la hausse du numerus clausussont nécessairement décalés dans le temps. Par ailleurs, il convient de considérer qu'il s'agit ici d'une régulation territoriale des flux de formation, qui ne permet pas à elle seule d'assurer une répartition équilibrée des professionnels de santé, au regard de la liberté d'installation dont jouissent ces derniers tant sur le plan géographique qu'en termes de mode d'exercice - hospitalier ou libéral, en particulier.

À la fin de l'année 2012, le Gouvernement a lancé le pacte territoire-santé, que vous avez évoqué, afin de disposer d'un certain nombre de leviers incitatifs pour lutter contre les déserts médicaux et les inégalités d'accès aux soins.

Dans ce cadre, le contrat d'engagement de service public permettra notamment de verser à des étudiants ou internes en médecine ou en odontologie une allocation de 1 200 euros par mois en contrepartie de leur engagement à exercer pendant au moins deux ans dans une zone géographique jugée déficitaire en professionnels de santé. Pour l'année universitaire 2013-2014, ce sont 290 contrats qui ont été signés, dont 12 pour la région Nord-Pas-de-Calais.

Le contrat de praticien territorial de médecine générale a quant à lui pour objet de favoriser l'activité de jeunes médecins dans les territoires manquant de professionnels de santé, en sécurisant leurs deux premières années d'installation par une garantie de revenus et une protection sociale améliorée.

Afin de garantir un accès aux soins urgents en moins de trente minutes, le nombre de médecins correspondants du SAMU a également considérablement évolué, passant de 150 en 2012 à 650 en 2014.

Par ailleurs, vous soulignez le déficit d'effectifs hospitalo-universitaires de la faculté de médecine de Lille. Dans un cadre budgétaire contraint ne permettant aucune création d'emploi, la révision des effectifs hospitalo-universitaires au titre de l'année 2014 a néanmoins conduit à la transformation, au centre hospitalier et universitaire de Lille, d'un emploi de maître de conférences des universités-praticien hospitalier en un emploi de professeur des universités-praticien hospitalier dans la discipline pédopsychiatrie.

Enfin, vous souhaitez que la vocation universitaire du futur pôle hospitalier de la Gohelle à Lens soit affirmée afin de rendre celui-ci attractif pour des médecins spécialistes. Le Gouvernement est particulièrement attentif aux actions actuellement engagées, permettant d'assurer la pérennité du centre hospitalier de Lens, avec un nécessaire retour à l'équilibre financier. Le développement de coopérations avec l'Association Hospitalière Nord Artois Cliniques ainsi qu'avec les centres hospitaliers du territoire de l'Artois-Douaisis permettra de dimensionner le futur pôle de la Gohelle et d'organiser une offre de soins cohérente et équilibrée. Les relations avec le CHU de Lille devront également permettre de déterminer les conditions de participation de ce futur pôle aux missions hospitalo-universitaires d'enseignement et de recherche.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Madame la secrétaire d'État, vous avez précisé que lenumerus clausus avait été doublé sur une période de plusieurs années, mais, dans le même temps, vous avez reconnu que ce dispositif ne permettait pas d'assurer une régulation équilibrée, en particulier dans des territoires comme le Pas-de-Calais, qui accuse des déficits importants en termes de démographie médicale. Pourquoi aucune mesure plus incitative, voire un peu plus directive, n'est-elle prise pour corriger ces inégalités ?

Vous avez soulevé la question des leviers incitatifs, évoquant notamment les 1 500 contrats d'engagement de service public qui doivent être signés. Mais il faut savoir que des projections à l'horizon 2018 ont établi que plus de la moitié de l'enveloppe prévue serait nécessaire pour compenser les déficits démographiques estimés pour la seule région parisienne ! Autant dire que les mesures annoncées sont insuffisantes pour régler la question, notamment sur mon territoire.

Dans votre réponse, vous avez indiqué que des efforts de recherche clinique seraient déployés sur le pôle hospitalier de la Gohelle, et qu'une relation devait être construite avec le CHU de Lille. Je pense que l'on reste en deçà de ce que l'on pourrait attendre : dans la mesure où le centre hospitalier de Lens développera ses activités dans trois secteurs - la neurologie, la cardiologie et la pneumologie -, l'enjeu est de fixer des spécialistes de ce CHU à Lens.

Au reste, vous n'avez pas du tout répondu sur les centres de santé. Le temps m'est compté, mais je veux rappeler combien ces centres sont importants pour ce territoire, en termes d'accès aux soins et compte tenu des difficultés financières des populations. Il y a là aussi un lien à construire, cette fois avec l'hôpital de Lens. Il s'agit de renforcer ces centres de santé, auxquels il faut véritablement donner une priorité de développement, en les aidant à fixer des spécialistes.

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