Question de M. LE SCOUARNEC Michel (Morbihan - CRC) publiée le 16/01/2014

M. Michel Le Scouarnec attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation des centres d'examen du permis de conduire en Bretagne et, plus particulièrement, dans le Morbihan. En effet, le permis de conduire constitue un enjeu majeur, en termes de mobilité et d'insertion sociale et professionnelle pour tous nos concitoyens, notamment les plus jeunes.

Or, depuis ces dernières années, il a été constaté une diminution des effectifs des inspecteurs et délégués du permis de conduire, à hauteur de 35 postes, après une perte déjà constatée de 40 postes sur les deux dernières années. Les conséquences, en Bretagne, se font déjà ressentir. Outre l'allongement des délais d'attente à l'examen, la baisse du nombre d'inspecteurs a pour corollaire la fermeture de certains centres. Cette organisation territoriale à la baisse est déjà préfigurée dans les recommandations du groupe de travail du centre national de la sécurité routière (CNSR). Cette restriction de postes est en complète contradiction avec l'ambition affichée de rendre plus accessible le permis de conduire et de réduire les délais de présentation.

Ainsi, de nombreux inspecteurs et délégués du permis de conduire ont suivi un mouvement social ces dernières semaines afin de démontrer la dégradation de leurs conditions de travail et, surtout, la fragilisation du service public des examens du permis de conduire, dont tous nos concitoyens pâtissent.

C'est pourquoi, il lui demande les mesures qu'il entend prendre afin de développer, consolider et pérenniser l'examen du permis de conduire, avec comme objectif principal sa démocratisation la plus large possible.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 16/04/2014

Réponse apportée en séance publique le 15/04/2014

M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le ministre, le permis de conduire constitue un enjeu majeur en termes de mobilité, d'insertion sociale et professionnelle pour tous nos concitoyens.

Ce postulat posé, il est nécessaire de rappeler quelques chiffres : on compte aujourd'hui plus d'un million de places disponibles pour au moins deux millions de candidats en attente, voire bien plus, certains syndicats parlant de trois ou quatre millions.

Cet écart déjà extrêmement important n'a été que renforcé par le schéma d'emplois inscrit au projet de loi de finances pour 2014, qui programme pourtant, sur l'ensemble de la France, une diminution des effectifs des inspecteurs et délégués du permis de conduire à hauteur de 35 équivalents temps plein, après une perte déjà constatée de 40 postes ces deux dernières années.

Il y a donc un double problème.

Le premier est celui du délai, puisqu'il faut attendre de quatre à six mois pour un premier passage, et parfois un an, voire quelquefois plus pour certains, notamment en Bretagne.

Le second problème est financier : ce délai oblige les candidats à prendre de nombreuses heures de cours dans l'attente d'un créneau, afin de rester au niveau. Cette contrainte pèse sur le budget des ménages, des personnes les plus modestes et en particulier des jeunes, souvent obligés de s'endetter alors qu'un quart d'entre eux restent à la porte du premier emploi assez longtemps. Quand j'ai passé le permis de conduire en 1968, le délai d'attente était déjà de cinq mois : il fallait prendre des leçons supplémentaires, ce qui coûtait déjà cher. Dans le Morbihan, le coût d'un permis de conduire serait au-dessus de la moyenne nationale tant les places sont rares et les délais importants.

Il existe aussi une contradiction avec la mise en place, au mois de septembre 2013, d'un groupe de travail ayant pour ambition la réduction des délais de présentation. Cette baisse annoncée des effectifs contredit totalement cet objectif puisque ces postes perdus préfigurent une fragilisation d'un système qu'il conviendrait a contrario d'optimiser par un recrutement adéquat.

Aujourd'hui, l'essentiel du temps de travail des agents du Morbihan est consacré aux examens, au détriment de leur autre mission : le suivi des conditions d'apprentissage.

Ce service public demeure plus que jamais un gage d'égalité et de cohésion sociale grâce, notamment, au maillage territorial des nombreux centres d'examen du permis de conduire.

La baisse du nombre d'inspecteurs aurait inévitablement pour corollaire la fermeture de certains centres. Les propositions structurelles du groupe de travail du Centre national de la sécurité routière, le CNSR, le prévoient d'ailleurs déjà. Alors que l'État envisage un permis moins cher, ce qui est positif, il en résulterait un coût supplémentaire pour les usagers : dans le Morbihan, les candidats seraient contraints d'effectuer plusieurs dizaines de kilomètres en moyenne pour passer leur examen.

Tous les citoyens pâtissent de cette baisse de qualité du service public des examens du permis de conduire. Et que dire de l'éducation à la sécurité routière, les effets positifs de l'accumulation de radars restant encore à démontrer ?

Monsieur le ministre, avez-vous l'intention d'engager une démocratisation la plus large possible du permis de conduire et de consolider les moyens d'apprentissage en pérennisant les conditions de travail des inspecteurs ?

Cette question intéresse des millions de jeunes et leur famille. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Le Scouarnec, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, qui est retenu place Beauvau.

Vous avez souhaité interroger M. Cazeneuve sur la situation des centres d'examen du permis de conduire en Bretagne, plus particulièrement dans votre cher département du Morbihan, également cher à mon cœur.

Avant d'en venir plus précisément à la situation bretonne et morbihannaise, je voudrais faire un commentaire sur le permis de conduire.

