Question de M. LE SCOUARNEC Michel (Morbihan - CRC) publiée le 30/01/2014

M. Michel Le Scouarnec attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions de travail des personnes incarcérées.
Depuis la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, les détenus sont obligés d'exercer une activité afin d'augmenter leurs chances de réinsertion. Malheureusement, depuis l'avis du Conseil économique et social de 1987, qui avait qualifié la prison de « zone de non-droit du travail », la situation est toujours caractérisée par un grand vide juridique.
En premier lieu, hormis les détenus admis au régime du placement extérieur ou au régime de semi-liberté et qui peuvent, dans certaines conditions, bénéficier d'un contrat de travail, ceux qui travaillent à l'intérieur des établissements pénitentiaires sont soumis à des conditions exorbitantes de droit commun.
Ainsi, ils ne signent pas de contrat de travail mais un acte d'engagement. Ils n'ont pas le statut juridique du salarié car le droit du travail ne s'applique pas en prison. L'inspection du travail n'a d'ailleurs pas le droit de s'y déplacer inopinément et doit être invitée par l'administration pénitentiaire. Il demande donc si celle-ci ne devrait pas donner une valeur d'exemplarité.
Ensuite, l'encadrement des rémunérations est loin d'être satisfaisant et donne lieu à des disparités qui ne s'expliquent pas. Un détenu est rémunéré, en moyenne, entre deux et trois euros de l'heure, environ soixante-deux euros nets pour trente heures par semaine, quand celui-ci a la chance de pouvoir effectuer trente heures par semaine. En effet, nombreux sont ceux qui ne gagnent que vingt à quarante euros par mois car le travail manque en prison. Actuellement, avec la surpopulation carcérale, seulement 25 % des détenus ont un travail.
Travailler est non seulement le seul moyen d'améliorer quelque peu l'ordinaire de la prison qui est la misère mais cela permet, également, aux personnes incarcérées d'aider leur famille, de rembourser les parties civiles, de préparer leur sortie et leur réinsertion.
Cette dernière serait, sans doute, facilitée si les emplois proposés au sein des établissements pénitentiaires étaient plus qualifiants. Au lieu de développer le travail qui forme, le plus souvent, on ne confie aux personnes détenues que les travaux d'entretien des locaux et les tâches requises par le fonctionnement de l'établissement.

Afin que le temps de la prison devienne un temps utile et pour une réinsertion réussie des personnes condamnées, il lui demande quelles mesures elle envisage pour réglementer en droit le travail pénitentiaire.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 27/11/2014

Le cadre juridique du travail pénitentiaire fixé, tant par l'article 33 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436, que par l'article 171-3 et par les articles R. 57-9-1 et 57-9-2 du code de procédure pénale (CPP), définit les règles qui s'appliquent aux différentes formes que le travail pénitentiaire peut recouvrir. Bien que les dispositions législatives applicables au travail exercé par les personnes détenues soient, dans un certain nombre de cas, spécifiques à l'administration pénitentiaire, pour des raisons tant juridiques que des contraintes inhérentes à la détention, cette dernière fait du rapprochement avec le droit commun une de ses priorités. En confirmant que l'acte d'engagement constitue une norme protectrice régissant les relations de travail en détention, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 14 juin 2013, a reconnu la particularité qui s'attache aux conditions d'exercice du travail en détention, tout en garantissant les droits des personnes détenues en cette matière. En outre, l'intervention des inspecteurs du travail effectuant des contrôles d'hygiène et de sécurité au sein des établissements pénitentiaires, participe également du rapprochement souhaité avec le droit commun. L'administration pénitentiaire met tout en œuvre afin de favoriser l'intervention de l'inspection du travail au sein des établissements pénitentiaires. Les rapports établis par l'inspection du travail font l'objet d'un droit de réponse du chef d'établissement. En outre, concernant la question de l'encadrement de la rémunération des personnes détenues, qu'il s'agisse tant du travail en régie, au service général ou encore en concession, il est fixé par les dispositions de l'article D. 432-1 du CPP. Cet article prévoit l'octroi d'un minimum horaire individuel de rémunération du travail, calculé sur la base du SMIC horaire et indexé sur sa revalorisation annuelle en fonction du régime de classement des personnes détenues au service général, et à hauteur de 45 % du SMIC pour le travail en production. Les barèmes fixés par note de l'administration pénitentiaire, s'appliquent de manière uniforme dans tous les établissements pénitentiaires. Ainsi, en 2013, 25 816 personnes détenues ont eu une activité rémunérée en détention. Dans cette perspective, l'administration pénitentiaire s'efforce de proposer de nouveaux emplois, de diversifier les activités rémunérées, et ce afin de s'adapter au mieux aux situations individuelles des détenus et à l'inscription dans un projet de réinsertion. L'ouverture vers les emplois dans le tertiaire démontre une volonté de l'administration de proposer des emplois plus qualifiants et plus en phase avec la réalité économique.

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