Question de M. RAINAUD Marcel (Aude - SOC) publiée le 13/03/2014

M. Marcel Rainaud attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur la maladie du bois en viticulture, ses conséquences et sur l'importance de mener un projet de recherche fondamental.

Depuis l'interdiction de l'arsénite de sodium en 2002, produit de très haute toxicité humaine et environnementale, aucun traitement n'a été capable de lutter contre les maladies du bois de la vigne (l'eutypiose, l'esca et le « black dead arm » ou BDA).

Le taux de ceps contaminés n'a de cesse de progresser, entraînant entre 5 % et 10 % de pertes par an dans les parcelles, surtout dans les vignobles à faible rotation de plantation, à savoir, essentiellement, les appellations d'origine protégée (AOP), fleurons de la viticulture française.

Ces champignons constituent, avec la flavescence dorée, les dangers phytosanitaires les plus préoccupants pour les vignobles et l'absence de moyens de lutte directs s'ajoutant aux facteurs environnementaux très propices aux vecteurs, sont le « rocher de Sisyphe » des viticulteurs.

Aussi, désemparés, ceux-ci n'ont pour eux que des mesures prophylactiques : limiter les plaies de taille ; tailler mécaniquement la vigne ; arracher et brûler les serments touchés ; désinfecter leurs outils.

En conséquence, l'urgence, aujourd'hui, est de trouver des solutions durables pour maîtriser les maladies du bois de la vigne qui affectent lourdement le secteur agricole. Cinq projets de recherche ont été financés entre 2008 et 2012 mais les viticulteurs français ont besoin d'avancées urgentes de la recherche. La mise en commun des connaissances des chercheurs européens est, par conséquent, nécessaire.

Sans méconnaître la réponse qui a été précédemment apportée à sa question écrite n° 04501 (cf. Journal officiel du 8 août 2013 p. 2347), il aimerait savoir si le Gouvernement entend lancer, au niveau français et européen, avec l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et l'Institut français de la vigne et du vin (IFV) ainsi que les chambres d'agriculture, un grand projet alliant recherche publique fondamentale et recherche appliquée.

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Transmise au Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt


Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 07/05/2014

Réponse apportée en séance publique le 06/05/2014

M. Marcel Rainaud. Monsieur le ministre, jusqu'en 2001, l'arsénite de sodium, appelé communément pyralium, était le seul fongicide capable d'enrayer les maladies du bois de la vigne : l'eutypiose, l'esca et le BDA, ou black dead arm. Ce produit phytosanitaire cancérigène pour les vignerons et toxique pour l'environnement a été heureusement interdit ; depuis lors, aucun traitement curatif n'a été capable de lutter contre ces champignons.

En effet, si le mildiou peut faire des ravages, le traitement à la bouillie bordelaise, par exemple, est permis ; efficace, il préserve la récolte. Toutefois, l'eutypiose, l'esca et le BDA demeurent, et ils déciment les parcelles. Le taux de ceps contaminés ne cesse de progresser et, à partir de 20 %, c'est toute la parcelle qu'il faut arracher.

Ces champignons constituent, avec la flavescence dorée, les dangers phytosanitaires les plus préoccupants pour le vignoble. Des facteurs environnementaux étant très propices aux vecteurs, l'absence de moyens de lutte directs fait de ces champignons le rocher de Sisyphe des viticulteurs.

Aussi, désemparés, les viticulteurs n'ont pour eux que des mesures prophylactiques. Dans mon département, l'atelier bois et plants de vigne de la chambre d'agriculture de Palaja,- vous l'aviez visité et inauguré, monsieur le ministre, en 2012 - a mené des recherches fructueuses sur le traitement à l'eau chaude, portée à cinquante degrés, qui est le seul moyen préventif et biologique pour traiter les plants touchés par la flavescence dorée.

Concernant l'esca, les viticulteurs agissent également en limitant les plaies de taille, en arrachant et en brûlant les souches malades, ainsi qu'en désinfectant leurs outils.

