Question de M. DUFAUT Alain (Vaucluse - UMP) publiée le 21/02/2014

Question posée en séance publique le 20/02/2014

M. Alain Dufaut. Ma question s'adressait à M. le ministre de l'intérieur.

Je voudrais aborder à nouveau l'incroyable scandale du redécoupage cantonal. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) Je vous garantis que c'est du jamais vu ! Et surtout n'invoquez pas des pratiques passées, car toute comparaison est impossible vu l'ampleur de la chose : M. Yves Colmou a effectué un véritable travail de dentellière sur l'ensemble du territoire national !

Alors que presque tous les départements se sont enfin prononcés sur leur carte – le mien, le Vaucluse, ayant été l'un des derniers à le faire, le 3 février –, alors que cinquante-cinq départements l'ont déjà refusée, dont quatorze de gauche – notamment la Corrèze, mes chers collègues –, je veux souligner encore une fois les aspects les plus flagrants des « tripatouillages » auxquels vous vous êtes livrés. (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.) Le mot « tripatouillages » n'est pas trop fort !

Premièrement, aucune concertation n'a été conduite, ni avec les maires, ni avec les conseillers généraux, ni avec les parlementaires de ma sensibilité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Deuxièmement, pour des raisons électorales, cette réforme conduite à la hussarde va aboutir à ce que nos territoires ruraux, qui représentent 11 millions d'habitants mais occupent 60 % du territoire national, soient volontairement sous-représentés dans les futurs conseils départementaux. (Non ! sur certaines travées du groupe socialiste.) Comme je l'ai déjà dit ici, la loi qui a entraîné ce redécoupage est profondément « ruralicide ».

En outre, au détour de l'article 8 du décret du 6 février 2014, le ministre de l'intérieur a pris comme référence, pour les cantons, la population du recensement effectué par l'INSEE en 2012, alors que, pour les élections municipales, la population de référence est celle du recensement de 2014. Pourquoi cette nouvelle manipulation, si ce n'est pour en tirer un bénéfice ?

Le plus grave dans tout cela, c'est que, au-delà de la lettre, l'esprit même de la loi n'est pas respecté par la réforme, que le Sénat a d'ailleurs rejetée à trois reprises. L'esprit de la loi, c'est de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'arbitraire dans le redécoupage, afin que tous les départements de France soient traités de la même manière. L'esprit de la loi, c'est que les cantons urbains doivent être plus petits que les cantons ruraux, qui, par nature, comptent beaucoup plus de communes et représentent un plus grand territoire. L'esprit de la loi, c'est que les limites des communautés de communes doivent être respectées, en tenant compte de tout le travail préalable effectué en matière d'intercommunalité.

Force est de constater qu'il n'y a rien de tout cela dans ce qui a été élaboré.

M. le président. Votre question s'il vous plaît, mon cher collègue.

M. Alain Dufaut. Quand allez-vous enfin cesser de malmener la loi, de la triturer au détriment de la vie de nos territoires et de la ruralité, et au bénéfice électoral d'un seul parti ? En cas d'annulation de cartes cantonales par le Conseil d'État, comment allez-vous procéder ? Êtes-vous certain que les élections de 2015 pourront se dérouler dans les délais ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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Réponse du Ministère chargé des relations avec le Parlement publiée le 21/02/2014

Réponse apportée en séance publique le 20/02/2014

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de Manuel Valls, qui participe à une réunion avec ses homologues espagnol, portugais et marocain.

La réforme engagée par le Gouvernement est une réforme importante. Même si vous ne l'avez pas soutenue, elle est aujourd'hui la loi de la République. Cette réforme poursuit deux objectifs.

Le premier, c'est la parité. L'organisation du découpage en découle. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mme Laurence Rossignol. La parité, ce n'est pas leur problème !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Cela pourrait vous intéresser, monsieur Dufaut, puisque, dans le Vaucluse, il n'y a que trois femmes sur vingt-quatre conseillers généraux. Demain, il y aura dix-sept femmes parmi les conseillers départementaux. Notre objectif sera donc atteint.

Le second objectif du redécoupage est de respecter les principes fixés par le Conseil constitutionnel - cela, vous auriez pu le rappeler, monsieur le sénateur -, qui a donné des directives, notamment en ce qui concerne les fourchettes de population.

Vous conviendrez que les cantons, dont le dernier redécoupage remonte à 1801, ne correspondent pas à la population de 2014.

M. David Assouline. Bien sûr ! Et on ne se déplace plus à cheval ou en carrosse !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. En ce qui concerne le Vaucluse, le Gouvernement a augmenté le nombre de cantons, sur la proposition de votre collègue Claude Haut, président de l'assemblée départementale, afin que le découpage corresponde mieux à la démographie du département. L'écart entre le canton le plus peuplé et le canton le moins peuplé y était en effet de 1 à 12 ! En d'autres termes, la voix de certains citoyens valait douze fois plus que celle de certains autres. Ce ne sera plus le cas demain.

Le Conseil d'État a d'ores et déjà rendu un avis favorable, assorti parfois de quelques légères modifications, sur quatre-vingt-douze décrets. Le redécoupage du Vaucluse a fait l'objet d'un avis favorable, sans aucune réserve. (M. Bernard Piras applaudit.) Ce redécoupage prévoit une exception démographique pour l'Enclave des papes. Onze décrets ont été publiés ce matin au Journal officiel ; d'autres le seront demain ; tous le seront d'ici au 1er mars.

Vous le voyez, le renouvellement des conseils départementaux, conformément à la loi du 11 décembre 1990, pourra avoir lieu dans les délais.

Je sais que ce n'est pas l'usage, mais j'achèverai ma réponse par une question. Il y avait une autre manière de régler le problème : c'est celle qu'a proposée Jean-François Copé. Il est partisan d'une solution beaucoup plus radicale ; il serait intéressant que vous vous exprimiez à son sujet, monsieur Dufaut, en tant que membre de l'UMP et président délégué de l'Union des conseillers généraux de France. Jean-François Copé n'a pas de problème de redécoupage puisqu'il s'est prononcé en faveur de la suppression des départements ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Jean-Vincent Placé applaudit également.)

M. Didier Guillaume. Eh oui, c'est toute la différence !

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