Question de M. HUSSON Jean-François (Meurthe-et-Moselle - UMP-R) publiée le 13/03/2014

M. Jean-François Husson attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la nécessité de reprendre rapidement la négociation et le dialogue, afin d'abonder le financement des maisons de l'emploi.

Il rappelle qu'en pleine crise, le Gouvernement a fait le choix de réduire de presque de moitié le budget de ces maisons, démontrant, par là même, le peu de considération qu'il porte à la territorialisation des politiques de l'emploi et de l'insertion. Il craint que cette décision ne révèle la volonté de recentraliser les politiques de l'emploi, alors même que l'importance et l'efficacité de l'animation et du maillage local ne sont plus à démontrer et que l'État n'est pas en mesure de tenir ce rôle.

Les maisons de l'emploi, ancrées dans les territoires, implantées dans les bassins d'emplois urbains et ruraux, travaillant avec les collectivités et entreprises locales sont, en effet, un appui précieux voire indispensable de Pôle emploi. Il regrette donc le choix arbitraire d'assécher les budgets des maisons de l'emploi, choix qui ne s'appuie sur aucune évaluation de leur action et de leurs résultats.

Plutôt que de casser les dynamiques locales, il lui demande de lui indiquer quelles lui paraissent être les voies d'amélioration de l'efficacité des politiques de l'emploi.

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Transmise au Ministère du travail, de l'emploi et du dialogue social


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargé du numérique publiée le 21/05/2014

Réponse apportée en séance publique le 20/05/2014

M. Jean-François Husson. Madame la secrétaire d'État, en pleine crise de l'emploi, le Gouvernement a fait le choix, à l'automne 2013, de réduire de plus de moitié le budget des maisons de l'emploi, et ce sans concertation, les autorisations d'engagement étant passées de 54 millions d'euros en 2013 à 26 millions d'euros en 2014. La territorialisation des politiques de l'emploi et de l'insertion manque-t-elle à ce point d'intérêt pour justifier un tel sort ? C'est là, me semble-t-il, une nouvelle démonstration du peu de considération que le Gouvernement a pour ces dispositifs originaux et innovants, qui associent pourtant les collectivités locales à la politique de l'emploi, laquelle relève - faut-il le rappeler ? - de l'État. Il commence par trancher dans le vif, sans concertation ni évaluation, puis il faut presque le supplier pour reprendre la négociation et le dialogue ! C'est pratiquer la politique de l'autruche.

Sans doute allez-vous me dire, madame la secrétaire d'État, que le Gouvernement a augmenté de 7 % par rapport à 2013 les crédits qu'il consacre à l'emploi et à la lutte contre le chômage, tout en recentrant les missions financées. Mais en fonction de quels critères et pour quels résultats ?

Aujourd'hui, on recense plus de 180 maisons de l'emploi, dont le périmètre couvre plus de 10 000 communes, 20 millions d'habitants et plus de 1,5 million d'entreprises. Au total, 100 000 entreprises ont ainsi bénéficié de leurs actions.

Les maisons de l'emploi sont ancrées dans les territoires. Elles sont implantées dans les bassins d'emploi non seulement urbains, mais aussi ruraux. Mon département, la Meurthe-et-Moselle, en compte trois : la Maison de l'emploi du Grand Nancy, la Maison de l'entreprise, de l'emploi et de la formation en pays Terres de Lorraine, dans le Toulois, et la Maison territoriale pour l'emploi et la formation du Val de Lorraine.

Ces maisons travaillent en harmonie avec les collectivités et les entreprises locales. À ce titre, elles sont un appui« précieux de Pôle Emploi », selon l'Inspection générale des affaires sociales, qui souligne dans son rapport officiel du mois de septembre 2013 que les maisons de l'emploi « développent une fonction d'animation territoriale que l'État n'est plus à même de remplir ».

Dans ces conditions, comment osez-vous prendre le risque de casser les dynamiques locales mises en œuvre par ces maisons en asséchant leurs budgets, pour finalement, peut-être, et malheureusement, mieux les asphyxier ? Vous faites ainsi un choix qui dépasse l'entendement !

Pensez-vous que Pôle emploi pourra, seul, en 2015, soutenir les politiques de l'emploi, alors qu'il ne peut, seul, prendre en charge l'accueil et l'accompagnement des personnes concernées ?

Comment imaginer recentraliser les politiques de l'emploi, alors que l'importance et l'efficacité de l'animation et du maillage territorial ne sont plus à démontrer, surtout lorsque l'État n'est pas en mesure de remplir ce rôle ?

