Question de Mme PROCACCIA Catherine (Val-de-Marne - UMP) publiée le 21/02/2014

Question posée en séance publique le 20/02/2014

Mme Catherine Procaccia. Comme l'a tout à l'heure annoncé M. Sapin, ma question porte sur le régime d'indemnisation du chômage des intermittents du spectacle, un sujet qui soulève des débats peu nuancés, quand ils ne donnent pas lieu à des propos excessifs et même outranciers de part et d'autre.

Loin de moi l'idée de fustiger des hommes et des femmes qui exercent un métier dans des conditions très aléatoires : comédiens, musiciens, techniciens ne sont payés que lorsqu'un spectacle est donné, et non pour le temps qu'ils consacrent à le préparer, à le créer, à apprendre le texte ou à faire leurs gammes.

S'il est normal que des indemnités de chômage leur soient versées pour compenser les périodes sans emploi, est-il normal de se voir opposer l'étendard du chantage à la culture dès que l'on parle de réforme d'un système qui, pourtant, n'existe nulle part ailleurs ?

Le Gouvernement se vante de vouloir la transparence. C'est ce que nous demandons.

Madame la ministre de la culture, vous avez déclaré qu'il n'était pas question de toucher à ce régime, dont les dépenses s'élèvent pourtant à 1 milliard d'euros par an et qui pèse pour un tiers dans le déficit de l'UNEDIC.

La Cour des comptes a démontré qu'à quantité de travail égal et à rémunération équivalente, un intermittent au chômage reçoit beaucoup plus qu'un intérimaire, qu'une personne employée en CDD ou même qu'un salarié à temps plein.

Le surcoût du régime s'établirait finalement à 320 millions d'euros. Selon les chiffres connus, 0,8 % des allocataires consommeraient 6 % des allocations.

M. Pierre Laurent. Ces chiffres sont faux, vous le savez !

Mme Catherine Procaccia. Notre exception culturelle doit-elle être une exception aux règles d'indemnisation des chômeurs ?

Est-il normal de refuser tout aménagement alors que le chômage est au plus haut et que les salariés précaires des autres branches risquent d'être davantage fragilisés ?

Je sais que la négociation doit se faire au sein de l'UNEDIC. Ma question est donc la suivante : le Gouvernement a-t-il l'intention de continuer à fermer les yeux et à subventionner tous ceux qui profitent d'un système trop généreux ?

Mme Éliane Assassi. Ce que vous dites est scandaleux !

Mme Catherine Procaccia. Je parle des producteurs, des réalisateurs, de ces professionnels privés et publics qui abusent des « permittents », ces hommes et femmes de l'ombre, parfois même des journalistes, employés de manière quasi-permanente qui pourraient pourtant bénéficier de CDD ou de CDI mais qui acceptent un faible salaire parce qu'il sera compensé par une allocation généreuse.

M. Pierre Laurent. Vous dites que ce sont des profiteurs !

Mme Catherine Procaccia. Le Gouvernement, qui ne cesse de réclamer la transparence, est-il prêt à la faire sur ce sujet, lequel choque les Français qui craignent le chômage et tous ceux qui, malheureusement, sont au chômage ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)

Mme Éliane Assassi. Ce n'est pas les Français que cela choque, c'est la droite !

M. Pierre Laurent. Demandez aux patrons de TF1 ce qu'ils font !

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 21/02/2014

Réponse apportée en séance publique le 20/02/2014

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Madame Procaccia, vous avez dit que vous ne vouliez pas de caricature. Je vais donc vous donner des chiffres.

Vous avez mentionné celui de 1 milliard d'euros, qui a souvent été agité comme un chiffon rouge à propos des intermittents. Or le rapport de la mission de l'Assemblée nationale a établi que le déficit imputable à la spécificité du régime des intermittents s'élève non pas à 1 milliard d'euros, mais à environ à 300 millions d'euros. Voilà donc le montant de la différence entre le régime des intermittents et le régime général.

M. Jean-Jacques Hyest. C'est ce qu'a dit Mme Procaccia !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Comme Michel Sapin l'a rappelé, le Gouvernement est attaché à ce régime et il ne cédera rien en ce qui concerne la nécessité d'une indemnisation spécifique pour les artistes et les techniciens du spectacle. Pourquoi ?

Tout d'abord, parce qu'ils ont des métiers spécifiques, caractérisés par une précarité plus grande que toutes les autres professions.

M. Pierre Laurent. Très bien !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Ensuite, parce que la culture est, en France, un secteur d'excellence, qui représente 700 000 emplois et 3,2 % du produit intérieur brut.

De plus, la culture est ainsi présente sur tous nos territoires : dans chacun de vos départements, il y a des festivals, des institutions culturelles, des tournages ! Je sais que si, demain, nous faisions ce que le MEDEF a proposé, à savoir supprimer le régime de l'intermittence, c'est aussi dans vos territoires que l'on paierait le prix de ce massacre de la culture ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. - M. Robert Hue applaudit également.)

M. Jacky Le Menn. Très bien !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Nous avons besoin d'un régime spécifique pour des gens qui sont, par définition, plus précaires que d'autres et qui ont également des spécificités qui leur sont défavorables. Par exemple, les intermittents sont indemnisés sur des durées moins longues - huit mois - que dans le régime général. De même, les cotisations sont supérieures - 7 % pour les employeurs, 3,5 % pour les salariés - à celles qui s'appliquent dans le régime général.

Nous avons besoin des intermittents. C'est pourquoi nous n'accepterons pas les caricatures et les stigmatisations dont font l'objet les artistes ou les techniciens du spectacle. Ceux-ci ont besoin d'être indemnisés, car, comme le disait Michel Sapin, dans une période de chômage important, il ne faut pas réduire les indemnisations de ceux qui sont déjà les plus précaires. Or la proposition du MEDEF consistait à faire payer le coût du chômage par ceux qui sont déjà les plus précaires.

M. Alain Fouché. C'est Mme Procaccia qui vous pose une question, pas le MEDEF !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Des propositions sont aujourd'hui sur la table et les partenaires sociaux doivent négocier. Je voudrais que ceux-ci, notamment du côté patronal, entendent les propositions des entrepreneurs du domaine du spectacle, qui ont formulé un certain nombre de préconisations.

En tout cas, je vous le dis : le Gouvernement est extrêmement attaché à une organisation spécifique pour les artistes et les techniciens du spectacle. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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