Question de M. VESTRI René (Alpes-Maritimes - UMP) publiée le 28/10/2010

M. René Vestri rappelle à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, que l'obligation de dénonciation faite aux fonctionnaires par l'article 40 du code de procédure pénale modifié par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 est une véritable obligation juridique et concerne les fonctionnaires au sens large du terme, c'est-à-dire l'ensemble des agents du service public. Ils doivent donc dénoncer les infractions qu'ils découvrent dans l'exercice de leurs attributions légales et réglementaires et plus largement les infractions dont ils ont connaissance dans l'exercice de leurs fonctions. En effet, cet article 40 dispose que : " Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit, est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs".

Alors que les termes de ce texte paraissent clairs, force est de constater que les modalités d'application de cette disposition sont plus que variables et parfois même pratiquées de manière arbitraire. Pour preuve, il signale un cas particulier survenu dans son département des Alpes-Maritimes. Conformément aux dispositions de l'article 40, un élu a dénoncé aux plus hautes autorités de l'État les conditions d'attribution d'un marché public portant sur un montant de 150 millions d'euros. Lui-même, interpellé par différentes associations, est intervenu auprès du préfet en place pour appuyer le dossier, mais aucune réaction des instances de l'État n'est venue étayer sa demande. Cette situation ne peut que renforcer la défiance des citoyens envers l'État, les collectivités et la justice.

Aussi, il souhaite qu'elle lui apporte des précisions sur les modalités d'application de l'article 40 du code de procédure pénale et celles de l'article 434-1 du code pénal.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la jeunesse et de la vie associative publiée le 01/12/2010

Réponse apportée en séance publique le 30/11/2010

M. René Vestri. Madame la secrétaire d'État, je veux attirer votre attention sur l'obligation de dénonciation faite aux fonctionnaires par l'article 40 du code de procédure pénale, modifié par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004.

Cette obligation juridique s'impose non seulement aux fonctionnaires de police mais aussi à toutes les catégories de fonctionnaires de l'État et des collectivités territoriales.

En effet, cet article 40 stipule que « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit, est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».

Alors que les termes de ce texte paraissent clairs, force est de constater que les modalités d'application de cette disposition sont plus que variables et parfois même arbitraires.

J'en veux pour preuve un cas particulier survenu dans mon département des Alpes-Maritimes. Conformément aux dispositions générales de l'article 40, un élu a dénoncé aux plus hautes autorités de l'État les conditions d'attribution d'un marché public portant sur un montant de 150 millions d'euros.

Moi-même, interpellé par différentes associations, je suis intervenu auprès du préfet pour appuyer le dossier, mais aucune réaction des instances de l'État n'est venue étayer ma demande.

Je ne comprends pas cette attitude et je crains que cette situation ne fasse qu'accroître la défiance des citoyens envers l'État, les collectivités locales et la justice.

Aussi, madame la secrétaire d'État, pourriez-vous m'apporter des précisions sur les modalités d'application de l'article 40 du code de procédure pénale et celles de l'article 434-1 du code pénal ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Michel Mercier, qui participe en ce moment au conseil des ministres.

Monsieur Vestri, comme vous l'avez rappelé, l'article 40, alinéa 2, du code de procédure pénale couvre un domaine beaucoup plus large que d'autres obligations légales qui imposent un devoir de révélation à certaines autorités. Il n'opère pas de distinction entre les crimes et délits selon leur gravité.

Il concerne tous les crimes et délits dont aurait connaissance un fonctionnaire, un officier public ou toute autorité constituée.

Ces personnes sont soumises à des devoirs et à des obligations plus étendus que les citoyens ordinaires, puisque leurs fonctions imposent de servir l'intérêt général dont l'État est le garant.

Cette exigence a été rappelée depuis de nombreuses années par les gardes des sceaux successifs. En effet, l'absence de révélation par l'administration de faits portés à sa connaissance, à l'occasion de l'exercice de ses missions, conduit cette dernière à apprécier, au lieu et place du ministère public, l'opportunité des poursuites. Elle a donc une obligation de révélation.

À l'inverse, et pour les mêmes raisons, un signalement adressé au parquet au titre de l'article 40, alinéa 2, du code de procédure pénale ne lie pas le ministère public. Ce dernier conserve l'opportunité des poursuites, comme pour toutes les plaintes et dénonciations dont il est saisi. Le parquet apprécie en effet les suites qu'il convient de réserver au signalement, selon les distinctions précisées à l'article 40-1 du code de procédure pénale introduit par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, à savoir la mise en mouvement de l'action publique, l'engagement d'alternatives aux poursuites ou le classement sans suite.

La loi précitée a également institué, à l'article 40-2 du code de procédure pénale, le principe d'un avis du parquet aux plaignants, aux victimes et aux personnes ou autorités mentionnées au deuxième alinéa de l'article 40 du même code, quand des poursuites ou des alternatives aux poursuites ont été décidées à la suite de leur plainte ou de leur signalement.

Cette information réciproque des autorités administratives et judiciaires sur les infractions dénoncées et les suites qui leur sont réservées à travers l'avis paraît de nature à faciliter, dans le respect des attributions de chacun, un fonctionnement transparent de la vie publique, conforme aux attentes légitimes de nos concitoyens.

Les prescriptions de l'article 40 du code de procédure pénale ne sont assorties d'aucune sanction pénale.

Mme la présidente. La parole est à M. René Vestri.

M. René Vestri. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de rappeler les contraintes de l'article 40.

Dans le cas que je viens d'évoquer, il s'agit d'un marché public de 150 millions d'euros, au sujet duquel le doute était flagrant et la tentative de fraude certaine. Le maire ayant été avisé, il a immédiatement bloqué le marché. C'est donc la preuve qu'il s'est passé quelque chose.

Je pars d'un principe très simple : pour apprécier, il faut comparer. Or, j'ai pu constater que, dans une affaire portant sur 3 000 euros, des perquisitions avaient été immédiatement opérées, des mises en garde à vue avaient été effectuées, et l'ensemble d'un conseil municipal avait été appelé à témoigner. Il s'agissait, je le répète, de 3 000 euros. Or, dans le cas particulier que je viens d'évoquer, madame la secrétaire d'État, c'était un marché public de 150 millions d'euros ! Et rien, rien n'a été fait ! Voilà ! C'est tout !

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