Question de M. DALLIER Philippe (Seine-Saint-Denis - UMP) publiée le 10/01/2014

Question posée en séance publique le 09/01/2014

M. Philippe Dallier. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

M. Gérard Longuet. Il est là !

M. Philippe Dallier. Lors de ses vœux aux Français, le Président de la République a donné le sentiment de vouloir infléchir la politique économique et budgétaire du Gouvernement. Cet infléchissement, du discours en tout cas, partait d'un constat : la croissance n'a pas été au rendez-vous en 2013. François Hollande a d'ailleurs, une nouvelle fois, reconnu avoir sous-estimé la gravité de la crise, donnant à ses vœux un air de mea-culpa. En effet, s'il faut un infléchissement, c'est bien que la politique conduite n'était pas la bonne !

Le Président semble enfin admettre que nos entreprises ont toujours un grave problème de compétitivité. Pourtant, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, instrument phare de la « boîte à outils » présidentielle, était censé y remédier, mais le bilan est là : en 2013, la marge de nos entreprises a atteint son niveau le plus faible historiquement. Pourquoi ? Tout simplement parce que les impôts et les charges pesant sur les entreprises ont augmenté de 16 milliards d'euros depuis l'été 2012, alors que le CICE n'a encore produit que peu d'effets. De toutes les manières, même en année pleine, il compensera à peine ces hausses. En quelque sorte, vous avez déjà repris d'une main ce que vous n'aviez pas encore donné de l'autre.

Le Président de la République ne pouvait pas mieux démontrer que le Gouvernement a eu grand tort de supprimer le dispositif de « TVA sociale » que nous avions adopté et qui aurait pu entrer en vigueur au 1er octobre 2012. Vous avez perdu dix-huit mois, et ces dix-huit mois se sont soldés par des milliers de chômeurs. Faut-il rappeler que 13 000 PME ont mis la clé sous la porte l'année dernière ? Voilà un autre record, vieux de vingt ans, que vous avez battu !

François Hollande nous a donc annoncé que le Gouvernement travaillait à un pacte de responsabilité et de compétitivité. Bonne nouvelle, car mieux vaut tard que jamais ! Cependant, monsieur le Premier ministre, le Parlement vient de voter le budget de l'État et celui de la sécurité sociale, et nous n'y avons rien vu qui ressemble à ce pacte. Le Président de la République a laissé entendre que celui-ci serait financé par des réductions de dépenses supplémentaires ; encore faudrait-il que de véritables réformes structurelles soient engagées et que vous cessiez d'annoncer de nouvelles dépenses tous les trois mois !

Monsieur le Premier ministre, le changement, est-ce maintenant ? Le discours des vœux présidentiels est-il vraiment le signe d'une inflexion sociale-libérale ? Si tel est bien le cas, quels sont les axes de ce pacte de responsabilité avec nos entreprises et, surtout, comment le financerez-vous ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 10/01/2014

Réponse apportée en séance publique le 09/01/2014

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je suis toujours étonné d'entendre, aussi bien au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, les représentants de l'UMP faire la leçon au Gouvernement (Exclamations sur les travées de l'UMP.),...

M. Alain Gournac. On pose des questions !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. ... sans être capable de présenter la moindre proposition. Ah, si, le président de votre parti, M. Copé, a annoncé une baisse des dépenses publiques de 130 milliards d'euros, mais sans jamais dire une seule fois de quelles dépenses il s'agissait.

M. Alain Fauconnier. C'est inouï !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous vous êtes bien gardés de le dire, car, lorsque vous étiez au pouvoir, vous avez démontré que vous faisiez exactement le contraire !

Dans ma déclaration de politique générale de juillet 2012, j'avais décrit la situation du pays. Je vous y renvoie : en cinq ans de présidence Sarkozy, la part de la dépense publique dans le PIB a augmenté de 4 points. Ce n'est pas nous qui l'avons fait, c'est vous !

M. Jean-Louis Carrère. C'est très fort !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous avons hérité d'une dette qui avait augmenté de 600 milliards d'euros ; le déficit budgétaire, si nous n'avions rien fait, aurait atteint 6 % du PIB !

M. Didier Guillaume. Eh oui !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Depuis que j'exerce les responsabilités de chef du Gouvernement, nous n'avons eu de cesse de mettre en œuvre un programme de redressement...

M. Alain Gournac. Pas productif !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. ... de la situation de notre pays. Nous ne sommes pas encore parvenus au terme de ce plan de redressement, monsieur le sénateur.

Puisque vous avez évoqué le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, je vous demande de faire preuve de mémoire. Rappelez-vous les amendements que vous avez proposés au Sénat.

