Question de M. BOURQUIN Martial (Doubs - SOC) publiée le 15/12/2010

Question posée en séance publique le 14/12/2010

Concerne le thème : L'avenir de la filière photovoltaïque

M. Martial Bourquin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, souvenons-nous : au mois de décembre 2008, dans le droit fil de l'euphorie du Grenelle, il était affirmé sans ambages dans le plan national de développement des énergies renouvelables que l'État devait « dynamiser le marché de l'énergie solaire, accélérer la recherche et bâtir une véritable industrie solaire en France ».

Deux ans plus tard, il apparaît que la mise en œuvre de ce plan a parfaitement réussi sur un point : le marché de l'énergie solaire est, de l'aveu de tous, particulièrement dynamique.

Oui, les objectifs du Grenelle ont été atteints ! Mais à quel prix, madame la ministre ! Et pour quel bénéfice collectif réel ?

En matière de développement durable, faut-il tenir compte du bilan carbone réel de l'importation, du transport et du recyclage de milliers de panneaux solaires, le plus souvent de première génération ?

L'environnement du photovoltaïque a été conçu aux dépens de la construction d'une industrie française nouvelle et innovante.

Comme je l'indiquais tout à l'heure à M. Proglio, je déplore que les grands projets d'EDF en matière de mise en place de panneaux photovoltaïques se développent souvent au détriment de la filière française, pourtant extrêmement innovante. Notre filière française est en train de mettre en place des capteurs solaires de deuxième, troisième, quatrième générations. Or on voit trop souvent de grands projets être mis en œuvre par des donneurs d'ordres favorisant l'installation de panneaux de première génération !

Madame la ministre, le moratoire qui a été décidé doit être l'occasion d'une remise à plat complète du secteur et, surtout, de l'établissement de nouvelles règles. Par exemple, au lieu d'abandonner toute aide fiscale dans le secteur, mieux vaudrait subordonner les aides à un véritable bilan carbone et sociétal. Je pense également à des sorties de dispositif d'aide très progressives du type prime à la casse, comme cela se pratique dans l'automobile.

Faisons attention, madame la ministre ! Nous avons une filière très innovante, qui peut créer des dizaines de milliers d'emplois. Ne la sacrifions pas !

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Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement publiée le 15/12/2010

Réponse apportée en séance publique le 14/12/2010

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je peux souscrire à l'ensemble du constat que vous dressez.

Les objectifs en matière de développement de l'électricité photovoltaïque que nous nous sommes fixés lors du Grenelle de l'environnement, c'est-à-dire 1 100 mégawatts à l'horizon 2012 et 5 400 mégawatts à l'horizon 2020, sont sur le point d'être largement dépassés.

Mais nous avions également des objectifs sous-jacents en matière d'environnement et d'emploi, avec le développement d'une filière industrielle en France. Force est de constater aujourd'hui que la manière dont le marché s'est développé et la bulle spéculative créée autour de l'électricité photovoltaïque ne nous ont pas permis de les atteindre.

Du point de vue environnemental, un panneau fabriqué en Chine produit 1,8 fois plus de dioxyde de carbone qu'un panneau fabriqué en France.

M. Roland Courteau. C'est vrai !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Or, de mémoire, il me semble que 90 % des panneaux posés en France sont fabriqués en Chine !

Par ailleurs, les emplois qui ont effectivement été créés l'ont été dans l'installation ou le raccordement, c'est-à-dire dans les services. Mais on ne peut pas parler d'un développement d'une filière industrielle en France.

M. Roland Courteau. Cela reste donc à faire !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, sous l'autorité du Premier ministre, a tout simplement choisi de réorganiser l'ensemble des soutiens au photovoltaïque.

Il ne s'agit pas de remettre en cause les objectifs du Grenelle de l'environnement, qui sont maintenus et réaffirmés. En revanche, il s'agit d'atteindre nos objectifs en termes non seulement de nombre de panneaux photovoltaïques installés, mais également d'environnement et de créations d'emplois.

Pour l'instant, à l'exception des installations de moins de 3 kilowattheures – cela correspond à environ trente mètres carrés de panneaux –, le système est suspendu pour une durée de trois mois, le temps de mener une large concertation avec l'ensemble des acteurs et de mettre en place un dispositif de soutien permettant d'atteindre nos objectifs environnementaux, d'emplois et de développement d'une filière industrielle pérenne.

Les acteurs ont besoin de visibilité, et je comprends qu'ils soient aujourd'hui dans une période de trouble après les différentes modifications intervenues sur les tarifs. L'objectif est bien de leur offrir au mois de mars un cadre qui soit pérenne et qui corresponde véritablement à tous les enjeux du Grenelle de l'environnement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour la réplique.

M. Daniel Raoul. Je souhaite formuler trois remarques.

Premièrement, souvenons-nous des débats que nous avions eus à l'époque du Grenelle de l'environnement. J'avais déjà dénoncé le bilan carbone déplorable de la filière photovoltaïque, en tout cas par comparaison avec les autres produits qui existent sur le marché.

Deuxièmement, j'attendais la création ou l'accompagnement d'une véritable filière photovoltaïque française, en particulier à base de composants organiques. D'ailleurs, cela existe ; des expériences sont menées au Commissariat à l'énergie atomique, le CEA, notamment à Grenoble, et des prototypes sont en cours. Nous pourrions profiter du moratoire pour atteindre la phase suivante, c'est-à-dire le stade industriel.

Troisièmement, je me demande bien pourquoi personne ne parle du solaire thermodynamique, une énergie qui ne pose aucun problème environnemental. Ce serait une solution plus simple.

M. Paul Blanc. Tout à fait !

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