Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 20/03/2014

M. Jean Louis Masson attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le fait que plusieurs de ses questions écrites, relatives aux inéligibilités et aux incompatibilités lors des élections municipales, n'ont pas obtenu de réponse avant la clôture des inscriptions du 6 mars 2014.
Il lui demande, en conséquence, si les inéligibilités au conseil municipal liées à la fonction occupée par le candidat doivent être soulevées par le préfet au moment de l'inscription. Dans la négative, il souhaite savoir si, dans l'hypothèse où la personne est élue, le préfet a l'obligation de saisir le tribunal administratif ou s'il peut « fermer les yeux » et s'abstenir de toute action. Par ailleurs, en ce qui concerne les incompatibilités prévues à l'article L. 237 du code électoral, il est prévu que le candidat élu doit normaliser sa situation dans le délai de dix jours et qu'à défaut, il doit être déclaré démissionnaire d'office. À l'expiration du délai de dix jours, si l'intéressé ne s'est pas mis en conformité, il lui demande si le préfet peut, à tout moment, le déclarer démissionnaire d'office ou s'il ne dispose que d'un certain délai pendant lequel il est possible de le faire. Enfin, si le préfet n'agit pas immédiatement à l'expiration du délai de dix jours, il lui demande si tout électeur de la commune peut engager une action.
Dans ce cas, il souhaiterait connaître les diverses actions envisageables pour une telle action et leurs modalités : soit, par exemple, demande au préfet puis, en cas de refus de celui-ci dans le délai de deux mois (ou dans le délai abrégé prévu pour les contentieux électoraux), recours devant le tribunal administratif contre le refus du préfet ; soit, par exemple, saisine directe du tribunal administratif pour lui demander de déclarer la démission d'office et, dans ce cas, selon quel type de procédure et dans quel délai limite éventuel.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargé du numérique publiée le 16/04/2014

Réponse apportée en séance publique le 15/04/2014

M. Jean Louis Masson. Ma question s'adressait à M. le ministre de l'intérieur ; je suis donc un peu surpris de voir que sera la secrétaire d'État chargée du numérique qui va me répondre. Avec le gouvernement qui vient d'être nommé, c'est l'incohérence la plus totale dans la gestion des rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Je tiens à déplorer - je ferai un rappel au règlement sur ce point tout à l'heure - certaines situations de plus en plus déplaisantes, qui ne témoignent pas du respect que devrait avoir l'un vis-à-vis de l'autre.

Si je pose cette question orale, laquelle, je le rappelle, s'adressait à M. le ministre de l'intérieur, c'est parce que je n'ai pas obtenu de réponse à mes questions écrites précédentes. Il est absolument invraisemblable que des questions concernant les élections municipales n'aient pas trouvé de réponse avant la tenue de ce scrutin ! Quelle est l'utilité d'y répondre après ? Il y a quelques semaines, j'avais d'ailleurs déjà posé une question orale pour souligner le problème, à laquelle je n'ai pas non plus obtenu de réponse.

Je vous signale, madame le secrétaire d'État, que j'avais également rédigé une question écrite, qui porte le numéro 10062, concernant les incompatibilités. J'ai harcelé le cabinet du ministre de l'intérieur pour obtenir une réponse. Elle m'est parvenue fin février, sous la forme d'un courriel envoyé par le collaborateur parlementaire du ministre. J'en ai donc la preuve ! Cette réponse devait prétendument être transmise au Journal officiel pour publication, mais il n'en a rien été. En effet, le cabinet m'a finalement indiqué avoir changé d'avis à cause d'une intervention des syndicats de policiers : il préférait désormais ne pas répondre à cette question ! Est-ce digne du Gouvernement que de prétendre d'abord que la réponse est prête, puis d'arranger les bidons pour ne pas y répondre ? Vivons-nous dans une République bananière ?

C'est la moindre des choses de répondre à une question posée par un membre du Parlement ; c'est la moindre des choses de ne pas planquer la réponse alors même qu'elle est prête, tout cela parce qu'on se rend compte qu'elle pourrait peut-être poser problème. C'est d'autant plus scandaleux qu'elle portait non pas sur un problème politique, mais sur une difficulté d'application juridique. Elle visait seulement à savoir l'interprétation à donner à un point de droit.

J'ai dû sélectionner une question parmi toutes celles qui n'ont pas eu de réponse afin que vous puissiez réagir ce matin, madame le secrétaire d'État, vous qui représentez certainement avec pertinence le ministre de l'intérieur, dont je regrette très vivement l'absence.

Maintenant que les élections municipales sont passées, puis-je espérer obtenir une réponse à ma question écrite n° 10062 ou bien dois-je poser une question orale, une de plus, pour pallier les carences d'un gouvernement incapable de répondre correctement ? Je le répète, ce n'est pas une question politique ; je ne suis ni de droite ni de gauche ! Je demande simplement au Gouvernement de faire son boulot, tout comme les parlementaires doivent faire le leur. Le gouvernement précédent n'a pas fait son travail et, en n'envoyant pas au Sénat le ministre de l'intérieur ce matin, l'actuel ne fait pas non plus le sien.

