Question de M. WATRIN Dominique (Pas-de-Calais - CRC) publiée le 17/01/2014

Question posée en séance publique le 16/01/2014

Concerne le thème : Devenir des élections prud'homales

M. Dominique Watrin. Monsieur le ministre, vous vous apprêtez, à la faveur du projet de loi sur la formation professionnelle, à supprimer les élections prud'homales. Je constate simplement que vous semblez bien seul à défendre cette idée au sein de cet hémicycle…

Pour justifier ce qui nous paraît être un recul social et démocratique majeur, vous invoquez un taux de participation trop faible. Or, si la pertinence d'une élection se mesurait uniquement à l'aune de son taux de participation, on serait contraint de s'interroger sur la suppression d'autres scrutins. En effet, la crise de la représentation dépasse aujourd'hui la seule sphère de la démocratie sociale.

Vous opposez ensuite le coût des élections prud'homales, à savoir près de 100 millions d'euros. Pourtant, monsieur le ministre, cela représente un euro par an et par électeur potentiel à une élection prud'homale. Est-ce bien important si l'on compare ce chiffre aux 20 milliards d'euros accordés aux entreprises au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE ?

La démocratie sociale a peut-être un coût, mais il faut aussi, et c'est le plus important, l'évaluer en rapport avec la légitimité nécessaire à une juridiction prud'homale, plus particulièrement en cette période où les entraves au droit du travail et au droit syndical se multiplient. Ne préparez-vous pas en réalité l'affaiblissement et la suppression des prud'hommes ? Cette question n'a pas encore été posée.

Je rappelle que, dans le cadre de la loi relative à la sécurisation de l'emploi que vous avez fait voter, certaines contestations sur les plans de sauvegarde de l'emploi et les licenciements ne peuvent plus être soumises directement aux prud'hommes, mais doivent passer par la case du tribunal administratif.

Monsieur le ministre, vous avez affirmé que les organisations syndicales étaient d'accord. C'est faux : la CGT, FO et la CFE-CGC se sont, au sein du Conseil supérieur de la prud'homie, opposées à cette contre-réforme. L'UNSA, Solidaires et les employeurs de l'économie sociale ont également exprimé leur attachement aux élections prud'homales. Pourquoi ne pas réfléchir, comme vous y engagent les organisations syndicales, à un autre mode d'élection au sein des entreprises, en lien avec les instances représentatives du personnel ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.)

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Réponse du Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social publiée le 17/01/2014

Réponse apportée en séance publique le 16/01/2014

M. Michel Sapin, ministre. Monsieur le président, le risque de répétition de mes arguments grandit avec le nombre de questions auxquelles je réponds... Je m'en tiendrai donc à l'essentiel.

S'agit-il de mettre en cause les prud'hommes ? Non. Il convient au contraire de conforter cette institution fondamentale ; je l'ai déjà dit à quatre reprises et je saisis cette occasion pour vous le redire une cinquième fois. (Mme Éliane Assassi s'exclame.) Ma crainte, qui est partagée par la quasi-totalité des organisations syndicales - elles vous le confirmeront si vous leur posez la question -, c'est que la baisse de la participation n'aboutisse à une dévalorisation de la légitimité de cette institution.

Nous pourrons rediscuter de cette question, sur laquelle je ne prétends pas détenir le savoir universel, mais sachez que ma volonté est de renforcer la légitimité des conseils de prud'hommes par un mode de désignation que vous ne pouvez pas dénoncer, monsieur Godefroy, puisqu'il s'agit de faire confiance aux organisations syndicales en fonction de leur représentativité sur le territoire concerné ou au plus proche de celui-ci.

Certaines représentativités territoriales pouvant être différentes des représentativités nationales, il en sera évidemment tenu compte. Il ne s'agit pas de mettre en place un monopole indépendamment de la réalité du territoire et de façon uniforme partout ; c'est au contraire cette réalité qui servira de base à la désignation par les organisations concernées. Je tiens à vous rassurer sur ce point, monsieur le sénateur.

Telles sont les raisons extrêmement pragmatiques qui me permettent de vous redire, avec la même force que vous, mon attachement très fort à cette institution prud'homale. Je souhaite qu'elle perdure, et même qu'elle soit renforcée. J'en ai assez que l'on reporte d'un an ou deux les élections prud'homales, comme cela s'est produit à deux reprises, en raison de l'absence de solution. On ne peut pas toujours tout remettre au lendemain. Cette fois, nous vous proposons un débat en vue de trouver une issue à ce problème.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour la réplique.

M. Dominique Watrin. Depuis le début de la séance, monsieur le ministre, vous faites régulièrement référence à la représentativité des salariés et, indirectement, à la transposition d'un accord national interprofessionnel de 2008. Or, à cette époque, les organisations syndicales ne s'étaient pas prononcées sur la suppression des élections prud'homales.

Par ailleurs, je note que cette mesure constitue un recul, puisque, lors du débat au Sénat sur le report des élections à 2015, le groupe socialiste avait fait connaître son hostilité à ce report...

Mme Éliane Assassi. Tout à fait !

M. Dominique Watrin. ... et qu'il s'était opposé par anticipation à la substitution de ces élections, par l'application des mesures de représentativité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)

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