Question de M. REINER Daniel (Meurthe-et-Moselle - SOC) publiée le 02/12/2010

M. Daniel Reiner attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement sur les carences constatées de l'État en Meurthe-et-Moselle en matière d'instruction de permis de construire.

Depuis le 1er janvier 2010, les DDT (directions départementales des territoires), issues des DDEA (directions départementales de l'équipement et de l'agriculture), mettent en œuvre les politiques publiques d'aménagement et de développement durable des territoires. Créées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), les DDT font partie des nouveaux services déconcentrés de l'État à compétence interministérielle. À ce titre, elles sont chargées de l'instruction des permis de construire pour les communes de moins de 10 000 habitants, les EPCI de moins de 20 000 habitants. En outre, l'article L. 422-8 du code de l'urbanisme dispose qu'une assistance juridique et technique ponctuelle peut être gratuitement apportée par les services déconcentrés de l'État, pour l'instruction des demandes de permis, à toutes les communes et établissements publics de coopération intercommunale compétents.

Or, on assiste actuellement dans le département de Meurthe-et-Moselle à de nombreux dysfonctionnements en la matière aboutissant à des erreurs, voire à la délivrance de permis tacites.

Interrogé sur le sujet, le préfet de Meurthe-et-Moselle reconnaît non seulement ces dysfonctionnements qu'il attribue à : « une baisse continue des effectifs et à l'impossibilité de publier en externe les postes qui deviennent vacants », mais il ajoute que : «que si ces difficultés (qui) affectent essentiellement l'arrondissement de Nancy, elles vont inéluctablement, à plus ou moins long terme, concerner l'ensemble du département ».

Bien évidemment, les communes et intercommunalités qui souhaitent apporter le service à leur population réfléchissent à se doter elles-mêmes de services d'instructions compétents. Et le représentant de l'État dans son département se déclare « naturellement prêt à apporter tout l'appui nécessaire aux collectivités qui s'engagent dans cette démarche ».

En conséquence, elle s'interroge sur ce qui peut apparaître comme le « glissement » d'une compétence, qui doit être assurée par l'État, vers les collectivités locales sous couvert de gestion de la carence de l'État dans ce domaine et souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement en la matière.

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Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement publiée le 22/12/2010

Réponse apportée en séance publique le 21/12/2010

M. Daniel Reiner. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les carences constatées de l'État dans mon département, la Meurthe-et-Moselle – nous sommes encore en Lorraine ! –, en matière d'instruction des permis de construire.

Cette question a été soulevée lors de l'assemblée générale des maires de ce département au mois d'octobre dernier : de nombreux maires de l'arrondissement de Nancy ont en effet relevé un certain nombre d'erreurs dans l'instruction des permis de construire ou la délivrance de permis tacites.

Depuis le 1er janvier 2010, les directions départementales des territoires, qui sont issues des directions départementales de l'équipement et de l'agriculture, mettent en œuvre les politiques publiques d'aménagement et de développement durable des territoires.

Créées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la fameuse RGPP, les DDT font partie des nouveaux services déconcentrés de l'État à compétence interministérielle. À ce titre, elles sont chargées de l'instruction des permis de construire pour les communes de moins de 10 000 habitants et les EPCI de moins de 20 000 habitants. Les autres, en vertu d'une ordonnance de 2005, règlent les affaires par elles-mêmes.

En outre, l'article L. 422-8 du code de l'urbanisme dispose qu'une assistance juridique et technique ponctuelle peut être gratuitement apportée par les services déconcentrés de l'État, pour l'instruction des demandes de permis, à toutes les communes, quel que soit le nombre d'habitants, et les établissements publics de coopération intercommunale compétents.

Or on assiste actuellement dans le département de la Meurthe-et-Moselle à de nombreux dysfonctionnements en la matière aboutissant à des erreurs, voire à la délivrance de permis tacites parce que les délais autorisés sont dépassés.

Interrogé sur le sujet, le préfet de Meurthe-et-Moselle non seulement reconnaît ces dysfonctionnements qu'il attribue à « une baisse continue des effectifs et à l'impossibilité de publier en externe les postes qui deviennent vacants », mais ajoute aussi que « ces difficultés qui affectent essentiellement l'arrondissement de Nancy vont inéluctablement, à plus ou moins long terme, concerner l'ensemble du département ».

Bien évidemment, les communes et intercommunalités qui souhaitent offrir un service convenable à leurs administrés réfléchissent à se doter elles-mêmes des moyens d'instruction adéquats. Dans le département dont je suis l'élu, le représentant de l'État se déclare d'ailleurs « naturellement prêt à apporter tout l'appui nécessaire aux collectivités qui s'engagent dans cette démarche ».

Cependant, je m'interroge sur ce qui peut apparaître comme le « glissement » vers les collectivités locales d'une compétence qui, pour l'instant, doit être assurée par l'État. Certes, en la matière, depuis les lois de décentralisation de 1982, la signature est accordée aux mairies, ainsi que, le cas échéant, aux collectivités intercommunales. Toutefois, pour les communes de moins de 10 000 habitants, la loi prévoit que l'instruction des demandes reste du ressort de l'État.

Or, pour pallier la carence de l'État dans ce domaine, les collectivités sont amenées à prendre également en charge l'instruction des dossiers et à créer en conséquence des postes de personnels. Et l'on dit ensuite que les charges des collectivités augmentent !

