Question de Mme BRICQ Nicole (Seine-et-Marne - SOC) publiée le 22/10/2010

Question posée en séance publique le 21/10/2010

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq. Je note que, ce matin, le Premier ministre était dans nos murs pour rendre visite aux membres du groupe UMP. Il n'est malheureusement pas là cet après-midi, et c'est bien dommage pour lui !

Le 22 juin 2009, le Président de la République déclarait devant le Parlement réuni en Congrès qu'il serait au rendez-vous des retraites en 2010.

M. Didier Boulaud. De la sienne !

Mme Nicole Bricq. Il ajoutait : « Il faudra que tout soit mis sur la table » ; « toutes les options seront examinées ». Toutefois, sans la moindre négociation, l'option était à sens unique, celui de l'injustice.

Dès le mois de février dernier, au moment où la crise grecque était mise en lumière, les fonctionnaires de l'Agence France Trésor, chargée de renégocier la dette auprès des investisseurs, disposaient d'un argument de vente que je voudrais rappeler : ils vantaient « le relèvement des seuils d'âge, deux à quatre fois plus rapide en France qu'en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis ».

Vous avez fait un choix très clair, de court terme, celui de rassurer les marchés financiers, alors qu'il eût fallu tranquilliser les jeunes générations, qui percevront des pensions de retraite diminuées dans quarante ans. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Roland Courteau. Eh oui !

Mme Nicole Bricq. Mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, l'un d'entre vous, quel qu'il soit, se dévouera pour me répondre. Vous ne cessez de répéter en boucle depuis le début des discussions, voilà bientôt trois semaines, que vous faites comme en 1993, comme en 2003, comme en 2006. Mais vous avez oublié un paramètre essentiel, celui de la crise financière.

Les Français qui manifestent, ceux, très nombreux, qui les soutiennent, ne veulent pas être les seuls à payer les frasques financières, pas plus que l'endettement faramineux que vous avez alimenté, particulièrement depuis 2007, avec le trou énorme créé dans nos recettes fiscales ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Roland Courteau. C'est vous les responsables !

Mme Nicole Bricq. Alors ne me répondez pas, comme vous le dites toujours et comme vient de le faire M. Tron, que nous allons augmenter les impôts.

M. le président. Veuillez poser votre question, madame Bricq.

Mme Nicole Bricq. Vous présentez un projet de budget dans lequel les prélèvements sont en hausse de 11 milliards d'euros, lesquels pèseront sur les couches moyennes. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe UMP déclenchent oralement le compte à rebours des cinq secondes qu'il reste à l'oratrice.) D'ici à 2013, vous augmenterez les prélèvements obligatoires de quatre points, contrairement à ce que vous aviez promis. Alors répondez-nous en nous regardant dans les yeux : quand allez-vous cesser de mentir aux Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Réponse du Ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique publiée le 22/10/2010

Réponse apportée en séance publique le 21/10/2010

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Madame Bricq, je ne sais pas pourquoi votre ton est aussi extraordinairement méprisant envers le Gouvernement et la majorité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Didier Boulaud. Provocateur ! Vous êtes bien placé pour parler !

M. Éric Woerth, ministre. Ce n'est pas le bon ton.

M. René-Pierre Signé. Quel mépris !

Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, regardez-moi les yeux dans les yeux quand vous me parlez !

M. Éric Woerth, ministre. Mais enfin, me direz-vous, vous êtes libre d'employer le ton qui vous convient. Pour ma part, je vous le laisse.

M. Bernard Piras. Répondez à la question !

M. Éric Woerth, ministre. Pourquoi tant d'aveuglement ? Je sais bien que le parti socialiste a ses éléments de langage, que nous entendons en boucle depuis maintenant quasiment trois semaines.

M. Didier Boulaud. C'est un peu court comme argument !

M. Éric Woerth, ministre. Pourquoi ne pas regarder la réalité en face ? Pourquoi ne vous demandez-vous pas les raisons pour lesquelles l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne ont modifié leurs systèmes de retraite ?

M. Guy Fischer. Tout le monde n'est pas d'accord : 500 000 manifestants à Rome !

M. Yannick Bodin. Répondez à la question !

M. Roland du Luart. Écoutez le ministre !

M. Éric Woerth, ministre. La France serait-elle une terre isolée, qui ne devrait pas affronter la réalité ? (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE couvrant la voix de l'orateur.) La France serait-elle un pays qui ne devrait jamais prendre aucune décision ? Les Français attendent-ils simplement de leurs gouvernants que les réponses soient toujours remises au lendemain ?

M. Didier Boulaud. Éric Woerth, ancien trésorier de l'UMP !

M. Éric Woerth, ministre. Le parti socialiste nous dit qu'il y a un problème, mais qu'il faudra le régler plus tard – toujours plus tard. Il n'a jamais le courage d'affronter les situations telles qu'elles sont, et c'est bien probablement son défaut !

M. Didier Boulaud. Répondez à la question !

M. Éric Woerth, ministre. L'image de la France dans le monde, à laquelle nous sommes tous attachés, est, bien sûr, un point très important. Et pour qu'elle soit positive, il revient aussi à notre pays de faire des réformes courageuses à un moment donné. L'image de la France dans le monde, c'est également l'image que les Français ont d'eux-mêmes, et ces derniers savent bien qu'il faut faire une réforme des retraites.

M. Bernard Piras. Répondez à la question !

M. Éric Woerth, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, vous vous opposez à notre réforme, mais vous n'avez aucun projet, à l'exception du matraquage fiscal.

Mme Nicole Bricq. Regardez-moi, monsieur le ministre, c'est moi qui vous ai posé la question !

M. Yannick Bodin. Répondez à notre collègue !

M. Éric Woerth, ministre. J'ajouterai que l'évolution du discours sur les retraites de Mme Aubry, la patronne du parti socialiste, est très intéressante. Avant, elle soutenait la retraite à 60 ans.

M. Didier Boulaud. C'est « Bettencourt » comme argument !

M. Éric Woerth, ministre. Maintenant, elle se prononce en faveur du maintien de la retraite à 60 ans, tout en reconnaissant qu'une telle disposition suppose, évidemment, une baisse considérable des pensions ! Et ça, c'est tromper les Français !

Puisque vous n'avez le courage ni d'affronter la situation telle qu'elle est ni d'expliquer aux Français qu'une réforme des retraites passe par un allongement raisonnable de l'âge de départ à la retraite, alors vous vous dites tout simplement qu'il faut baisser le montant des pensions. Cette réponse au problème actuel ne vous rendra pas plus responsables que vous ne l'êtes aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'Union centriste.)

M. David Assouline. Mauvaise foi !

M. Yannick Bodin. Incapable de répondre !

M. René-Pierre Signé. L'image de la France est bien écornée !

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