Question de M. TROPEANO Robert (Hérault - RDSE) publiée le 07/10/2010

M. Robert Tropeano attire l'attention de M. le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants concernant le bénéfice de la double campagne pour les anciens combattants en Afrique du Nord.

En effet, une décision récente du Conseil d'État du 17 mars 2010 a enjoint le secrétariat d'État à la défense et aux anciens combattants, ainsi que le ministre du budget, d'attribuer le bénéfice de la campagne double aux titulaires des pensions civiles et militaires de l'État ayant participé à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc. Dans une réponse publiée au JO le 5 août 2010, était annoncé un projet de décret qui répondrait aux attentes du monde des combattants et aux engagements pris, lors de la dernière discussion budgétaire au Parlement. Or le décret n° 2010-890 du 29 juillet 2010 ne répond pas à ces attentes, puisque seules les pensions liquidées à compter du 19 octobre 1999 pourront être révisées. De cette manière, cette date de référence vide le texte de ses effets. Ainsi, cette date inscrite dans l'article 3 du décret discrimine les anciens combattants. Elle rend, de fait, impossible l'attribution de la campagne double, conformément à l'article R.14 du code des pensions civiles et militaires de retraite. La mesure devrait s‘appliquer aux catégories de fonctionnaires et assimilés. Combien d'entre eux vont pouvoir réellement en bénéficier ? Combien d'entre eux étaient encore en activité à cette date ? Depuis la seconde guerre mondiale, tous les participants aux conflits d'Indochine, de Corée, du Golfe ont bénéficié de la campagne double pour toute la durée de ces conflits. Alors pourquoi un traitement différent pour ceux qui ont combattu en Afrique du Nord ? Le nombre de bénéficiaires de cette mesure décroît avec le temps, c'est la loi démographique. Il souhaiterait savoir si le secrétariat d'État aux anciens combattants a l'intention de revenir sur cette disposition.

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Réponse du Ministère de la défense et des anciens combattants publiée le 17/11/2010

Réponse apportée en séance publique le 16/11/2010

M. Robert Tropeano. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, en tant que parlementaire, j'ai été interpellé par de nombreuses associations d'anciens combattants sur le bénéfice de la campagne double pour les anciens combattants en Afrique du Nord.

Une décision du Conseil d'État du 17 mars 2010 enjoint au ministre de la défense et au ministre du budget d'attribuer le bénéfice de la campagne double aux titulaires des pensions civiles et militaires de l'État ayant participé à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc.

Dans une réponse publiée au Journal officiel du 5 août dernier, était annoncé un projet de décret qui répondrait aux attentes du monde combattant et aux engagements pris lors de la dernière discussion budgétaire au Parlement. Or, le décret n° 2010-890 du 29 juillet 2010 ne répond pas à ces attentes, puisque seules les pensions liquidées à compter du 19 octobre 1999 pourront être révisées.

À elle seule, cette date de référence, inscrite à l'article 3 du décret, vide le texte de ses effets. Elle opère une discrimination entre les anciens combattants. Cette mesure devait s'appliquer aux fonctionnaires et assimilés, mais peu d'entre eux pourront en bénéficier. Ils ne sont pas nombreux, ceux qui étaient encore en activité à cette date !

Une fois encore, il s'agit d'un rendez-vous manqué. Aussi, monsieur le ministre d'État, l'égalité de traitement entre les générations du feu devrait être rétablie.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, tous les participants aux conflits d'Indochine, de Corée et du Golfe ont bénéficié de la campagne double. Dans ces conditions, pourquoi y aurait-il un traitement différent pour ceux qui ont combattu en Afrique du Nord ?

Le nombre de bénéficiaires de cette mesure décroît avec le temps : c'est la loi démographique. Il serait nécessaire, monsieur le ministre d'État, que vous reveniez sur cette disposition pour témoigner aux anciens combattants du respect et de la solidarité de la nation.

Il est temps de concrétiser tout cela par des actes qui seront visibles et tangibles dans le prochain budget que vous nous présenterez.

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre de la défense et des anciens combattants. Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de vous remercier de vos paroles de bienvenue et de vous dire combien je suis heureux de m'exprimer pour la première fois en ma qualité de ministre de la défense ici, au Sénat,…

M. le président. Je suis pour ma part heureux de présider cette séance !

M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre de la défense et des anciens combattants. … et de le faire sous votre présidence, cher Roger Romani !

Monsieur le sénateur Robert Tropeano, tout le monde le sait, le bénéfice de campagne prévu au code des pensions civiles et militaires de retraite permet de majorer pour la retraite la durée des services militaires accomplis en temps de guerre.

Alors que la campagne simple permet de compter deux fois les services accomplis, la campagne double permet de les tripler. Pour les opérations qui se sont déroulées en Afrique du Nord, seule la campagne simple avait été accordée à l'origine.

Ce dispositif s'applique aux fonctionnaires et aux bénéficiaires des régimes spéciaux assimilés. Je souligne au passage qu'il n'a d'intérêt que pour ceux qui n'ont pas déjà le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Pour les autres, cela ne change évidemment rien.

Comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, la loi du 18 octobre 1999 a substitué à l'expression « opérations effectuées en Afrique du Nord », l'expression « guerre d'Algérie » ou « combats en Tunisie et au Maroc », dans certaines dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

C'est pourquoi des associations ont demandé l'attribution de la campagne double pour les ressortissants du code des pensions civiles et militaires de retraite ayant servi en Afrique du Nord. Comme vous l'avez indiqué, un arrêt du Conseil d'État du 17 mars leur a donné raison.

Aussi le décret que le Gouvernement a pris le 29 juillet dernier s'efforce-t-il de répondre à la décision du Conseil d'État. Je crois pouvoir vous affirmer qu'il va au maximum de ce qui peut être accordé par voie réglementaire.

Monsieur le sénateur, vous indiquez que l'article 3 priverait la mesure de tout effet. Je ne peux pas vous suivre dans cette affirmation. Le décret du 29 juillet 2010 donne un effet à la mesure puisqu'il permet de réviser toutes les pensions de retraite liquidées à compter du 19 octobre 1999, date de l'entrée en vigueur de la loi.

J'entends bien que ceux dont la pension a été liquidée avant le 19 octobre 1999 seront déçus. Il s'agit notamment des cheminots et des autres bénéficiaires de régimes spéciaux partis en retraite à 55 ans ou à 52 ans.

Mais – vous le savez, bien sûr – seule la loi pourrait instituer des dispositions rétroactives entraînant le bénéfice de droits antérieurs au 19 octobre 1999.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d'ajouter que la définition des actions de feu et de combat répond quant à elle strictement à l'égalité de traitement entre générations du feu. Elle est également parfaitement conforme aux exigences du Conseil d'État, qui, dans un avis du 30 novembre 2006, avait demandé aux ministres chargés des anciens combattants et du budget, de définir « les circonstances de temps et de lieu permettant d'identifier les situations de combat ouvrant droit au bénéfice de la bonification ».

Le décompte des journées de feu et de combat sera fait sur la demande des intéressés, au vu des journaux de marche dépouillés par le service historique de la défense.

Ce qui a été réalisé revient à réparer une défaillance de l'État dans l'application de la loi de 1999. Nous pouvons tous nous en réjouir.

M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.

M. Robert Tropeano. Monsieur le ministre d'État, je ne peux être d'accord avec votre réponse. Cette modalité de campagne double exclut tous ceux qui sont nés avant 1939.

Je ne pense pas que votre réponse satisfera le monde des anciens combattants, qui nous le fera savoir. Nous évoquerons ce sujet lors de l'examen du prochain budget des anciens combattants.

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