Question de M. MERCERON Jean-Claude (Vendée - UC) publiée le 15/12/2010

Question posée en séance publique le 14/12/2010

Concerne le thème : L'avenir de la filière photovoltaïque

M. Jean-Claude Merceron. Madame la ministre, pour la seule année 2010, les deux baisses successives du prix de rachat de l'électricité produite à partir de panneaux photovoltaïques ont considérablement modifié les équilibres financiers des investisseurs.

La semaine dernière, un décret a suspendu pendant trois mois purement et simplement l'obligation de rachat d'électricité.

Dans nos territoires, notamment en Vendée, l'instabilité de la réglementation et l'absence de sortie en sifflet des dispositifs menacent gravement la filière : investisseurs, chefs d'entreprise, salariés, tous naviguent à vue.

M. Roland Courteau. Exactement, ils manquent de visibilité !

M. Jean-Claude Merceron. Comptez-vous prévoir un calendrier stable de la sortie ou de la modification des dispositifs pour donner un peu de visibilité aux investisseurs, s'il en reste, pour la période 2011-2015 ?

À côté des investisseurs privés, le moratoire touche des collectivités territoriales. Je suis président d'un syndicat d'énergie qui regroupe l'ensemble des communes de la Vendée. Nous venons, au terme d'une procédure exemplaire relevant du code des marchés publics, procédure contraignante et longue par définition, de signer un contrat de partenariat public-privé pour construire quatre centrales au sol sur d'anciens centres d'enfouissement de déchets.

Cette opération s'est vu décerner en octobre dernier le prix national des partenariats publics-privés 2010. Une opération comme celle-ci s'inscrit parfaitement dans le Grenelle de l'environnement : elle n'utilise aucun terrain agricole ou constructible ; elle valorise des sols inutilisables pendant trente ans ; elle permet d'injecter dans l'économie 42 millions d'euros, dont 20 % de travaux confiés à des entreprises locales ; elle ne constitue pas une aubaine financière, car elle ne dégage qu'une faible rentabilité, néanmoins supportable pour un partenaire public.

Madame la ministre, au lieu de condamner l'ensemble des projets photovoltaïques, comptez-vous discerner les opérations vertueuses des effets d'aubaine et faire sortir du moratoire les projets de collectivités qui portent au niveau local la politique environnementale du Gouvernement ?

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Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement publiée le 15/12/2010

Réponse apportée en séance publique le 14/12/2010

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Monsieur le sénateur, je comprends le mécontentement des industriels de la filière. Qui ne serait pas mécontent à leur place ?

Cela dit, pourrons-nous raisonnablement d'ici à quelques années, regarder nos concitoyens dans les yeux en leur disant que, si la contribution au service public de l'électricité, la CSPE, qui est la part sur la facture d'électricité servant à promouvoir les énergies renouvelables, augmente, c'est pour soutenir l'industrie chinoise ?

M. Roland Courteau. C'est la cogénération qui fait augmenter la CSPE !

M. Marc Daunis. Tout à fait !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. C'est une part de la vérité malgré tout, même si ce n'est pas toute la vérité et même si le photovoltaïque génère aussi des emplois en France. Ce que je dis ne vaut évidemment que pour le photovoltaïque.

En tout cas, nous devons aux industriels qui se sont engagés plus de visibilité. Or, du fait des faiblesses du système de soutien que nous avons mis en œuvre, nous avons été obligés de procéder à des ajustements à plusieurs reprises, baissant le tarif et créant ainsi une incertitude dans la filière, ce qui n'était pas favorable à son développement. Par conséquent, aussi bien pour le développement d'une vraie filière industrielle en France que pour les consommateurs, nous devons opérer cette remise à plat.

Évidemment, la difficulté est également réelle pour les collectivités locales – je le mesure parfaitement en tant qu'élue locale –, car elles sont confrontées, au même titre qu'un particulier ou qu'une entreprise, à la remise en cause de leurs projets, alors que ceux-ci sont généralement le fruit d'un consensus politique.

Pour autant, je ne peux accepter l'idée de faire le tri entre les projets au profit des collectivités locales. J'aurais aimé pouvoir sélectionner les projets les plus vertueux et écarter ceux qui l'étaient moins, mais une telle mesure aurait été fragile juridiquement et extrêmement attaquable. Par conséquent, nous avons fait le choix de suspendre l'ensemble des projets de plus de 3 kilowatts et de travailler pendant une période de trois mois à la concertation de telle sorte qu'à la fin seuls surnageront les projets les plus vertueux du point de vue de l'environnement et de la constitution d'une véritable filière industrielle française. Ce sont eux que nous continuerons à financer.

Le tri doit donc se faire, mais il ne pourra s'opérer qu'à l'issue de la période de concertation. L'imposer d'emblée dans le décret aurait été extrêmement attaquable.

M. Roland Courteau. Permettez-moi d'en douter !

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, pour la réplique.

M. Jean Boyer. Madame la ministre, la déception que j'ai éprouvée ce matin face à Benoist Apparu lors de la séance de questions orales se prolonge ce soir. Elle a été alimentée plusieurs fois dans la journée non par des appels de détresse, je n'irai pas jusque-là, mais par des manifestations de grande inquiétude.

J'ai bien entendu les raisons qui ont motivé l'adaptation d'un dispositif victime de son propre succès. Mais gérer, n'est-ce pas aussi prévoir ? (Sourires approbateurs sur les travées du groupe socialiste.)

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean Boyer. Il existait des moyens de prévenir les effets d'aubaine sans pour autant condamner l'ensemble de la filière et des investisseurs via une baisse générale des montants alloués par les différents dispositifs.

Or le Gouvernement a refusé, lors de la discussion de l'article 13 du projet de loi de finances pour 2011, la mise en place d'un agrément au premier euro ou encore la mise en place de quotas –même s'ils sont discutables – par type d'installation.

Madame la ministre, il faut séparer spéculation et production raisonnable.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Jean Boyer. J'espère que vous reviendrez sur votre position afin de traiter le mal à sa source et que vous ne vous contenterez plus de chercher à amoindrir la douleur.

S'il vous plaît, madame la ministre, ne laissons pas mourir la filière !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. René-Pierre Signé. Tout à fait !

M. Jean Boyer. Réveillons-la à l'occasion de Noël ! (Sourires.)

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