Question de M. COURTEAU Roland (Aude - SOC) publiée le 23/09/2010

M. Roland Courteau attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur le rapport n° 117 du Sénat, qu'il a présenté en décembre 2007, dans le cadre des travaux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) intitulé : « Tsunami sur les côtes françaises : un risque certain, une impréparation manifeste ».

Il lui rappelle que ce rapport faisant état de la gravité des enjeux et de l'attentisme inquiétant de la France, énumérait un certain nombre de recommandations et mettait en avant des propositions par bassin.

Parmi ces propositions figurait, notamment, celle relative à la mise en place d'un centre d'alerte pour la Méditerranée, sous la responsabilité du CEA, mais également et concomitamment la mise en œuvre de « l'alerte descendante » en direction des populations dans les zones exposées.

Il lui indique, par ailleurs, que dans le cadre de l'examen par le Parlement du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, le Sénat a adopté, sur sa proposition, un amendement visant à mettre en place le cadre législatif de la prévention du risque tsunami. (article 44 b de la loi n°2009-967 du 3 août 2009).

Il lui précise également qu'au cours de deux auditions publiques réalisées dans le cadre des travaux de l'OPECST, en présence de scientifiques et de représentants des ministères concernés, en juin 2009 et juillet 2010, plusieurs informations émanant des ministères de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, d'une part, et de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, d'autre part, permettaient de considérer que le centre d'alerte aux tsunamis en Méditerranée pourrait être opérationnel dès le mois de mai 2010.

Il lui demande donc de bien vouloir lui donner toutes informations sur l'avancement de ce projet, les moyens financiers qui lui sont consacrés, en investissement, ainsi que le coût estimé de son fonctionnement.

Il lui demande également de bien vouloir lui faire un point précis sur l'avancement de la mise en œuvre concomitante de l'alerte descendante, avec notamment la définition du meilleur vecteur d'alerte aux populations en fonction des zones exposées ou encore celle relative aux cartes d'inondation et d'évacuation, ainsi que les dispositions envisagées pour sensibiliser régulièrement les populations des zones exposées.

- page 2446


Réponse du Ministère chargé de l'outre-mer publiée le 15/12/2010

Réponse apportée en séance publique le 14/12/2010

M. Roland Courteau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans le cadre des travaux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, l'OPECST, j'ai présenté en décembre 2007 le rapport n° 117 intitulé L'évaluation et la prévention du risque du tsunami sur les côtes françaises en métropole et outre-mer.

Ce rapport faisait état – je tiens à le rappeler – non seulement de la gravité des enjeux, mais aussi de l'attentisme de la France. Il énumérait un certain nombre de recommandations et mettait en avant des propositions par bassin, parmi lesquelles figurait notamment la mise en place d'un centre d'alerte pour la Méditerranée, placé sous la responsabilité du Commissariat à l'énergie atomique, le CEA.

À toutes fins utiles, je me dois de préciser que, si les tsunamis sont des phénomènes rares comparativement à d'autres aléas naturels, comme les tempêtes ou les inondations, leur incidence sur les populations du littoral est souvent dévastateur. Il serait pour le moins très imprudent de parier sur la rareté de ce phénomène pour ne pas mettre en place un dispositif d'alerte destiné à protéger les populations et à sauver des vies humaines.

C'est la raison pour laquelle j'ai proposé en 2009, en complément de mon rapport, un amendement au projet de loi Grenelle I, qui a été adopté, afin de mettre en place le cadre législatif de la prévention du risque de tsunamis.

Je précise également que, au cours de deux auditions publiques réalisées dans le cadre des travaux de l'OPECST sur le suivi de ce dossier, les représentants des ministères de l'intérieur et de l'écologie m'ont indiqué que les préconisations de notre rapport avaient bien été prises en compte et que le centre d'alerte en Méditerranée serait opérationnel en 2012.

Quoi que puissent en penser certains, prétendument mieux informés que d'autres, la Méditerranée est une mer marquée par les risques de séisme et de tsunami : tsunamis régionaux, en provenance de l'Algérie, ou locaux, liés à un séisme en mer Ligure ou à un glissement de terrain entre Nice et Vintimille. J'ai ici la liste des plus importants.

Il faut savoir qu'aucun bassin dans le monde n'est à l'abri de ce phénomène. Là où il y a eu par le passé des tsunamis, il y en aura dans le futur. Il ne s'agit pas d'alarmer les populations, mais il ne faut pas non plus faire la politique de l'autruche.

Au cours du seul XXe siècle, pas moins de 911 tsunamis eurent lieu dans le monde : 76 % dans le Pacifique, 10 % en Méditerranée, 10 % dans l'Atlantique et 4 % seulement dans l'océan Indien. Ce dernier bassin était d'ailleurs considéré comme le plus sûr jusqu'au tsunami de 2004, qui fit des centaines de milliers de morts.

Je note avec satisfaction que, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, la direction de la sécurité civile a obtenu une enveloppe de 7 millions d'euros sur cinq ans pour prendre en charge la moitié des coûts d'investissement et de fonctionnement du centre d'alerte en Méditerranée, tandis que le ministère chargé de l'écologie assurera le reste du financement. Ce montant correspond exactement au coût estimé dans mon rapport.