Je cite les spécialistes : « L'esca, c'est le phylloxéra du XXIe siècle. Si on laisse faire, dans vingt ans, il n'y a plus de parcelles plantées en vigne ».

En conséquence, l'urgence est aujourd'hui de trouver des solutions durables pour maîtriser les maladies du bois de la vigne qui affectent lourdement le secteur viticole. Les viticulteurs français ont besoin d'avancées de la recherche, pour que celle-ci puisse proposer des outils fiables, rapides, non dangereux pour l'homme et l'environnement, économiques, rentables et simples d'utilisation.

La mise en commun des connaissances des chercheurs européens est par conséquent nécessaire.

Aussi, je souhaiterais, monsieur le ministre, avoir un état des lieux des projets de recherche en cours et vous demander si nous ne pourrions pas lancer, au niveau français et européen, avec l'INRA et l'Institut français de la vigne et du vin, un grand projet de recherche publique fondamentale.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll,ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je m'intéresse à ce sujet depuis que j'ai pris mes fonctions de ministre de l'agriculture ; vous l'avez rappelé, l'arsénite de sodium, qui était l'un des produits utilisés pour lutter contre ces maladies du bois, a été interdit, à juste titre, car il était cancérigène et causait des problèmes environnementaux.

À partir de là se présente une difficulté majeure : trouver des solutions de rechange. Notez que cette démarche vaut aussi bien dans le domaine de la vigne et de la maladie du bois que dans d'autres domaines, compte tenu des questions posées par les produits phytosanitaires et leurs solutions de substitution potentielles, en particulier celles qui sont liées à ce que l'on appelle aujourd'hui le biocontrôle, que je cherche à développer.

Vous l'avez très bien dit : il est nécessaire de chercher ces solutions de rechange. Le ministre que je suis, les sénateurs que vous êtes, vos collègues qui sont ici, tous, nous aimerions que l'on aille beaucoup plus vite et que l'on trouve des solutions... Néanmoins, il reste clair que, depuis mon arrivée, nous avons lancé ces recherches, ces appels à des partenariats publics et privés, à l'échelle européenne.

Le soutien à la recherche à travers le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » a été prolongé, notamment via un nouvel appel à projets doté d'un million d'euros. Cet appel a ainsi permis de retenir trois projets en 2013.

Le premier consiste à étudier l'agressivité des champignons impliqués dans les maladies du bois de la vigne et à comprendre le mode d'action de l'arsénite de sodium, afin de proposer de nouveaux moyens de lutte efficace.

Le deuxième projet porte sur les microflores pathogènes et protectrices du bois de la vigne, les réponses adaptatives de la plante et le développement de marqueurs de tolérance et de diagnostic.

Le troisième projet consiste à évaluer l'impact de techniques agricoles et des facteurs environnementaux pour prévoir les maladies du bois de la vigne et lutter contre elles.

Ces trois projets, portés par des partenariats publics-privés associant, pour chacun d'eux, l'Institut français de la vigne, seront conduits jusqu'en 2016.

Au sein de mon cabinet, comme dans mon administration, toutes ces recherches font l'objet d'un suivi. Nous œuvrons au maximum à la découverte de solutions de rechange, car, comme vous l'avez dit, ce sont aujourd'hui 5 % à 10 % du bois et des ceps de vigne qui sont touchés par ces maladies, mettant en cause nos capacités de production et la faculté des exploitants à dégager un revenu.

Nous faisons donc face à une urgence. La recherche des solutions adaptées dépend justement des moyens que nous mobilisons, ainsi que de la dynamique que nous sommes capables de créer. Monsieur le sénateur, sachez que je suis, comme vous, extrêmement attentif à trouver des solutions de rechange.

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rainaud.

M. Marcel Rainaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je disais que l'esca était le rocher de Sisyphe des viticulteurs. Je vois que vous en avez conscience, et les crédits que vous avez ouverts prouvent votre volontarisme. Souhaitons que ces recherches aboutissent et que le secteur viticole ne soit plus menacé.

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