Question de Mme NICOUX Renée (Creuse - SOC) publiée le 14/02/2014

Question posée en séance publique le 13/02/2014

Concerne le thème : Pratiques et réalités agricoles et code de la propriété intellectuelle

Mme Renée Nicoux. Monsieur le ministre, ma question porte sur les inquiétudes qu'a récemment exprimées le milieu agricole à l'occasion de la discussion au Parlement de la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon, mais également du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, sur le risque de remise en cause du recours aux semences de ferme pour les agriculteurs. Ces inquiétudes ont pu être légitimement suscitées par le renforcement de la protection douanière et son extension aux certificats d'obtention végétale, les COV, prévus par cette proposition de loi.

Ainsi, le contrôle accru sur les droits de propriété intellectuelle sur les variétés végétales a pu s'apparenter à un dessaisissement pour les agriculteurs de leur droit à ressemer, sans autorisation du semencier, le produit de leur récolte obtenu grâce à la mise en culture de certaines variétés protégées.

Or l'avantage toujours mis en avant du certificat d'obtention végétale, tel qu'il a été conçu dès 1961, est que le monopole d'exploitation de la variété qu'il couvre ne vaut que pour l'exploitation de cette variété et ne fait pas obstacle à l'utilisation de celle-ci comme source de nouvelles variétés obtenues par croisement.

Par ailleurs, les prémices des débats autour du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt ont souligné une attente largement partagée des agriculteurs pour défendre l'utilisation de semences de ferme sur leur propre exploitation, ce qui est autorisé par la loi. Qu'en est-il de l'échange de semences dans le cadre de l'entraide ou de la vente, dans la mesure où cette transaction de semences autoproduites d'une variété protégée par un certificat d'obtention végétale peut être qualifiée de contrefaçon ?

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que les semences de ferme sont toujours protégées par la législation nationale et que les agriculteurs ne seront pas susceptibles de se retrouver accusés du délit de contrefaçon s'ils utilisent ces semences sur leurs propres exploitations ou s'ils procèdent à des échanges dans le cadre de l'entraide ?

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 14/02/2014

Réponse apportée en séance publique le 13/02/2014

M. Stéphane Le Foll, ministre. Madame la sénatrice, je souhaite, là encore, rappeler la position qui guide mon ministère dans ce débat.

J'ai toujours défendu le système de la protection liée aux obtentions végétales. En effet, je le rappelle, dans le domaine du brevetage du vivant, si nous ne disposions pas de cette capacité forfaitaire de financement de la recherche, tôt ou tard, la capacité d'innovation serait réservée aux grands industriels et aux grandes entreprises. En l'occurrence, nous avons un système qui fonctionne et qui permet de financer la recherche, laquelle profite à tout le monde. Je continuerai donc à défendre ce système de l'obtention, qui me paraît le plus adapté aux enjeux de l'avenir.

En revanche, la question de la garantie à apporter aux semences de ferme a été abordée dans le cadre de la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon : nous avons tout d'abord expliqué très clairement que les semences de ferme, dans les conditions définies par le code de la propriété intellectuelle, ne constituaient pas une contrefaçon.

Nous avons donc choisi d'exclure les semences de ferme des domaines dans lesquels des pouvoirs renforcés sont par ailleurs conférés par ce texte aux douanes en matière de retenues et de destructions - n'oublions pas qu'il s'agit d'un texte sur la contrefaçon.

Dans le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, nous avons explicité le fait que la présence fortuite accidentelle de matériel protégé par des droits de propriété intellectuelle dans des cultures, y compris des semences de ferme, ne constituait pas une contrefaçon.

En outre, nous avons permis, par le régime fiscal applicable aux échanges de semences, dans le respect de la réglementation de l'entraide que vous avez évoquée, madame la sénatrice, de réaliser ces échanges dans le cadre des groupements d'intérêts économiques et environnementaux, les GIEE.

De surcroît, au-delà même de ces textes législatifs en discussion, le décret qui élargit la liste des semences de ferme autorisées, transmis aujourd'hui même au Conseil d'État, ajoute treize espèces aux vingt et une qui existaient déjà, comme je l'ai indiqué précédemment.

Le plan « Semences et agriculture durable », au sein du projet agro-écologique lancé en décembre 2012, vient conforter ces choix stratégiques. Le cofinancement de la recherche sur le développement des variétés adaptées à l'environnement, dans le cadre des appels d'offres du projet CASDAR, le compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural, va aussi dans ce sens.

Nous menons donc un travail de fond permanent pour mettre tous les acteurs autour de la table et aboutir à des solutions consensuelles et des accords interprofessionnels sur la rémunération de la recherche, comme je l'ai évoqué dans ma réponse à la question précédente.

Je le répète, nous voulons dépasser les oppositions et faire en sorte que les semences de ferme soient un droit pour les agriculteurs. Et rappelons-nous tout simplement que, si nous n'avions pas de financement de la recherche, seules les grandes industries pourraient financer des innovations, ce qui nous coûterait très cher. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux, pour la réplique.

Mme Renée Nicoux. Je vous remercie de ces précisions et clarifications, qui sont bienvenues, monsieur le ministre.

Nous attendons la suite des travaux dans ce domaine, qu'il s'agisse de l'utilisation des semences dans les exploitations ou de l'entraide, qui constitue une demande légitime de la part des professionnels.

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