Ma question porte sur les incompatibilités : pourquoi les préfets soulèvent-ils soudainement l'incompatibilité de certains dossiers et font-ils le mort sur d'autres ? De deux choses l'une : soit on engage des recours quand on estime qu'il y a incompatibilité, soit on ne le fait pas ! En tout état de cause, les choix faits par les préfets devraient être un peu plus cohérents. Quelque chose ne tourne pas rond dans la République !

Vous avez eu le détail de ma question écrite, et j'espère que vous saurez lire correctement la réponse qu'on vous a préparée. Ce que je demande, c'est une véritable clarification du rôle du préfet, notamment en matière d'incompatibilités, car on ne sait absolument plus où on en est.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur, je suis la - et non pas le - secrétaire d'État chargée du numérique, et je suis ici pour représenter le Gouvernement de la République. C'est donc au nom de M. le ministre de l'intérieur que je vais vous répondre.

Vous avez raison, votre question n'est pas de nature politique, elle est d'ordre juridique. C'est donc une réponse toute juridique que je vais vous apporter.

Les conditions d'enregistrement des candidatures des listes à l'élection municipale sont prévues par l'article L. 265 du code électoral. Vous le connaissez certainement, monsieur le sénateur, mais permettez-moi d'en rappeler le contenu : « Récépissé ne peut être délivré que si les conditions énumérées au présent article sont remplies et si les documents officiels visés au quatrième alinéa établissent que les candidats satisfont aux conditions d'éligibilité posées par les deux premiers alinéas de l'article L. 228. »

Le législateur n'impose donc pas au préfet de contrôler, lors du dépôt de candidature, le respect de règles non visées par l'article L. 265 dudit code, telles que celles prévues aux articles L. 230 concernant l'inéligibilité des majeurs sous tutelle ou curatelle, L. 231 relatif à l'inéligibilité fonctionnelle ou L. 273-9 portant sur la composition de la liste communautaire. C'est pourquoi le préfet est invité, lors du dépôt de candidature, dans le cas où des irrégularités manifestes lui apparaissent, à en avertir les candidats et à les inciter à modifier leur candidature, en insistant notamment sur les risques d'annulation de l'élection s'ils maintiennent leur candidature en l'état.

Lorsqu'un cas d'inéligibilité est connu de leurs services, les préfets sont tenus de déférer l'élection au juge électoral. Dans le cadre d'un contentieux électoral, le juge administratif peut sanctionner le non-respect des règles d'inéligibilité fonctionnelle.

Pour ce qui concerne les incompatibilités, l'article L. 237 du code électoral prévoit l'incompatibilité de certaines fonctions avec le mandat de conseiller municipal. Cette incompatibilité n'empêche pas la personne occupant une telle activité de se présenter au mandat de conseiller municipal. Toutefois, dans le cas où cette personne est élue, elle devra, dans un délai de dix jours, faire cesser l'incompatibilité, soit en démissionnant de son mandat de conseiller municipal, soit en mettant fin à la fonction incompatible.

L'article L. 237 du code électoral précise que, à défaut de déclaration adressée dans ce délai à son supérieur hiérarchique, la personne concernée est réputée avoir opté pour la conservation de son emploi. Selon la jurisprudence, cette personne ne peut donc plus, à compter de la date d'échéance de cette option, exercer son mandat de conseiller municipal. La perte du mandat étant automatique, le préfet n'a pas à déclarer l'intéressé démissionnaire d'office. Toutefois, l'arrêté du préfet qui prononcerait la démission d'office est sans autre effet juridique que de constater un état de droit existant.

Enfin, toute délibération du conseil municipal prise au cours de séances auxquelles des personnes étrangères, tel qu'un conseiller municipal ayant perdu son mandat, ont pris une part active, est entachée d'illégalité.

Voilà, monsieur le sénateur, la réponse juridique que nous pouvions faire à votre question.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Madame le ou la secrétaire d'État - c'est comme vous voulez, après tout, je ne suis pas contrariant -, c'est bien sympathique d'indiquer que l'intéressé n'est plus conseiller municipal car il est considéré comme démissionnaire d'office ; si personne ne fait rien, il peut continuer à siéger éternellement !

Le préfet doit faire respecter la loi. C'est très gentil d'avancer que le préfet n'a rien à faire, que la personne n'est plus censée participer aux réunions du conseil municipal, mais que se passe-t-il si elle continue de le faire ? Les préfets et les sous-préfets doivent bien servir à quelque chose. Dans certains arrondissements, les sous-préfets n'ont pas grand-chose à faire ; cela pourrait les occuper de vérifier que les conseils municipaux n'accueillent pas dans leurs réunions des personnes qui ne devraient pas y siéger.

Par ailleurs, madame le ou la secrétaire d'État, je voudrais insister : ce serait vraiment bien que le ministre de l'intérieur réponde à ma question écrite n° 10062, qui porte sur les incompatibilités. S'il a des problèmes pour ce faire, je peux lui communiquer la réponse qui avait été préparée par son prédécesseur et que son cabinet m'avait envoyée. Ainsi, il pourra peut-être la publier au Journal officiel !

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