Question de M. BIWER Claude (Meuse - UC) publiée le 23/12/2010

M. Claude Biwer attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conclusions de deux avis rendus le 7 décembre 2010 par l'Autorité de la concurrence, qui dénoncent certaines mauvaises pratiques de la grande distribution alimentaire qui entravent la concurrence.

Ceux-ci mettent notamment l'accent sur l'insuffisance de concurrence jugée préoccupante dans certaines zones géographiques, y compris urbaines, sur certaines entraves au marché qui s'observent dans la manière dont les enseignes lient à elles les magasins dits "indépendants" et enfin sur le développement du "management catégoriel", qui consiste à déléguer à une marque l'animation d'un rayon ce qui peut favoriser certains industriels au détriment des PME.

Il la prie de bien vouloir préciser les mesures qu'elle compte prendre afin de porter remède à cette situation préjudiciable aux consommateurs, soit en suivant les recommandations de l'Autorité de la concurrence, soit en laissant le soin au Parlement de légiférer sur ce sujet.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation publiée le 16/02/2011

Réponse apportée en séance publique le 15/02/2011

M. Claude Biwer. Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi d'attirer votre attention sur les conclusions de deux avis rendus le 7 décembre 2010 par l'Autorité de la concurrence, qui visent à dénoncer certaines mauvaises pratiques de la grande distribution alimentaire entravant la concurrence.

Ces avis mettent notamment l'accent sur l'insuffisance de concurrence, jugée préoccupante dans certaines zones géographiques, y compris urbaines, sur certaines entraves au marché qui s'observent dans la manière dont les enseignes lient à elles les magasins dits indépendants et, enfin, sur le développement du management catégoriel qui consiste à déléguer à une marque l'animation d'un rayon, ce qui peut favoriser certains industriels au détriment des PME.

Voilà de nombreuses années que je m'intéresse à ce problème : j'ai ainsi demandé à plusieurs reprises la création d'une mission parlementaire sur ce sujet, proposition d'ailleurs restée sans suite.

Je constate que les méthodes n'ont pas beaucoup évolué depuis toutes ces années ; et si elles changent, c'est toujours au détriment des fabricants ou des producteurs : ces derniers n'ont en effet pas le retour qu'ils sont en droit d'attendre sur le prix des produits.

Monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour porter remède à cette situation préjudiciable à la fois aux consommateurs, que vous soutenez régulièrement ainsi que vous venez de le préciser, et aux producteurs ? Va-t-il suivre les recommandations de l'Autorité de la concurrence ou laisser le soin au Parlement de légiférer sur ce thème ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur Biwer, prenons, si vous le voulez bien, les deux avis de l'Autorité de la concurrence l'un après l'autre.

Concernant tout d'abord la gestion du foncier commercial et les contrats d'affiliation des magasins indépendants aux différents groupes de distribution alimentaire, l'Autorité de la concurrence, comme vous l'avez rappelé, juge préoccupante l'insuffisance de concurrence dans certaines zones géographiques, y compris urbaines, et pointe certaines entraves au marché qui s'observent dans la manière dont les enseignes lient à elles les magasins dits indépendants.

Il s'agit notamment de la relative rareté du foncier éligible à une activité commerciale à dominante alimentaire, des clauses de non-concurrence et des droits de priorité pouvant aller jusqu'à cinquante ans introduits parfois dans les contrats de vente et d'achat de terrains, et, enfin, de l'étanchéité entre les différents réseaux de distribution liée à une relation de quasi-exclusivité entre les groupes et leurs affiliés.

Le Gouvernement – je ne vous le cache pas – est particulièrement sensible à cet avis.

En effet, en cette période de marges de manœuvre budgétaires restreintes, les mesures renforçant la concurrence entre opérateurs constituent l'un des moyens d'augmenter le pouvoir d'achat des consommateurs et, de surcroît – vous l'avez souligné –, de protéger les acteurs les plus fragiles.

Plusieurs axes, identifiés par l'Autorité de la concurrence, notamment, seront expertisés en lien avec les professionnels concernés. Il s'agit de faire coïncider la durée des différents contrats, d'encadrer les clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence post-contractuelles, et d'encadrer les droits de priorité au profit des groupes de distribution.

Concernant le management catégoriel, l'Autorité de la concurrence, dans son avis, rappelle que les « capitaines de catégorie » sont principalement des conseillers des distributeurs et n'ont a priori pas de pouvoir décisionnaire sur leur politique commerciale. Toutefois, pour éviter que ces nouvelles formes de collaboration ne posent problème, l'Autorité formule plusieurs recommandations et appelle à la préparation d'un code de bonnes pratiques.

Le management catégoriel est un phénomène récent qui a commencé à se développer au cours des trois dernières années et n'a suscité jusqu'à présent aucune plainte.

Par ailleurs, comme l'a souligné l'Autorité de la concurrence, les dispositions du code de commerce sur les abus de position dominante et les ententes horizontales paraissent suffisantes pour prévenir les risques potentiels d'éviction et d'entente qui pourraient être soulevés par les contrats de management catégoriel. J'ai ainsi demandé à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, d'être vigilante dans le cadre notamment de ses enquêtes sur les pratiques commerciales restrictives de concurrence.

Enfin, j'appuie tout à fait la décision de Catherine Vautrin, présidente de la commission d'examen des pratiques commerciales, la CEPC, prise lors de la réunion du 15 décembre 2010, de lancer un groupe de travail sur le projet d'élaboration d'un code de bonnes pratiques. J'ai demandé à la DGCCRF d'y participer. Ce code de bonnes pratiques est de nature à répondre à un grand nombre des préoccupations que vous avez exprimées à l'instant.

Comme vous le savez – je l'ai d'ailleurs répété la semaine dernière lors de mon audition devant la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire –, ma méthode d'action pour protéger les consommateurs se fonde, autant que faire se peut, sur le dialogue avec les acteurs économiques. Je considère que l'assignation ne doit arriver qu'en dernière limite.

Vous avez fait référence à la question des négociations commerciales qui peuvent exister entre distributeurs et fournisseurs. J'ai eu l'occasion, au cours d'une réunion que Bruno Lemaire et moi-même présidions, en présence de producteurs, de distributeurs et d'industriels, de rappeler les principes de la loi : le Gouvernement n'hésitera pas, quand il y a déséquilibre significatif, abus de la puissance d'achat ou pratiques contribuant à ce déséquilibre significatif – le déférencement brutal en est un exemple –, à assigner ceux – la plupart des acteurs ont signé des accords – qui ne respecteraient pas les bonnes pratiques auxquelles ils se sont engagés.

Vous pouvez compter sur la fermeté du Gouvernement pour faire appliquer la loi de modernisation de l'économie, ou LME, et l'esprit de cette dernière, en recourant à tous les outils qui sont aujourd'hui à sa disposition. Le principe est donc le respect des bonnes pratiques et, si nécessaire, l'assignation.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le secrétaire d'État, vos propos m'ont rassuré quant à vos intentions, dont je ne doutais d'ailleurs pas.

Mon intervention n'avait d'autre objectif que de vous aider à trouver la bonne formule. Mieux vaut souvent un bon accord qu'un mauvais procès. Je souhaiterais, s'agissant de cette filière un peu difficile à maîtriser, qu'il soit tenu compte des préoccupations s'exprimant aux deux extrémités de la chaîne, du producteur au consommateur. Ce n'est pas facile, je le sais, mais nous devons être unis en vue d'atteindre cet objectif.

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