Je rappelle que, dans le cadre de la loi relative à la consommation, une disposition extrêmement importante a été adoptée sur le permis de conduire qui prévoit désormais l'interdiction pour les écoles de conduite d'exiger des frais de transfert ou de restitution quand un apprenti conducteur veut changer d'école de conduite. Jusqu'à présent, il pouvait dans ce cas se voir facturer de 50 à 200 euros de frais de transfert ou de frais de restitution. Désormais, ces frais seront illégaux.

Cette loi, que la majorité a votée, qui a même reçu des suffrages au-delà de la majorité et, plus généralement, au-delà des travées de gauche, a été promulguée et elle s'appliquera. C'est un point important lorsqu'on sait le coût du permis de conduire - vous l'avez à juste titre souligné - et combien sa détention est essentielle à la mobilité, notamment pour obtenir, voire conserver un emploi. Il est indispensable de jouer sur les tarifs, et l'interdiction des frais de restitution et de transfert permettra une économie pouvant aller jusqu'à 200 euros sur le prix moyen des leçons nécessaires au passage du permis de conduire.

Revenant maintenant sur la question que vous avez posée au ministre de l'intérieur, je souligne que le délai de passage à l'épreuve pratique de l'examen du permis de conduire ainsi que celui entre deux présentations dépendent de plusieurs facteurs : le taux de réussite des établissements d'enseignement de la conduite, le nombre de candidats présentés pour la première fois par l'école de conduite et le nombre d'inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière.

Chaque établissement se voit attribuer des places en fonction de son activité, et choisit les candidats qu'il présente. Les délais d'attente des candidats découlent de cette décision.

Par ailleurs, cette méthode d'attribution est complétée par plusieurs dispositifs - système d'entraide national appelé « réserve nationale » favorisant des renforts d'inspecteurs, mise en place d'examens supplémentaires en soirée ou le samedi - permettant d'augmenter l'offre d'examens au niveau départemental.

Malgré ces mesures, le délai moyen d'attente entre deux présentations reste d'environ 98 jours au niveau national. Dans le département du Morbihan, il est inférieur à la moyenne nationale, soit 88 jours, tandis qu'en Bretagne, il est de 104 jours. Mais un délai de 88 jours, même s'il est inférieur à la moyenne nationale, reste, reconnaissons-le, tout de même important.

Cette situation a été prise en compte par la délégation à la sécurité et à la circulation routières, la DSCR, qui s'est efforcée de venir en aide à la région Bretagne via le système de la réserve nationale. Ainsi, au cours des douze derniers mois, la Bretagne a bénéficié d'environ 26 jours par mois au titre de la réserve nationale, ce qui a permis de raccourcir les délais entre deux présentations dans cette région.

En outre, Manuel Valls, quand il était ministre de l'intérieur, avait demandé à la présidente de la commission « jeunes et éducation routière » du Centre national de la sécurité routière de mener, à partir de l'automne 2013, une large concertation sur ce sujet auprès de tous les interlocuteurs concernés et de proposer un plan d'actions.

Une série de mesures dites « d'urgence » a été présentée et immédiatement mise en œuvre à la fin de 2013. Ces mesures sont destinées principalement à permettre la création d'une offre de places supplémentaires : recrutement en 2014 de 25 inspecteurs supplémentaires, octroi d'une enveloppe de 60 000 examens supplémentaires en 2014, système de renforts afin de compenser les inégalités territoriales.

Ces mesures doivent également permettre un meilleur fonctionnement du dispositif, la relance de la démarche d'harmonisation des pratiques d'évaluation des inspecteurs en examen B, la promotion des différentes formes de conduite accompagnée, l'amélioration de l'information et de la concertation au sein des instances nationale et départementales dédiées à l'attribution des places d'examen.

Les préconisations du groupe de travail concernant les mesures structurelles vont être remises à M. Bernard Cazeneuve dans les prochains jours. Au regard des enjeux pour notre jeunesse, M. le ministre de l'intérieur sera particulièrement attentif à cette question et mettra rapidement en œuvre les réponses qui sont nécessaires et que nous souhaitons durables.

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir rappelé la mesure positive de la loi de consommation relative aux frais de transfert d'une école à une autre. Néanmoins, par rapport à la diminution du nombre d'inspecteurs, des progrès restent à faire.

Le délai que vous avez indiqué pour le Morbihan est moins important que je ne le croyais. Il me semblait que ce délai était supérieur à la moyenne nationale, donc bien plus long. Selon vous, il n'en serait rien, ce serait même le contraire. Apparemment, je n'ai pas les bons chiffres.

La question du recours à l'emploi des inspecteurs retraités se pose aussi. Cette mesure a été d'autant plus critiquée que le chômage de masse explose depuis plusieurs années - cela ne date en effet pas d'hier - et que des personnes non retraitées pourraient occuper ces emplois d'inspecteurs. D'une manière générale, nous sommes favorables au renforcement du nombre d'inspecteurs afin que ce service public remplisse pleinement, en plus des examens du permis de conduire, ses missions de suivi en matière de sécurité routière.

L'austérité fragilise depuis plusieurs années les services publics - on l'a déjà vu à propos du CIO tout à l'heure -, et partant notre société ; il faut donc la combattre.

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