Non seulement ce pari du jacobinisme est peu respectueux de l'action mise en œuvre localement, mais il est également extrêmement dangereux. Évitez donc toute forme d'aveuglément au sujet des maisons de l'emploi. Je rappelle que votre décision d'assécher les budgets des maisons de l'emploi ne repose sur aucune évaluation ni de leurs actions ni de leurs résultats !

Il a fallu attendre l'arrêté du 18 décembre 2013 portant avenant au cahier des charges des maisons de l'emploi pour qu'une évaluation soit prévue, à l'échelon régional par le préfet et au plan national par le ministre chargé de l'emploi.

Je vous demande d'aller au bout de cette évaluation, madame la secrétaire d'État, et de reconnaître la complémentarité des actions des maisons de l'emploi avec celles des acteurs du service public de l'emploi.

Les missions confiées aux maisons de l'emploi sont certes inégales et diverses, selon leur territoire d'implantation. Ces maisons peuvent et doivent travailler davantage encore en réseau, mais la valeur ajoutée de leur action est indéniable.

Reconnaissez les maisons de l'emploi comme des acteurs indispensables du service public de l'emploi et révisez donc leur financement à la hausse, afin de conforter un dispositif qui donne satisfaction !

Nous avons aujourd'hui besoin de toutes les bonnes volontés et de toutes les énergies pour combattre le fléau du chômage. Confortons l'intelligence collective au service de l'emploi. Nous n'avons pas le choix ! L'efficacité de nos politiques publiques, notamment celle de l'emploi, repose plus que jamais sur le travail collaboratif entre tous les acteurs.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire,secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur, je vous prie également d'excuser l'absence du ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social, François Rebsamen. Comme je l'ai déjà indiqué, il rencontre actuellement les présidents de régions, qui sont au cœur des dispositifs de lutte contre le chômage.

Vous le savez, cette lutte est la priorité du Gouvernement, qui entend favoriser et encourager la création d'emplois dans les territoires. En 2014, cela se traduit par la croissance des crédits de la mission « Travail et emploi » de l'ordre de 7 % par rapport à 2013. Toutefois, cela ne nous exonère pas d'une réflexion sur le périmètre d'intervention de l'État, question que vous soulevez concernant les maisons de l'emploi.

L'ensemble des rapports récents présentés au Gouvernement relatifs à la contribution des maisons de l'emploi, et à la politique de l'emploi de manière plus globale, ont relevé le manque de clarté des missions confiées à ces structures. Elles sont hétérogènes, vous l'avez vous-même indiqué, selon les implantations territoriales et leur rôle semble devoir être clarifié, ce qui contredit la pertinence d'un soutien uniforme de l'État sur l'ensemble des territoires.

Dans ce cadre, la loi de finances pour 2014 a prévu une diminution de moitié des crédits destinés aux maisons de l'emploi. Ces crédits s'établissaient initialement à 26 millions d'euros, contre 54 millions d'euros d'autorisations d'engagement en 2013.

Notre objectif est de recentrer ce financement sur des actions ciblées, qualitatives, répondant à des besoins prioritaires sur les territoires. Il s'agit non seulement d'accompagner les mutations économiques, mais aussi de les anticiper, afin de contribuer au développement de l'emploi local. Mieux cibler pour être plus efficace en matière de lutte contre le chômage, voilà un objectif que vous pouvez partager, monsieur le sénateur.

En effet, la principale plus-value constatée des maisons de l'emploi consiste dans leur participation à des démarches de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, les GPEC, au plan territorial. C'est pourquoi le Gouvernement a soutenu le souhait des parlementaires de voir compléter les crédits de fonctionnement des maisons de l'emploi par une enveloppe supplémentaire de 10 millions d'euros destinée exclusivement à financer des projets relatifs à ces GPEC territoriales portés par les maisons de l'emploi. Le dialogue existe donc bel et bien, en particulier avec les parlementaires.

La répartition des enveloppes entre les régions a été arrêtée à la fin du mois de janvier dernier sur la base de critères non pas subjectifs, mais bien objectifs : la population couverte, les actions menées par les maisons de l'emploi sur les deux axes du nouveau cahier des charges auquel vous avez fait référence et la masse salariale de ces structures.

Pour ce qui concerne la répartition au sein des régions elles-mêmes, des orientations ont été adressées aux représentants de l'État dans les régions, aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi- les DIRRECTE -, afin de leur permettre d'affecter les crédits aux maisons de l'emploi, là aussi sur la base de critères objectifs préalablement définis, notamment celui de la plus-value identifiée de chacune des maisons, ou encore selon les projets de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences qu'elles conduisent.

