Question de M. LE SCOUARNEC Michel (Morbihan - CRC) publiée le 14/02/2014

Question posée en séance publique le 13/02/2014

Concerne le thème : Pratiques et réalités agricoles et code de la propriété intellectuelle

M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quelques semaines, la commission des affaires économiques a voté une proposition de résolution relative à la mise sur le marché et la brevetabilité des semences et obtentions végétales. Ce texte est devenu résolution du Sénat le 17 janvier 2014.

Dans sa version initiale transmise à la commission des affaires économiques, la proposition de résolution rappelait notamment que la priorité devait « être accordée à une protection par le certificat d'obtention végétale, le COV, et devait limiter les possibilités de protection par le brevet ».

Lors de l'examen en commission, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC ont déposé un amendement afin de réaffirmer le principe de non-brevetabilité du vivant. En effet, nous souhaitions apporter des garanties pour protéger la liberté de la recherche, de la production et des échanges dans le domaine agricole.

Dans l'alinéa 18 de la résolution, issu de l'un de nos amendements, le Sénat affirme « son attachement au caractère non brevetable des plantes issues de la sélection génétique, tout particulièrement dans le cas de plantes obtenues par des procédés d'amélioration classique, et exclut en conséquence les plantes comme les variétés du domaine de la brevetabilité ».

Monsieur le ministre, nous aimerions nous assurer que vous partagez les recommandations du Sénat. Comment allez-vous garantir qu'elles s'appliqueront avec rigueur, malgré la pression des compagnies de biotechnologies transnationales et des États-Unis dans le cadre des négociations du traité transatlantique ?

Portée par le G20, l'initiative pour le blé est présidée par la France. Comment y promouvoir cette position ? Enfin, comment envisagez-vous de traduire ce principe essentiel pour les pratiques agricoles dans les missions particulières concernant la création variétale des différents services d'État et opérateurs publics ?

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 14/02/2014

Réponse apportée en séance publique le 13/02/2014

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, il est vrai que la frontière entre les systèmes d'obtention et de brevetage doit être précisée.

Des travaux ont justement été engagés pour mieux articuler ces deux systèmes, qui correspondent à des choix assez différents - je rappelle que l'obtention permet ensuite d'utiliser et de développer un certain nombre de semences, alors que le brevetage rend difficile ce processus, sauf à acquitter des droits.

Une discussion sur ce sujet associe depuis 2013, au sein du Haut Conseil des biotechnologies, la Confédération paysanne et le Groupement national interprofessionnel des semences et plants, le GNIS : elle donnera lieu, à la fin du mois d'avril prochain, à un colloque dont j'assurerai moi-même la conclusion.

Deux sujets principaux sont en débat. Il s'agit tout d'abord de veiller à l'articulation claire du champ du brevet avec celui du COV, ainsi qu'à l'encadrement du champ du brevet. C'est, je crois, votre souhait, monsieur le sénateur. Il s'agit ensuite de veiller à ce que tous les acteurs du secteur, y compris les agriculteurs qui utilisent des semences, soient clairement informés des droits de propriété attachés aux semences qu'ils utilisent. Cette diffusion transparente des informations à l'endroit des utilisateurs constitue le deuxième axe du plan « Semences et agriculture durable ».

Un travail approfondi est donc engagé sur ce sujet à l'échelon national, mais je crois qu'une tâche de même nature devra également être entamée à l'échelle européenne, où l'on peut attendre des progrès et des clarifications.

Par ailleurs, dans la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, nous avons soutenu un amendement qui vise à exclure de la portée des brevets relatifs à une information génétique sur le végétal toute présence fortuite ou accidentelle dans une culture.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour la réplique.

Mme Annie David. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je souhaitais, avec Michel Le Scouarnec et les membres de mon groupe, attirer particulièrement votre attention sur les dérives des droits attachés à la propriété intellectuelle, couplées à l'essor des biotechnologies, dont vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, les conséquences graves sur les pratiques et la recherche agricoles.

Vous le savez, des contentieux sont en cours à l'échelon européen, notamment en raison de la politique menée par l'Office européen des brevets, qui, en mai dernier, octroyait par exemple à Syngenta un brevet garantissant à la firme suisse les droits exclusifs sur un poivron issu du croisement entre un poivron commercialisé et une variété originaire de Jamaïque, connue pour sa capacité à résister à plusieurs insectes nuisibles. (Mme Sophie Primas s'exclame.)

Monsieur le ministre, si ce brevet n'est pas annulé, il empêchera d'autres sélectionneurs d'utiliser librement cette variété, même s'il ne s'agit là en aucun cas d'une « invention ».

Nous sommes satisfaits que vous nous ayez entendus, puisque l'INRA s'est également positionné, à nos côtés, contre la brevetabilité des plantes et des gènes natifs. La charte de propriété de l'Institut est en cours de révision et nous espérons que vous vous en inspirerez, monsieur le ministre.

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