Question de M. GATTOLIN André (Hauts-de-Seine - ECOLO) publiée le 31/01/2014

Question posée en séance publique le 30/01/2014

Concerne le thème : Le déficit démocratique de l'Union européenne

M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le fonctionnement démocratique de l'Union européenne laisse encore très fortement à désirer, c'est un fait indéniable.

Ce déficit démocratique est généralement imputé aux institutions européennes ; mes collègues qui m'ont précédé n'ont d'ailleurs pas manqué de le rappeler, et ils n'ont pas tort ! Cependant, la responsabilité de cette situation incombe aussi à nos États, à nos gouvernements successifs et à la grande majorité des responsables nationaux, parlementaires inclus.

Qu'on l'aime ou qu'on l'abhorre, qu'on la rejoigne ou qu'on la quitte, l'Europe est désormais au cœur de tous nos enjeux politiques, économiques ou environnementaux. Or comment considère-t-on les élections européennes ? Comme un scrutin de seconde zone qui ne mérite pas qu'on s'y intéresse vraiment. En effet, les discours de façade lardés de belles intentions sont contredits de manière flagrante par nos pratiques.

Je ne prendrai ici qu'un seul exemple, mais il est assez emblématique. À la fin du mois prochain, le Sénat et l'Assemblée nationale suspendront leurs travaux durant cinq semaines à l'occasion de la tenue des élections municipales.

Alors que le Parlement vient enfin d'adopter une loi contre le cumul des mandats, nous persistons à cumuler les semaines de suspension à l'occasion de ces élections… Le scrutin municipal est un scrutin très important pour notre vie démocratique, je n'en disconviens évidemment pas, mais, dans un calendrier parlementaire de plus en plus démentiel, cette interruption est sans commune mesure avec celle qui précédera les prochaines élections européennes.

Car quelle durée est-elle prévue pour la suspension nos travaux en amont de celles-ci ? Rien, nada, nichts, nothing, niente, tipota, et même ništa si l'on veut parler croate ! Pas une seule semaine, pas même un misérable jour pour nous permettre, à nous, membres de la représentation nationale – et, de fait, citoyens européens – de nous impliquer pleinement dans cet enjeu capital pour l'Europe et pour notre pays.

Monsieur le ministre, ma question est simple. Quand va-t-on remédier à cette aberration de notre agenda ? À défaut de changer ce calendrier injuste, ne pourrions-nous pas, en avril ou en mai, décider de consacrer au moins une semaine entière de nos travaux à l'Europe et à la dimension européenne, aujourd'hui partout présentes dans nos choix et dans notre législation ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

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Réponse du Ministère chargé des affaires européennes publiée le 31/01/2014

Réponse apportée en séance publique le 30/01/2014

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous avez raison : nous nous accordons tous pour reconnaître que les élections européennes sont vraiment un moment déterminant de la vie démocratique européenne, en raison du poids de plus en plus important du Parlement européen dans la prise des décisions européennes, mais également de l'impulsion législative ainsi donnée aux textes débattus au Sénat et à l'Assemblée nationale.

C'est d'autant plus vrai que, pour la première fois cette année, en application du traité de Lisbonne, les parlementaires européens éliront le prochain président de la Commission européenne. Ils le feront, vous le savez, sur la base d'une proposition du Conseil européen, mais les chefs d'État et de gouvernement devront tenir compte, justement, des équilibres politiques issus de ce scrutin.

C'est la raison pour laquelle un certain nombre de partis politiques ont d'ores et déjà choisi leurs chefs de file pour cette campagne, ce qui permettra aux électeurs de mieux comprendre les différences entre les programmes soumis à leur vote.

La responsabilité du déficit démocratique, monsieur le sénateur, ne revient pas aux seuls gouvernements. Chaque partie prenante - institutions européennes, partis politiques - doit agir à son niveau. Pour ce qui nous concerne, nous avons évidemment pris les dispositions nécessaires afin de garantir un excellent déroulement du vote, avec une campagne d'information sur les enjeux de ce scrutin.

Vous avez évoqué la suspension des travaux parlementaires qui précède certaines échéances électorales. Vous savez que celle-ci est non pas une règle, mais une tradition. Il appartient à chaque chambre du Parlement de décider de la manière dont elle veut aborder le scrutin.

Plusieurs parlementaires peuvent prendre l'initiative de répondre à cette question, en demandant, par exemple, que le Sénat ou l'Assemblée nationale consacrent des débats spécifiques à l'Europe, ce qui aura aussi une vertu pédagogique pour nos concitoyens.

J'invite donc celles et ceux d'entre vous qui ont le pouvoir d'intervenir sur la fixation de l'ordre du jour à y inscrire, pendant quelques semaines, des débats sur la dimension européenne, afin d'éclairer ceux qui iront voter - en nombre, je l'espère -, le 25 mai prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour la réplique.

M. André Gattolin. Monsieur le ministre, puisque M. le président du Sénat préside cette séance, je pense qu'il aura entendu le message !

Plus généralement, il me semble qu'il faudrait, sur l'initiative des parlementaires, mais aussi du Gouvernement, consacrer chaque année une semaine de débats parlementaires, au minimum, aux questions européennes.

Les membres de la commission des affaires européennes sont trente-six officiellement - en réalité, une petite douzaine travaillent vraiment.

M. Alain Gournac. Ah !

M. André Gattolin. Ils participent aux travaux de deux commissions - une commission permanente et la commission des affaires européennes - et servent de relais.

Toutefois, lors des débats européens, ils rencontrent parfois de véritables problèmes de compréhension et de communication avec leurs autres collègues ; si nous sommes particulièrement nombreux aujourd'hui dans cet hémicycle, c'est en partie en raison de la retransmission télévisée de cette séance de questions ! Or si les parlementaires nationaux ne peuvent pas être les relais, non pas du discours des institutions européennes, mais d'un discours sur l'Europe, il ne faut pas s'étonner que les citoyens participent de moins en moins aux élections européennes.

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