Mme Françoise Cartron. Eh oui !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous savez de combien ils auraient augmenté la dépense publique ? De 70 milliards d'euros !

Mme Françoise Cartron. Voilà !

M. Didier Guillaume. Belle cohérence !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je vous appelle donc à un peu plus de décence et de responsabilité.

M. Alain Gournac. Et vous !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Après la présentation du rapport Gallois, j'avais annoncé un pacte pour la croissance, la compétitivité et l'emploi. Vous avez fait allusion à certaines de ses mesures, mais on pourrait ajouter l'organisation en filière, l'évolution de notre système de formation professionnelle, le soutien aux PME, la création d'une banque publique d'investissement et, enfin, la baisse du coût du travail. Cette dernière coûtera - je le rappelle, car certains la critiquent - 20 milliards d'euros au budget de l'État. Cet effort considérable qui est demandé à tous les Français a pour but de redonner des marges de manœuvre aux entreprises. C'est en 2014 que ces mesures seront effectives.

L'année dernière, les entreprises qui en faisaient la demande avaient la possibilité d'anticiper le bénéfice de ce crédit d'impôt, grâce aux avances de trésorerie de la Banque publique d'investissement, mais seulement une petite partie des entreprises, en particulier les PME, y ont fait appel. Aujourd'hui, toutes les entreprises vont pouvoir bénéficier de cette baisse du coût du travail de 4 %, qui devrait leur donner une marge de manœuvre très importante et qui devrait atteindre jusqu'à 6 % en 2015.

Grâce à cette marge de manœuvre supplémentaire, nous souhaitons redonner aux entreprises les capacités d'investir, d'innover et d'embaucher, au moment où les efforts entrepris portent leurs fruits en matière de croissance. En effet, nous sommes repartis sur un rythme de croissance beaucoup plus élevé que celui que nous avons connu en 2013, alors que, pendant cinq ans, depuis la crise de 2008-2009, le taux de croissance a été de 0 % en moyenne, avec tous les dégâts qui en résultent en termes de chômage, de pertes d'emplois dans les régions et de destructions d'entreprises. Voilà la réalité que nous connaissions dans notre pays !

Mais l'activité redémarre, en France et en Europe. C'est donc maintenant qu'il faut consolider notre situation. Tel est le sens du pacte proposé par le Président de la République aux entreprises et aux partenaires sociaux, pour que le redressement soit au service de l'emploi. La priorité de toutes les priorités, avec le retour de la croissance, c'est la création d'emplois. Dans cette bataille décisive, vous pourriez aussi apporter votre concours, au lieu de présenter des propositions démagogiques !

L'enjeu est essentiel pour l'avenir de notre pays. Bien sûr, nous n'en avons pas fini avec les difficultés financières, notamment avec la réduction de la dette, indispensable pour rendre des marges de manœuvre à notre pays ; le chantier est loin d'être terminé. Pour autant, nous voulons à tout prix préserver les fondamentaux de notre modèle social.

Comme l'a dit le Président de la République, mais cela, vous ne l'avez pas évoqué dans votre intervention, l'enjeu, c'est de réformer notre pays, de le moderniser, sans pour autant défaire ce qui fait sa cohésion, en particulier sa cohésion sociale, c'est-à-dire notre modèle social. Pour cela, il faut accepter des réformes, et la France est capable de se réformer !

Je voudrais prendre plusieurs exemples pour montrer que nous sommes capables de nous réformer, contrairement à ce qu'on dit dans cette espèce de mauvaise mode de France bashing dans laquelle vous vous laissez parfois entraîner. Qui donc a été capable de créer les conditions permettant aux partenaires sociaux de trouver, le 11 janvier 2012, un accord pour la réforme du marché du travail ? C'est cette majorité !

Il y a également eu la réforme des retraites.

M. Gérard Longuet. Quelle réforme ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Rappelez-vous, les autres réformes ont toujours donné lieu à des mouvements sociaux considérables. Cette réforme des retraites, après concertation, nous l'avons fait voter par l'Assemblée nationale, en dernière lecture, juste avant Noël.

J'en viens à la dernière réforme en date, celle dont vous allez débattre dans quelque temps et qui concerne la formation professionnelle, grâce à un accord intervenu, en fin d'année 2013, entre le patronat et les syndicats. J'espère, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous serez nombreux à voter cette nouvelle réforme.

Toutes ces réformes, y compris celle de la refondation de l'école, qui est, elle aussi, essentielle pour l'avenir de notre pays et de sa jeunesse, comme pour sa compétitivité, vont porter leurs fruits. Elles permettront à la France de repartir de l'avant avec puissance, force et confiance tout en gardant sa spécificité, son modèle social, qui est aussi le garant du pacte et de la solidarité nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

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