Je souhaiterais obtenir des précisions sur le degré d'avancement de ce projet tel qu'il doit être mis en œuvre par le CEA, en liaison avec le service hydrographique et océanographique de la marine, le SHOM, et le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS.

Je me dois de faire remarquer que ce centre d'alerte doit cependant être accompagné d'un réseau d'alerte dite « descendante » à l'intention des populations. Comme toutes les zones ne sont pas exposées de la même manière, des cartes d'inondation et d'évacuation seront nécessaires en fonction de la vulnérabilité de ces zones. Il faudra également définir, selon les cas, le meilleur vecteur d'information de l'alerte aux populations et réaliser des campagnes de sensibilisation sur les comportements à adopter en cas de tsunami.

Madame la ministre, où en est-on sur tous ces points ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous attirez l'attention de M. le ministre de l'intérieur, dont je vous prie de bien vouloir excuser l'absence, sur la mise en œuvre de votre rapport de décembre 2007 traitant du risque de tsunamis en Méditerranée.

S'agissant de la proposition de mise en place d'un centre d'alerte sur l'initiative du ministère de l'intérieur et du ministère du développement durable, le Commissariat à l'énergie atomique, en partenariat avec le Service hydrographique et océanographique de la marine et le CNRS, s'est vu confier la mission de constituer, puis d'exploiter, un centre national d'alerte aux tsunamis pour la Méditerranée occidentale et l'Atlantique du Nord-Est. Une convention-cadre a été signée à cet effet le 23 septembre 2009 entre les ministères et les établissements concernés.

Le centre national d'alerte aux tsunamis, le futur CENALT, sera implanté sur le site du CEA de Bruyères-le-Châtel en Essonne et sera opérationnel à la mi-2012. Il s'appuiera sur le système d'alerte et d'information des populations qui est en cours de réalisation.

Les échanges de données entre le CEA et ses homologues portugais et espagnols sont désormais activés grâce à la mise en place, durant l'année 2010, de deux liaisons à haut débit. Par ailleurs, deux liaisons par satellite ont été installées sur les stations sismiques à Calern dans les Alpes-Maritimes et à Arette dans les Pyrénées-Atlantiques afin de pouvoir recevoir les signaux sismiques en temps réel. Aujourd'hui, les données de 18 marégraphes peuvent être reçues en temps réel au futur CENALT. Le renvoi des données vers les autres centres du bassin est maintenant fonctionnel.

La question de la transmission, puis de la diffusion, des messages d'alerte est en cours de réflexion, ainsi que la réalisation d'un site internet concernant le projet. Le troisième comité de pilotage devrait se tenir à la mi-janvier 2011.

En termes de financement, le projet de constitution du CENALT représente un budget d'environ 14 millions d'euros jusqu'en 2013, et son coût de fonctionnement est évalué à 4 millions d'euros par an. Le ministère de l'intérieur contribue à hauteur de 50 % au financement de ce projet.

Enfin, la réalisation d'un réseau d'alerte dite « descendante », situé à l'échelon local et destiné aux populations du littoral méditerranéen, suppose que les zones les plus vulnérables soient connues afin de pouvoir ensuite mettre en place un système d'alerte adéquat et définir les comportements de mise à l'abri ou d'évacuation.

À la suite du premier comité de pilotage, trois sites pilotes ont été retenus : une zone de Port-Saint-Ange à Leucate-Plage dans l'Aude, une zone de Pierreplane à Le Brusc dans le Var, et une zone de Juan-les-Pins à Villeneuve-Loubet-Plage dans les Alpes-Maritimes.

Une typologie de la côte méditerranéenne définissant huit types de côtes a été dressée. Elle servira à l'élaboration d'une carte de risques au tsunami sur l'ensemble de la côte méditerranéenne française à partir des résultats obtenus sur les trois sites pilotes.

En 2011, les études sur ces trois sites porteront sur les enjeux et le risque. Un travail plus précis sera mené sur la réponse à apporter face à un tsunami : définition des vecteurs d'alerte, schémas d'évacuation, information de la population, dispositifs spécifiques ORSEC.

Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement demeure particulièrement mobilisé sur ce dossier.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Madame la ministre, je vous remercie des précisions que vous m'avez apportées. Je note avec satisfaction qu'il a bien été tenu compte des préconisations formulées dans mon rapport, en tout cas de celles qui paraissaient être les plus importantes pour la mer Méditerranée.

Néanmoins, je voudrais apporter un petit bémol : le délai prévu pour la mise en place du centre d'alerte me semble un peu trop long, compte tenu du caractère imprévisible et dangereux du phénomène du tsunami.

Enfin, je voudrais attirer l'attention du Gouvernement sur la situation des Antilles françaises où les risques ne sont pas moins importants et où les côtes sont particulièrement vulnérables. (Mme la ministre acquiesce.)

- page 12196

Page mise à jour le