Question de M. ROME Yves (Oise - SOC) publiée le 23/01/2014

M. Yves Rome interroge M. le ministre de l'éducation nationale sur les conséquences de l'application de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales quant au transfert des personnels techniciens, ouvriers et de services (TOS) des collèges et lycées vers les effectifs des collectivités locales.

Les adjoints techniques territoriaux des établissements d'enseignement (ATTEE), lors de la réforme, ont massivement choisi d'intégrer la fonction publique territoriale et ont, alors, nourri de grands espoirs quant à leurs conditions de travail et à la reconnaissance qui leur est due.

Or, force est de constater les difficultés posées par la double tutelle sur les ATTEE dans les collèges du département de l'Oise. Ils subissent les effets négatifs de leur transfert incomplet à la collectivité départementale. Si le conseil général est en charge de leur recrutement et de la gestion de leur rémunération, l'éducation nationale, à travers le principal de l'établissement scolaire et de son gestionnaire, garde une autorité fonctionnelle sur ces agents.

La persistance d'une double tutelle État-département ne va pas sans poser de nombreuses difficultés en termes de gestion des ressources humaines. Les relations de travail sont parfois complexes avec les cadres de l'éducation nationale. Les ATTEE rapportent des tensions quotidiennes, source de mal-être, voire de dommages psychologiques. Cette situation nuit à l'efficacité de leur travail qui est, pour eux, une réelle source de fierté et, par voie de conséquence, à la qualité de l'environnement éducatif des élèves.

Au regard de ces éléments, le transfert de la tutelle des personnels de gestion dans les établissements concernés du ministère vers la collectivité semble relever d'une impérieuse nécessité.

Il lui demande donc s'il envisage une réforme profonde du statut des ATTEE au profit d'une autorité unique détenue par les collectivités qui s'investissent pleinement dans leurs missions auprès des collèges et des lycées.

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Transmise au Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche


Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 16/04/2014

Réponse apportée en séance publique le 15/04/2014

M. Yves Rome. Monsieur le ministre, tout en vous félicitant de votre arrivée à la tête du grand ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, je viens aujourd'hui vous suggérer un approfondissement des lois de décentralisation.

La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a prévu le transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service, plus communément appelés TOS, des collèges et lycées aux collectivités locales, qui en assurent aujourd'hui la gestion. Ces personnels, devenus lors de la réforme adjoints techniques territoriaux des établissements d'enseignement, ou ATTEE, ont massivement choisi d'intégrer la fonction publique territoriale, nourrissant dès lors de grands espoirs quant à leurs conditions de travail et à la reconnaissance qui leur est due.

Or j'ai pu constater les difficultés posées par la double tutelle des ATTEE dans les collèges de l'Oise, difficultés que ces agents déplorent massivement. Ils me l'ont fait savoir, parfois même bruyamment.

Les personnels ATTEE subissent avant tout les effets négatifs de leur transfert incomplet à la collectivité départementale. En effet, si le conseil général est chargé du recrutement et de la gestion de la paie, l'autorité fonctionnelle est toujours celle du principal de l'établissement scolaire et de son gestionnaire, qui dépendent, quant à eux, du ministère de l'éducation nationale.

Au regard des faits observés dans les collèges et relayés par les agents, la persistance d'une double tutelle, par l'État et le département, ne va pas sans poser de nombreuses difficultés en termes de gestion des ressources humaines. Les relations de travail sont parfois complexes avec les cadres de l'éducation nationale. Les personnels ATTEE rapportent des tensions quotidiennes, une incertitude notoire dans leurs relations de travail, voire des dommages psychologiques. Vous en conviendrez, cela nuit fortement, d'une part, à l'efficacité du travail de ces agents, qui est pourtant une source de fierté pour eux, et, d'autre part, aux politiques publiques tournées vers les collèges en général, menées par les collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, il est par conséquent urgent d'envisager, dans des délais rapprochés, l'unicité de la tutelle, qui doit être dorénavant effectivement et uniquement celle de la collectivité de rattachement, le département ou la région.

Au vu de ces éléments, le transfert de la tutelle des personnels de gestion des établissements concernés du ministère vers la collectivité me semble relever d'une impérieuse nécessité. J'ai d'ailleurs la certitude, au regard du contexte et des difficultés pesant sur les finances publiques de l'État, qu'il serait impossible à ce dernier de reprendre dans ses effectifs la totalité des personnels ATTEE transférés aux collectivités territoriales.

