Question de Mme SCHILLINGER Patricia (Haut-Rhin - SOC) publiée le 02/12/2010

Mme Patricia Schillinger attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur les inquiétudes que suscite la concentration, dans les mains du même acteur, de l'ensemble des journaux de l'Est de la France. En effet, la banque, « le Crédit Mutuel », en prenant le contrôle du groupe Est Républicain est devenu le premier groupe de presse régionale français et contrôle désormais les quotidiens Le Progrès, Le Dauphiné Libéré, Le Bien Public, le journal de Saône-et-Loire qui forment le groupe EBRA (Est-Bourgogne-Rhône-Alpes), L'Alsace (Mulhouse), Le Républicain Lorrain (Metz), L'Est Républicain, les Dernières Nouvelles d'Alsace, Vosges Matin et Le Journal de la Haute-Marne.
En créant un monopole de la presse régionale et départementale de l'Est s'étendant de la frontière luxembourgeoise à Avignon et en restant muette sur sa stratégie et ses motivations, la banque mutualiste laisse planer un doute quant à l'indépendance rédactionnelle de ces différents quotidiens. La crainte est, en effet, que la centralisation des outils et la mutualisation des contenus éditoriaux ne nuisent au pluralisme de l'information.
En conséquence, elle souhaiterait savoir quels sont les moyens qu'il envisage de mettre en œuvre en vue de préserver la liberté de la presse dans l'Est, et comment il compte garantir l'indépendance des différentes rédactions alors que celles-ci sont toutes sous le contrôle d'un seul et même acteur.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 03/03/2011

La nécessité d'assurer la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels est, en droit, un « objectif de valeur constitutionnelle » comme le rappelle régulièrement le conseil constitutionnel. La réglementation de la concurrence est en conséquence très précise en France dans le secteur de la presse auquel s'applique par ailleurs le droit commun de la concurrence. D'une part, la loi n° 86-897 du 1er août 1986 relative au régime juridique de la presse interdit, à peine de nullité, à une personne ou un groupement de personnes de procéder à des opérations qui lui donneraient la propriété, le contrôle direct ou indirect ou l'édition en location-gérance des quotidiens d'information politique et générale dont la diffusion totale excèderait 30 % de la diffusion en France de toutes les publications de cette nature. En l'espèce, il résulte d'une analyse effectuée par les services du ministère de la culture et de la communication que l'ensemble constitué du groupe EBRA et du Crédit mutuel représente 18,91 % de l'ensemble de la diffusion payée (France + étranger) des quotidiens payants diffusés, soit 1,187 million d'exemplaires par jour en moyenne annuelle (année 2009). L'ensemble ne dépasse donc pas le seuil des 30 % et se situe encore bien en deça de ce seuil, si l'on prend en compte les quotidiens d'information générale et politique gratuits. D'autre part, les articles 41-1 à 41-2-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication contiennent un certain nombre de dispositions destinées à prévenir les atteintes au pluralisme dans le secteur des médias en général aux plans national, régional et local. Enfin, les concentrations d'entreprises de presse sont également soumises au droit commun de la concurrence (cf. article L. 430-1 et suivants du code de commerce). Ce dispositif prévoit le contrôle par l'Autorité de la concurrence des opérations de concentration significatives définies par le code de commerce. En l'espèce, la prise de contrôle exclusif de la société Est Bourgogne Rhône-Alpes (EBRA) (exploitant, notamment, Le Progrès, Le Dauphiné libéré, Le Journal de Saône-et-Loire et Le Bien public) par le Crédit Mutuel alors que cette société était auparavant une filiale conjointement contrôlée par la banque (à 49 %) et L'Est républicain (à 51 %) a été autorisée par l'Autorité de la concurrence (cf. décision n° 09-DCC-72 du 14 décembre 2009). Cette dernière a estimé que cette opération n'était pas de nature à créer une situation d'abus de position dominante en faveur du Crédit mutuel dans le secteur des médias et, en particulier, sur les marchés de la presse hebdomadaire régionale, de la presse spécialisée et de la presse gratuite. Par ailleurs, à côté des mécanismes propres à garantir le pluralisme de la presse, le statut des journalistes résultant du code du travail leur garantit une réelle indépendance en facilitant leur départ d'une entreprise dont ils ne partageraient plus les valeurs ou à l'occasion d'un changement de propriétaire (clause de conscience, clause de cession). Le Gouvernement reste attentif à préserver les objectifs fondamentaux que constituent la garantie du pluralisme et de l'impartialité de l'information.

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