Question de M. BAYLET Jean-Michel (Tarn-et-Garonne - RDSE) publiée le 27/02/2014

M. Jean-Michel Baylet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur les craintes exprimées par la filière arboricole, et en particulier pomicole, face à une réglementation trop contraignante car inadaptée aux réalités du métier.

Ainsi, en ce qui concerne les activités de cueillettes, le décret n° 2008-244 du 7 mars 2008, qui a instaurénotamment l'article R. 4323-63 du code du travail, interdit aux producteurs de fruits l'usage d'échelles, d'escabeaux et de marchepieds au profit de plateformes élévatrices onéreuses dont l'utilisation dans les vergers en pente s'avère être un exercice particulièrement ardu, voire impossible.

Par ailleurs, l'arrêté du 12 septembre 2006 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, unique en Europe, inquiète tout autant les exploitants soumis au respect d'un délai minimal de « rentrée » sur leurs parcelles après traitement phytosanitaire ou biologique. Cet arrêté confronte les producteurs de pommes à une situation d'impasse technique inextricable tout en instaurant une certaine suspicion quant à la qualité des pratiques arboricoles françaises qui répondent pourtant à un cahier des charges exigeant, attaché au respect et au maintien des équilibres naturels.

C'est pourquoi, dans un contexte où 30 % des exploitants arboricoles et un cinquième des vergers ont disparu au cours de ces dix dernières années, il l'interroge sur les mesures qu'il entend prendre pour réduire le poids de la réglementation, véritable frein à la compétitivité de la filière fruits dans notre pays.

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Transmise au Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt


Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 01/05/2014

La récolte de fruits requiert une main-d'œuvre importante, pour laquelle le risque de chute de hauteur est non négligeable : de 2002 à 2009, la mutualité sociale agricole (MSA) a enregistré 325 accidents de salariés ayant occasionné un arrêt de travail, dont près de 9 % sont des accidents graves. Des campagnes de prévention engagées par le ministère chargé de l'agriculture et les services de prévention de la MSA recommandent notamment l'utilisation de plate-forme ou d'équipement de travail sécurisé. Les dispositions codifiées aux articles R. 4323-62 à R. 4323-90 du code du travail s'appliquant à tous les travaux en hauteur, quels que soient les secteurs d'activité, concernent donc les travaux agricoles et forestiers. Lorsque les travaux ne peuvent être exécutés à partir d'un plan de travail (le sol), des équipements de travail appropriés sont « choisis pour assurer et maintenir des conditions de travail sûres ». Ces dispositions émanent du décret 2004/924 du 1er septembre 2004, et la circulaire 2005/08 du 25 juin 2005 en précise la mise en œuvre. Les travaux de cueillette de fruits sont par nature répétitifs. L'utilisation d'échelles ou d'escabeaux n'est donc autorisée que s'il y a une impossibilité technique à mettre à disposition des travailleurs des planchers de travail en hauteur assortis de garde-corps. Or, il existe sur le marché des équipements de travail maniables pouvant répondre aux exigences de la réglementation (accès sécurisé, plate-forme avec garde-corps, dispositifs de stabilisation). Les contrats de prévention qui seront mis en œuvre dans le cadre de la convention nationale d'objectifs de prévention en cours de négociation entre les partenaires sociaux et la caisse de MSA pourront accompagner la filière par des actions de conseil et des aides financières. En ce qui concerne la mise sur le marché et le suivi des produits phytosanitaires, ces opérations sont strictement encadrées et harmonisées au niveau européen. L'autorisation de mise sur le marché (AMM) des produits phytosanitaires est délivrée sur la base d'une évaluation nationale des risques pour la santé humaine et pour l'environnement. Lorsque l'évaluation d'un produit fait ressortir un risque inacceptable, l'AMM n'est pas délivrée. Dans d'autres cas, lorsque l'évaluation d'un produit fait ressortir un risque particulier, l'AMM impose des conditions particulières d'emploi. Ces dispositions sont complétées par celles de l'arrêté du 12 septembre 2006 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytosanitaires. Cet arrêté a pour objectif de sécuriser l'utilisation de ces produits pour l'applicateur, le consommateur et l'environnement. Il a fait l'objet d'une large consultation des organisations professionnelles agricoles avant son adoption. Néanmoins, lors de sa mise en œuvre certaines filières professionnelles, et notamment la filière pomme, ont fait part de leurs inquiétudes quant à la faisabilité des mesures d'encadrement prévues, notamment celles relatives à : - l'interdiction des traitements lorsque le vent atteint une vitesse de 3 sur l'échelle de Beaufort ; - l'application du délai de ré-entrée dans les parcelles ; - la disponibilité des moyens permettant de réduire les zones non traitées (ZNT). Ces dispositions visent à préserver la santé des travailleurs et des personnes ayant accès aux zones traitées et à limiter la dérive de la pulvérisation lors de traitements phytosanitaires. Les récents rapports du Sénat « Pesticides : vers le risque zéro » et de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale « Pesticides : effets sur la santé » ont conduit les services du ministre chargé de l'agriculture à sollicitér en novembre 2013 l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) pour une demande d'appui scientifique et technique pour réévaluer le dispositif réglementaire encadrant la mise sur le marché et l'utilisation des produits phytosanitaires, en ce qui concerne les points relatifs à la protection de la santé des personnes dans les habitations riveraines des zones traitées. Il s'agit ainsi de s'assurer que les risques induits par le phénomène de dérive des produits phytosanitaires sont maîtrisés par les mesures réglementaires établies. En fonction des résultats de cet appui scientifique et technique, l'arrêté du 12 septembre 2006 pourra être révisé. En parallèle du dispositif réglementaire décrit ci-dessus, il faut mentionner que dans le cadre du plan Ecophyto, de nombreuses actions visent à réduire le recours aux produits phytosanitaires et notamment en arboriculture. Un réseau d'épidémiosurveillance, en place depuis 2009, permet de disposer d'une information en temps réel sur la santé des plantes et son évolution, pour un grand nombre de filières et notamment l'arboriculture. Les agriculteurs peuvent ainsi ajuster plus efficacement les traitements. De plus, 25 sites mènent des expérimentations dans le cadre du réseau EXPE DEPHY en arboriculture et 16 réseaux de fermes DEPHY en arboriculture sont engagés dans le réseau de fermes de démonstration, d'acquisition de références et d'expérimentation de systèmes de culture économes en produits phytosanitaires. Récemment un outil internet de référence sur la protection intégrée des cultures a été lancé, dénommé EcophytoPIC. L'objectif est d'animer, filière par filière, avec l'apport de l'ensemble des partenaires, une plate-forme d'échanges pour les agriculteurs, les conseillers et tous les formateurs pour les aider à mettre en œuvre les principes de la protection intégrée des cultures et réduire leurs usages de produits phytosanitaires. Une plate-forme de ce site internet est dédiée à l'arboriculture. Enfin, un guide de co-conception d'itinéraires techniques économes en produits phytosanitaires, spécifiques aux cultures fruitières, est également en cours de finalisation.

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