Ainsi, vous l'aurez compris, nous ciblons le financement de l'État sur des actions à forte plus-value entrant dans le cadre des priorités fixées par le Gouvernement tout en favorisant une rationalisation du paysage institutionnel des politiques de l'emploi. La finalité est de conduire une action efficace et d'éviter les doublons en luttant contre le millefeuille du service public de l'emploi, ô combien souvent dénoncé sur ces travées.

Il s'agit non pas de recentralisation ou de jacobinisme des politiques de l'emploi, mais bien d'une territorialisation des politiques menées par l'État au plus près des besoins exprimés par les territoires, tout en assurant le respect des règles d'équité et en laissant aux acteurs locaux le soin d'opérer les ajustements nécessaires au regard de leurs spécificités et du contexte local. Coller au plus près de la réalité locale, tel est notre objectif.

Pour ce qui est de l'avenir, je vous rappelle que l'arrêté du 18 décembre 2013 - vous l'avez cité - a prévu que le dispositif des maisons de l'emploi fasse notamment l'objet d'une évaluation partenariale présentée au Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles.

Ce bilan, qui sera bien effectué, sera partagé puisque le groupe de travail présidé par Mme Patricia Bouillaguet - personnalité qualifiée, membre du Conseil national de l'emploi - inclut des représentants des collectivités, ainsi que des maisons de l'emploi elles-mêmes. Ce groupe de travail a déjà commencé ses réunions ; il est prévu qu'il rende ses conclusions d'ici au second semestre. Il dressera un état des lieux factuel sur l'activité des maisons de l'emploi au regard des dernières décisions prises pour proposer des pistes d'évolution

Vous l'avez dit vous-même, monsieur le sénateur, nous travaillons dans un esprit de complémentarité des missions. Nous poursuivons un objectif d'efficacité et de rationalisation. Ce travail se fait en réseau, en procédant à un recentrage autour de la valeur ajoutée. Je vous invite à travailler aux côtés du Gouvernement à la réussite de ces objectifs en faisant preuve de l'intelligence collective que nous vous connaissons.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Vous êtes trop aimable, madame la secrétaire d'État...

Voilà quelques instants, vous avez dit vouloir faire en fonction des besoins exprimés par les territoires. Permettez-moi d'être leur porte-parole : ils vous demandent de faire mieux. Ils ne veulent pas d'un régime amaigrissant. Faire mieux avec moins, c'est compliqué ; avec beaucoup moins, c'est douloureux. Il en va du régime imposé à la politique de l'emploi comme des régimes amaigrissants : il faut faire attention aux excès pour la santé, en l'occurrence pour la santé de l'emploi !

Malheureusement, certains des éléments de votre réponse ne m'ont pas convaincu - ce qui ne manquera peut-être pas de vous surprendre -, pas plus qu'ils n'ont convaincu les Français, qui ne voient pas l'inversion de la courbe du chômage longtemps promise à un horizon incertain- horizon qui tend d'ailleurs à reculer à mesure que l'on s'en approche. Nous ne constatons aucun retournement de tendance favorable en matière de croissance ou d'emploi. Depuis l'arrivée de cette majorité aux responsabilités, les choix du gouvernement de la France se sont révélés plutôt inefficaces, voire contreproductifs.

Le choix a été fait d'augmenter la dépense publique à travers, notamment, le traitement social du chômage et les emplois aidés - ceux-ci se justifient pour une part mais on en connaît les limites -, tandis que les choix fiscaux ont fini par tarir le potentiel d'innovation, de croissance et de création d'emplois.

Croissance atone, accroissement inexorable du chômage, absence de politique volontariste en matière de formation sous toutes ses formes - formation professionnelle tout au long de la vie, politique de l'alternance ou de l'apprentissage -, autant de voyants qui sont au rouge et qui viennent confirmer le chiffre de 24 000 emplois détruits dans le secteur marchand au cours du premier trimestre de cette année.

Il est grand temps, madame la secrétaire d'État, que le Gouvernement prenne la pleine mesure de cette dégradation, qu'il s'en saisisse à bras-le-corps et qu'il fasse enfin confiance aux entreprises. Il semble qu'une lueur d'espoir soit née en ce domaine. Toutefois, évitons le dispositif « donnant-donnant » qui s'accompagnerait d'un engagement chiffré en contrepartie des assouplissements accordés aux entreprises. Dites-vous bien que ces dernières ont d'abord besoin de restaurer leurs marges, de retrouver un peu de souffle dans leur trésorerie. Elles n'auront ensuite qu'un objectif et qu'une ambition : créer de la richesse et offrir des emplois dans tous les territoires de notre beau pays de France.

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