J'aimerais donc savoir quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière. Madame la ministre, face à ces dysfonctionnements, comptez-vous donner aux directions départementales des territoires les moyens nécessaires pour remplir leurs missions, ce qu'elles sont aujourd'hui, à leur grand désespoir d'ailleurs, dans l'incapacité de faire ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, vous avez appelé mon attention sur les difficultés d'instruction des demandes d'autorisation en urbanisme par la direction départementale des territoires, la DDT, en Meurthe-et-Moselle.

Cette direction départementale des territoires a en effet rencontré des difficultés à pourvoir certains postes devenus vacants. C'est pourquoi il a pu arriver que, localement, les services instructeurs connaissent des dysfonctionnements momentanés, qui se sont traduits par des retards dans l'instruction des dossiers et par un recours plus important à la délivrance d'autorisations tacites. Ces dernières sont rendues possibles par le code de l'urbanisme et ne signifient aucunement, je le précise, qu'il n'y a pas eu d'instruction, même s'il est vrai qu'un tel cas de figure a pu se présenter.

Je constate cependant que, au regard des indicateurs de suivi de l'activité des services dont je dispose, la DDT de Meurthe-et-Moselle se situe dans la moyenne nationale : le délai moyen d'instruction y est de 52 jours et 86 % des projets de décision sont transmis au moins 8 jours avant la date limite.

De manière plus générale, depuis la mise en place de la révision générale des politiques publiques, le ministère en charge de l'urbanisme participe à l'effort de réduction des déficits budgétaires, ce qui se traduit, au cours de la période 2009-2012, par la suppression progressive de l'ingénierie publique concurrentielle.

L'objectif est en effet de recentrer l'expertise d'ingénierie publique sur les missions de service public, en particulier sur les prestations de solidarité et les politiques de développement durable.

Je puis par conséquent vous assurer que le ministère de l'urbanisme n'a pas l'intention de faillir aux obligations que lui confère la loi en matière d'assistance apportée aux communes dans l'instruction des autorisations de construire.

Pour assurer au mieux cette mission, le ministère a engagé cette année un vaste plan de modernisation visant à intégrer progressivement la géomatique et la dématérialisation des procédures dans l'instruction des autorisations d'urbanisme. Conjugué aux mesures de simplification de l'urbanisme auxquelles nous travaillons en ce moment, ce plan de modernisation devra permettre d'assurer le maintien de la qualité du service rendu aux communes. L'ensemble des directions départementales des territoires seront ainsi dotées, dans le courant de l'année 2011, d'un outil géomatique, adossé au logiciel d'instruction, qui permettra une instruction géolocalisée des demandes. Je veillerai d'ailleurs à ce que la DDT de Meurthe-et-Moselle soit parmi les premières à bénéficier de cet outil.

Enfin, lorsque les communes souhaiteront, par exemple, confier cette compétence d'instruction à un établissement public de coopération intercommunale, la DDT facilitera bien sûr la mise en place d'un tel service et apportera gratuitement un soutien en termes de formation, d'appui méthodologique et d'expertise. Ainsi ce service pourra-t-il bénéficier de l'expérience accumulée par l'État.

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, à travers laquelle vous reconnaissez d'ailleurs les difficultés que rencontrent vos services. Je ferai part aux personnes concernées de vos projets de modernisation technique. Je crains cependant que l'on ne continue de manquer, pour instruire les permis de construire, de moyens humains, d'autant que les dispositifs techniques ne peuvent remplacer complètement ces derniers.

En revanche, en tant que membre du comité directeur de l'association des maires du département de Meurthe-et-Moselle, je constate que les communautés de communes, devant la mauvaise qualité du service rendu par l'État aux administrés, sont conduites à faire le travail elles-mêmes.

Certes, le préfet et la direction départementale des territoires sont disposés à les aider. Toutefois, les communautés de communes doivent alors embaucher un ingénieur et deux attachés d'administration, ce qui crée pour elles des charges supplémentaires. Or ces collectivités, qui ont souvent moins de 20 000 habitants, ne sont normalement pas concernées par le transfert de compétences prévu par la loi !

Si l'État considère qu'il ne peut plus assurer convenablement sa mission d'instruction des demandes de permis de construire – il faudra vous prononcer clairement sur ce point, madame la ministre –, il convient d'aller jusqu'au bout du raisonnement suivi : puisque, depuis 1982, la commune s'est vu reconnaître une compétence en ce domaine, il faut lui confier aussi l'instruction des dossiers. Il revient alors à l'État d'estimer le coût de ce service et de transférer aux collectivités locales les financements correspondants. En effet, les collectivités locales qui, aujourd'hui, traitent ces dossiers le font en quelque sorte « hors la loi » et doivent en assurer elles-mêmes le financement !

Il faudrait éclaircir une situation qui est aujourd'hui très confuse. Ou bien l'État s'engage à conserver ses prérogatives pendant les prochaines années et à accorder les moyens technologiques et humains nécessaires pour que l'instruction des dossiers soit assurée convenablement, ce qui éviterait en outre à ses services nombre de contentieux souvent pénibles à gérer. Ou bien l'État choisit de transférer ses compétences aux collectivités locales ; cette solution est également valable, mais il faudra alors mettre les moyens nécessaires. Il faut trancher !

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