Envisagez-vous, monsieur le ministre, une réforme plus profonde du statut des personnels ATTEE au profit d'une autorité unique de tutelle détenue par les collectivités, lesquelles, souvent innovantes et pionnières, s'investissent pleinement dans leur mission, à vos côtés, auprès des collèges et lycées ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Yves Rome, vous proposez d'approfondir les lois de décentralisation. En cet instant, il ne m'appartient pas de me prononcer sur ce que pourra être, au-delà des annonces faites par le Premier ministre au cours de sa déclaration de politique générale quant à une nouvelle organisation des territoires, le destin des ATTEE.

La loi du 13 août 2004 a élargi le champ des compétences des départements et des régions en leur transférant des missions d'accueil, de restauration, d'hébergement et d'entretien général et technique, ainsi que la gestion des personnels techniciens, ouvriers et de services, les TOS, devenus agents techniques territoriaux des établissements d'enseignement, ou ATTEE, qui exercent des fonctions absolument indispensables dans les collèges et lycées.

Le code de l'éducation leur reconnaît un rôle éducatif en liaison avec les autres personnels de l'établissement. C'est à ce titre qu'une double tutelle s'exerce, qu'il nous semble indispensable de maintenir.

Vous pouvez comprendre, monsieur le sénateur, qu'il n'est pas envisageable à ce stade que ces personnels soient rattachés fonctionnellement à une autre autorité que celle du chef d'établissement, désigné par la loi comme responsable de l'organisation et du fonctionnement de l'établissement public local d'enseignement, l'EPLE. Et je n'oublie bien sûr pas l'adjoint gestionnaire, qui seconde le chef d'établissement et qui est membre, je le rappelle, de l'équipe de direction de l'établissement.

Je tiens également à préciser que la mission de gestionnaire est essentielle au bon fonctionnement des établissements scolaires et au développement de projets d'établissement de qualité. Le ministère de l'éducation nationale a d'ailleurs régulièrement valorisé cette fonction.

Pour toutes ces raisons, il n'est pas prévu de modifier cet équilibre et de scinder l'équipe de direction en rattachant l'adjoint gestionnaire à la collectivité territoriale.

Le code de l'éducation prévoit par ailleurs la conclusion d'une convention entre l'établissement public local de l'enseignement et la collectivité territoriale à laquelle il est rattaché, afin de préciser les modalités d'exercice de leurs compétences respectives.

Je ne nie pas les difficultés que vous avez soulignées, notamment les revendications que peuvent exprimer les personnels, revendications liées à la confusion née de cette double tutelle. Mais nous considérons aujourd'hui que cette convention peut être l'occasion de résoudre de façon formelle et, si possible, durable les éventuelles difficultés résultant du double rattachement des agents techniques territoriaux à la collectivité territoriale, d'une part, et à leur établissement, d'autre part. Cette convention permettrait, par exemple, l'institutionnalisation d'échanges sur les règles de management et de gestion des personnels en vigueur chez chacun d'entre eux. Ce type de conventions est prévu pour résoudre ces difficultés. Il faut que l'ensemble des acteurs s'en saisissent de façon que les confusions, difficultés auxquelles vous avez fait allusion soient résolues.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous agissons pour permettre à chacune et à chacun de s'investir dans les meilleures conditions possible au service de notre école et de la réussite des élèves, bien conscients que nous avons besoin de tous les acteurs, notamment des agents techniques, pour mener à bien cette tâche colossale.

M. le président. La parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome. Monsieur le ministre, vous comprendrez aisément que je ne puisse partager la totalité de vos analyses dans la mesure où, en notre République, un principe simple, qu'il ne faut jamais oublier, s'applique : qui paie commande. Or le fonctionnement de l'ensemble des établissements, collèges et lycées est totalement ou très majoritairement assumé par les collectivités départementales.

La proposition qui vous est faite vise non pas à nuire à la qualité pédagogique, mais bien au contraire à améliorer cette dernière par le rattachement des personnels de gestion à l'autorité départementale, qui pourrait par convention, comme vous l'avez souligné, assurer un bon fonctionnement des établissements scolaires.

Je pourrais aller au-delà, monsieur le ministre, puisque ma question ne retient que peu votre attention, en vous indiquant qu'il serait également souhaitable, en vue d'un approfondissement de la décentralisation, que la collectivité départementale, sur un même territoire, puisse gérer les lycées, comme elle le fait déjà pour les collèges. Voilà une autre piste à laquelle je vous invite à réfléchir.

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